Le rappeur gabonais Lord Ekomy Ndong refait vivre Omar Bongo

Lord Ekomy Ndong, @facebook/lordekomyndong

Dans le monde du rap engagé, l’artiste gabonais Lord Ekomy Ndong a frappé fort avec une chanson unique en son genre. Utilisant les possibilités offertes par l’intelligence artificielle (IA), il a donné une voix à l’ancien président du Gabon,  Omar Bongo (mort en 2009), dans un morceau qui résonne comme un message posthume adressé au peuple gabonais.

Dans cette chanson de rap, Omar Bongo, figure emblématique de la politique gabonaise, se présente aux Gabonais après plus d’un demi-siècle de règne. Les paroles, livrées avec un rythme incisif, abordent des sujets brûlants tels que la gouvernance autoritaire, la succession dynastique et les défis auxquels est confronté le peuple gabonais. Voici un aperçu des paroles saisissantes de cette chanson révolutionnaire.

 Omar Bongo s’adresse aux Gabonais

Dans le premier couplet, Omar Bongo – qui avait réellement déclaré dans une de ses dernières interviews « Je ne suis pas Ni le diable ni Dieu » (et l’artiste ajoute « mais j’ai vécu ma vie un peu comme les deux ») reconnaît les cinquante ans de son règne et exprime une forme de regret pour la durée excessive de son pouvoir : « 50 ans quand même c’est trop je le reconnais » . Il aborde également la question de l’enrichissement personnel « j’ai enrichi ma famille » et du contraste entre la richesse du pays et les conditions de vie de sa population « pays riche peuple pauvre ce n’est pas normal ». La chanson reprend le vrai déni de démocratie prononcé en 1989 par Omar Bongo à propos de la démocratie et de son instauration au Gabon : « Moi je vous le dit et je vous le confirme, le multipartisme au Gabon, zéro! Tant que je serai là il n’y en aura pas! »

Omar Bongo en 2005.

 L’Ère d’Ali Bongo et l’appel à la résistance 

Le deuxième couplet laisse entendre la préoccupation de Bongo pour l’état actuel du Gabon sous la présidence de son fils, Ali Bongo. Il décrit une nation paralysée par un leadership controversé, exprimant une distance émotionnelle par rapport à la situation.

Le refrain de la chanson est un appel à l’unité et à la résistance du peuple gabonais face à l’oppression et à l’injustice. Omar Bongo exhorte le peuple à se souvenir que la victoire finale appartient au Gabon et à son peuple, réaffirmant ainsi leur pouvoir collectif : 

« Dieu ne nous a pas donné le droit

Même si parfois c’est ce que croit

Je l’ai dit et je le répète

C’est le Gabon qui vaincra

Dieu ne nous a pas donné le droit

Même si parfois on se l’octroie

Je l’ai dit et je le répète

C’est le peuple gabonais qui vaincra »

Même si le vrai Omar Bongo a dit lors de son dernier discours en 2009 « Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire, il nous observe il nous dit amusez vous mais le jour où il voudra nous sanctionner il le fera ». 

 La critique du régime

Le troisième couplet révèle la critique acerbe d’Omar Bongo envers le régime de son fils à la suite du sien, soulignant le manque de liberté d’expression, les lacunes dans les services publics et le mécontentement généralisé du peuple. Il rappelle que les gabonais rêvaient tous du changement, d’une personne qui mettrait fin à son régime dynastique installé en 1967 et qui a été renversé par l’armée le 30 aout 2023 après une tentative infructueuse menée par le lieutenant Kelly Ondo Obiang en janvier 2019 ( que l’on voit dans le clip)  : 

« Je le sais

Les Gabonais rêvaient tous de ça

Terminator ou Rambo

Dans tous les cas

Quelque chose

Un tremblement dans tous l’état

Bah voilà

Ils se font même des coups d’état »

Les militaires gabonais lors du coup d’Etat du 30 aout 2023.

 Un message d’espoir 

Cette chanson incarne un message d’espoir et de détermination pour le peuple gabonais. Utilisant l’IA comme un moyen de communication artistique, Lord Ekomy Ndong a réussi à donner une voix à une figure politique majeure de l’histoire du Gabon, ravivant ainsi le débat sur la responsabilité des dirigeants au Gabon et en Afrique ainsi que l’importance de la résistance populaire qui passe – cela va sans dire – par une certaine résistance artistique.