L’imprimeur nigérien défunt, Maman Abou, le général et les orphelins

Maman Abou
Maman Abou, décédé il y a deux ans

Dans une saga judiciaire qui passionne les réseaux sociaux au Niger, la succession de Maman Abou, grand imprimeur et militant au grand coeur, met en cause le comportement de son propre frère, un général fort influent et un proche du pouvoir du nom d’Abou Tarka. 

De son vivant, Maman Abou fut un entrepreneur puissant, à la tête d’imprimeries, de médias et d’hôtels. Il fut également, durant toute sa vie, un militant des causes touaregs et progressistes. Depuis les années 90, sa personnalité a marqué par son engagement tous les combats démocratiques du pays, en particulier celui de la liberté d’expression.

Comme l’a bien exprimé, dans son éloge funèbre, son ami Hassoumi Massaoudou, l’actuel ministre des Affaires étrangères, il s’est imposé par son ardeur au travail, son esprit d’entreprise, le désintéressement, la quête de la justice. Ce qui l’a conduit à s’engager auprès « des faibles contre les forts ». Il fut de tous les combats, jusqu’à la prison, mais ne voulait pas être               « réductible à un parti, fût-ce le sien. »

Lorsqu’il tomba malade de ce cancer qui l’emportera finalement le 13 juillet 2020, Maman Abou laissa une famille à son image, libre et atypique. Un fils trentenaire, qu’il a préparé à lui succéder dans la gestion de ses affaires, et deux jumeaux âgés de dix ans aujourd’hui, nés de son union tardive avec une jeune femme d’une grande famille touareg.

Après une longue hospitalisation en France, en pleine épidémie de COVID, il revient au Niger pour mourir, sans avoir eu le temps, semble-t-il, de terminer ses dispositions testamentaires pour mettre ses enfants à l’abri. Il les a reconnus, élevés en son foyer, éduqués.

Frère de l’imprimeur décédé, le général Abou Tarka est le Président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix

Le général préféré des Occidentaux  

Le conseil de famille, composé de ses nombreux frères et sœurs, se réunit le 22 juillet devant le tribunal d’arrondissement communal. Le mandataire désigné pour la succession est le général Abou Tarka, son frère cadet. C’est lui qui dirige la toute puissante Haute Autorité à la Consolidation de la Paix généreusement financée (HACP). La HACP est l’institution préférée des partenaires occidentaux du Niger, désespérément en quête de solutions techniques, voire technocratiques, pour tenter de stopper l’inexorable avancée des djihadistes dans la région. Malgré plusieurs avertissements sur sa gestion, notamment de la Cour des Comptes et de l’Agence de Régulation des Marchés Publics, la HACP continue d’être abondamment financée par l’Agence Française de Développement, l’Union européenne, l’Alliance Sahel, etc.

Abou Tarka, qui ne connaît de la guerre que les colloques, est un spécialiste du maintien de la paix. Il est rattaché directement à la Présidence de la République depuis sa nomination en 2011.

Les fonctions, la fortune et l’influence du général l’imposaient à priori à la tête du conseil de famille. Sa proximité aussi avec Maman Abou, dont il était le frère le plus proche et avec qui il déjeunait tous les jours. A ce titre, il est le mandataire des deux jeunes orphelins, dont il défend les intérêts patrimoniaux.

L’affaire s’emballe devant les tribunaux  

Mais l’héritage du défunt, autant financier qu’industriel, suscite des convoitises de toutes parts. L’affaire s’emballe dans les tribunaux et les médias. La mère des jumeaux, Tamo Amoul Kinni, réclame davantage de transparence sur la gestion des biens de son ex mari. A l’appui de ses soupçons, une baisse d’activité de la Nouvelle Imprimerie du Niger, le fleuron industriel du patrimoine de Maman Abou. Surprise, certains marchés d’impression sont sous-traités à un ancien employé proche de la famille du général. Du coup, Tamo Amoul Kinni retourne donc devant le juge coutumier pour demander sa désignation comme co-mandataire.

Le 18 mai, elle obtient gain de cause auprès d’Ali Gali, le président du tribunal d’arrondissement communal, dans le cadre d’une audience houleuse dont témoignent les mentions au procès-verbal. A côté de l’emplacement de la signature du mandataire, le général ajoute: « Je ne rends jamais compte à une femme divorcée. Je ne veux pas d’une modification du conseil de famille donc je ne signe pas. » Et sous les signatures, le président du tribunal commente, met en cause l’avocat du général: «maître Souley Oumarou a notoirement manqué de respect à plusieurs reprises au tribunal au point de dire qu’il ‘’n’a peur ni de la prison, ni du président du tribunal’» Ambiance !

Trois jours plus tard, le 21 mai, le président Gali dépose plainte à son tour contre le général et son notaire pour tentative de corruption, relatant deux démarches insistantes auprès de lui de la part de ces derniers.  Cette plainte sera classée sans suite le 19 juillet et le magistrat nommé à un autre poste.

Noeud de vipères familial 

Face à son ex-belle-sœur, cependant, le général reste de marbre. Il ne fait droit à aucune de ses demandes. Le 24 juin, elle retourne devant les tribunaux en saisissant le juge des référés, qui botte en touche dans son jugement du 19 juillet. Il se déclare incompétent pour désigner un administrateur provisoire de la succession comme pour suspendre le général Mahamadou Abou Tarka en sa qualité de mandataire. « Les deux points relèvent de la compétence du juge coutumier successoral », déclare le magistrat.

La fratrie de l’imprimeur n’a pas manqué de contre-attaquer et de dégainer l’arme fatale: le défunt aurait été stérile, les deux enfants ne peuvent être de lui. Excédé par les procédures lancées par la mère de ses neveux, le général coupe les vivres aux orphelins et cesse, juste avant l’été, de leur verser la pension qui assurait leur subsistance.

Des analyses biologiques sont ordonnées, au mépris du droit de la famille, pour lequel tout enfant né dans le mariage est présumé issu des œuvres du mari. Ce principe est l’un des fondements du droit de la famille nigérien. 

Tous ces jugements ont, sans surprise, fait l’objet d’appels qui promettent de nouveaux assauts de part et d’autre. En attendant les conclusions judiciaires, la presse nigérienne s’en est donné à cœur joie, publiant les rebondissements de ce conflit familial inédit dans la meilleure société. La mémoire d’un mort piétinée, les valeurs traditionnelles bousculées, tous les ingrédients sont là, les réseaux sociaux se délectent de ce feuilleton pathétique dont les premières victimes dont deux jeunes orphelins.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Article non objectif tendancieux et commandité qui mélange le privé et le.public. Honte a vous. Soyez des journalistes professionnels.

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