Un score soviétique pour le référendum de Brice Oligui Nguema


Un référendum portant sur la nouvelle constitution du Gabon a été organisé le 16 novembre 2024, et les résultats, annoncés par le ministère de l’Intérieur, donnent le « oui » vainqueur à plus de 91 %. Un triomphe qui, en réalité, est en trompe-l’œil.


Cette nouvelle constitution fait du général Brice Oligui Nguema le nouveau roi du Gabon ou, à tout le moins, son « président » avec des pouvoirs quasi illimités. Les électeurs gabonais étaient appelés à choisir, lors de ce référendum, entre voter « oui » pour l’adopter ou « non» pour la rejeter.

Des moyens douteux pour imposer le « oui »

Le nouveau maître du Gabon n’a pas lésiné sur les moyens : on évoque des dépenses estimées à 27 milliards de francs CFA, au bas mot, pour soutenir la campagne. Il s’est lui-même investi sur le terrain pour que le « oui » l’emporte. Rien n’a été épargné : fichier électoral corrompu, achats de votes, campagne à l’américaine financée par des fonds publics exclusivement en faveur du « oui », et, surtout, ordres formels des généraux des forces de défense et de sécurité à leurs troupes de voter « oui ». Dans ce cadre, même les épouses de militaires ont été mobilisées pour promouvoir le « oui ».

Document de la Gabon Oil Company (GOC) faisant état du décaissement par cette entreprise pour soutenir la campagne du « oui » au référendum du 16 novembre dernier.

 

Participation douteuse et manque de transparence

À Libreville, la capitale, où réside la moitié de l’électorat, les bureaux de vote étaient désertés. Même des médias favorables au gouvernement ont rapporté ce faible engouement. Pourtant, le ministère de l’Intérieur, auquel les militaires ont restitué l’organisation des élections au détriment d’une commission autonome, a publié des chiffres de participation qui ne reflètent pas la réalité observée sur le terrain. À ce jour, ce ministère n’a pas communiqué les résultats détaillés par bureau de vote. La transparence a donc clairement fait défaut lors de ce scrutin.

Une quête de légitimité pour un pouvoir issu d’un coup d’État

L’enjeu de ce référendum dépasse la simple adoption d’une constitution : il s’agit pour Brice Oligui Nguema de légitimer le pouvoir qu’il a pris par les armes dans la nuit du 29 au 30 août 2023, en renversant Ali Bongo. Cette quête de légitimité semble en bonne voie, l’Union africaine ayant félicité les militaires pour l’organisation du référendum. De plus, les observateurs, soigneusement sélectionnés par les autorités gabonaises, n’ont émis aucune critique.

 Une répétition générale pour la présidentielle

Ce scrutin a également servi de répétition générale pour la prochaine élection présidentielle, à laquelle Brice Oligui Nguema sera, bien entendu, candidat. Il a d’ailleurs écarté ses rivaux les plus sérieux : Albert Ondo Ossa et Pierre-Claver Manganga Moussavou (pour dépassement de la limite d’âge), ainsi que Daniel Mengara Minko (en raison de la nationalité de son épouse et d’une durée de résidence au Gabon jugée insuffisante). Rappelons qu’en annonçant la « fin du régime en place » et la chute d’Ali Bongo, dans la cour du Palais Rénovation le 30 août 2023, les militaires putschistes avaient justifié leur coup d’État par des élections frauduleuses. Le 4 septembre 2023, Brice Oligui Nguema avait solennellement promis de rendre le pouvoir aux civils.

Force est de constater que ce premier scrutin organisé par les militaires n’a pas été démocratique. Et il n’est pas besoin d’être devin pour deviner que le prochain scrutin ne le sera pas non plus.

Gabon, une constitution sur mesure pour Brice Oligui Nguema