Le procès de Félicien Kabuga, pour des crimes commis pendant le génocide rwandais de 1994, débute aujourd’hui à La Haye. Il s’agit d’une étape importante en vue d’établir les responsabilités dans la planification, le commandement et l’exécution du génocide au Rwanda.
Par Lewis Mudge
Félicien Kabuga a d’abord été mis en examen par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 1997. Comptant parmi les principaux financeurs de la Radio Télévision Libre des Mille Collines, qui, lors du génocide, a incité la population à dresser des barrières et à procéder à des fouilles, a désigné des personnes à cibler et a indiqué des zones à attaquer, Félicien Kabuga est accusé d’être un des cerveaux du génocide.
Actuellement âgé de 89 ans, Kabuga est également accusé d’avoir soutenu et encouragé les Interahamwe – une milice rattachée au parti au pouvoir qui a traqué et massacré des hommes, des femmes et des enfants tutsis. Il est mis en examen pour génocide, incitation à commettre un génocide, entente en vue de commettre un génocide et crimes contre l’humanité. Il est jugé dans le cadre du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.
Entre avril et juillet 1994, des extrémistes politiques et militaires hutus ont orchestré le meurtre de près des trois quarts de la population tutsie du Rwanda, faisant plus d’un demi-million de morts. De nombreux Hutus ont aussi été tués pour avoir tenté de cacher ou de protéger des Tutsis, ou pour s’être opposés au génocide.
Vingt-huit ans plus tard, de nombreux individus impliqués dans le génocide, y compris d’anciens hauts responsables du gouvernement et d’autres figures clés à l’origine des massacres, ont été traduits en justice. La majorité d’entre eux ont été jugés par des tribunaux rwandais. D’autres ont comparu devant le TPIR ou des tribunaux nationaux en Europe et en Amérique du Nord.
Malgré les progrès réalisés en matière de jugement des auteurs du génocide, très peu de membres du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir ont été traduits en justice pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par le FPR en 1994. Lorsqu’ils ont pris le contrôle du pays, les soldats du FPR ont tué des milliers de civils essentiellement hutus. Ces tueries n’étaient pas comparables au génocide, mais les victimes et leurs familles ont droit à la justice. La protection de la plupart des membres du FPR contre toute poursuite pour leurs crimes n’a pas seulement donné le sentiment que le FPR est au-dessus de la loi, mais elle a peut-être aussi entravé la réconciliation de la société rwandaise dans la période qui a suivi le génocide.
Tous les auteurs de crimes graves commis il y a trois décennies devraient être traduits en justice, à l’instar de Félicien Kabuga. Les questions concernant l’âge de Félicien Kabuga et sa capacité à faire face à un procès ont seulement souligné à quel point il est urgent que ces affaires soient jugées.