De Memphis à Paris, de Rabat à Cannes, l’Afrique culturelle rayonne cette semaine sur toutes les scènes. Ferveur diasporique dans le Tennessee, rythmes togolais et sénégalais à Paris, art du pouvoir à Rabat, et quête intérieure à Cannes avec Sirat d’Óliver Laxe.
Africa in April : trois jours pour célébrer les cultures africaines à Memphis
Du 18 au 20 avril, Memphis accueille « l’Africa in April Cultural Awareness Festival ». Un hommage vivant à la diversité des cultures africaines, entre musique, artisanat, gastronomie et fierté partagée dans le vibrant Robert R. Church Park.
À Memphis, ville miroir du blues et des luttes pour les droits civiques, un autre chant s’élève chaque printemps, celui de l’Afrique. Du 18 au 20 avril 2025, le Robert R. Church Park devient le théâtre vivant de l’Africa in April Cultural Awareness Festival, rendez-vous annuel aussi festif qu’engagé, qui célèbre depuis plus de trente ans la richesse des cultures africaines et afrodescendantes. Pendant trois jours, cette grande kermesse culturelle transforme le centre historique de Memphis en une mosaïque de sons, de goûts, de couleurs et de récits, rassemblant des milliers de visiteurs venus découvrir ou affirmer leurs liens avec le continent africain.
Fondé en 1986 par le Dr. David Acey, professeur à l’Université de Memphis, et la regrettée Yvonne Acey, ce festival est né d’un désir, celui de créer un espace d’expression positive autour de l’héritage africain, dans une ville marquée par l’histoire de la ségrégation mais aussi par une créativité ininterrompue. Le choix d’avril n’est pas anodin. Il s’agit d’un mois de mémoire – celui de l’assassinat de Martin Luther King en 1968 – mais aussi de renouveau, où la ville se pare de mille voix pour honorer les cultures d’origine africaine avec fierté et générosité.
L’édition 2025 ne déroge pas à la règle. Elle mettra à l’honneur un pays africain spécifique – dont le nom, annoncé quelques jours avant l’ouverture, crée toujours l’effervescence. Ce pays invité devient le cœur battant du festival. Ses traditions musicales, son artisanat, sa cuisine, ses danses, sa littérature et ses langues sont mises en avant à travers des spectacles, des expositions, des conférences et des ateliers interactifs. Des délégations officielles et artistiques sont invitées à dialoguer avec la communauté afro-américaine de Memphis, dans un esprit d’échange et de fraternité transatlantique.
Afrobeat, reggae, gospel, jazz
Le programme fait la part belle aux concerts en plein air, avec des artistes venus d’Afrique, des Caraïbes, mais aussi de la scène afro-américaine locale. Des sonorités afrobeat, reggae, gospel, jazz ou highlife résonnent tout au long du week-end, attirant un public intergénérationnel et enthousiaste. Les défilés de mode et les parades, hautes en couleurs, mettent à l’honneur les tissus traditionnels, les coiffes spectaculaires et les savoir-faire vestimentaires, dans une célébration visuelle de la beauté noire.
Les allées du Robert R. Church Park, du nom du premier homme noir à avoir été élu à des fonctions municipales dans le Sud des États-Unis, accueillent des dizaines de stands d’artisanat où perles, masques, sculptures, vêtements et instruments de musique africains racontent l’histoire des mains et des traditions. La gastronomie est également au rendez-vous : grillades épicées, plats végétariens inspirés des cuisines éthiopienne ou nigériane, douceurs ivoiriennes et boissons naturelles invitent à un voyage sensoriel. Chaque bouchée devient récit, chaque épice mémoire.
Un monde afro-mondialisé
Pendant trois jours, Memphis devient donc le miroir d’un monde afro-mondialisé. Dans les rues, sur les scènes, autour des tables, une Afrique vivante s’invite, non comme un passé à commémorer mais comme une force moderne, créative, fertile. Le Robert R. Church Park, espace symbolique s’il en est, réaffirme que les cultures africaines ne sont pas périphériques, mais essentielles à l’histoire américaine, et à l’avenir global.
Toofan enflamme Paris : 20 ans de rythmes et de fête
Le 18 avril, Toofan célèbre ses vingt ans de carrière au Zénith de Paris. Entre afropop, coupé-décalé et sonorités urbaines, le duo togolais offre un concert anniversaire vibrant, reflet d’un parcours unique entre ancrage africain et ouverture mondiale.
Le 18 avril 2025, les murs du Zénith de Paris vibreront aux sons de l’Afrique de l’Ouest. À l’affiche : Toofan, le duo togolais qui a su, en vingt ans de carrière, transformer ses pulsations locales en un langage musical universel. Pour ce concert anniversaire exceptionnel, le groupe promet un voyage sonore à travers deux décennies de tubes, de collaborations, de danses et d’émotions partagées.
Formé au début des années 2000 à Lomé, Toofan – composé de Barabas et Master Just – s’est imposé comme l’un des fers de lance de la musique contemporaine africaine. Leur style, surnommé le « Cool Catché », mélange habilement afropop, coupé-décalé, rythmes traditionnels togolais et influences urbaines globales. Dès leurs premiers succès locaux, le duo a très vite compris la puissance des images et des danses virales, associant chacun de leurs titres à un mouvement chorégraphique distinctif qui a conquis l’Afrique, puis le monde entier.
Du hip-hop américain à l’électro européenne
Leur ascension n’a rien d’un hasard. Toofan a su capter l’air du temps, en ancrant ses sons dans les réalités africaines tout en dialoguant avec les influences extérieures, du hip-hop américain à l’électro européenne. Cette capacité d’adaptation, alliée à une authenticité jamais reniée, leur a permis de traverser les modes, les frontières, et de devenir un véritable symbole de la jeunesse africaine moderne : créative, résiliente, festive et ouverte.
Le concert du Zénith sera bien plus qu’un simple best of. Il sera la célébration vivante d’un parcours jalonné de morceaux phares, de rencontres artistiques et de défis relevés. De « Eledji » à « Téré Téré », de « Ma Girl » à « Affairage », chaque titre raconte une époque, une énergie, une envie de rassembler au-delà des langues et des barrières géographiques. Portés par une mise en scène soignée, des musiciens live et une équipe chorégraphique de haut vol, Barabas et Master Just entendent offrir au public parisien une soirée à leur image : généreuse, explosive et fédératrice.
Au-delà de leur talent musical, Toofan incarne aussi un modèle d’entrepreneuriat culturel africain. Producteurs de leurs propres albums, créateurs de concepts scéniques novateurs, ils ont toujours revendiqué leur indépendance artistique. Leur succès international n’a jamais occulté leur volonté de rester connectés à leurs racines : leurs clips, souvent tournés au Togo ou dans d’autres pays africains, célèbrent les paysages, les cultures et les réalités sociales du continent. À travers leur musique, Toofan construit depuis vingt ans une passerelle entre l’Afrique et le reste du monde, avec la conviction que la fierté culturelle peut rimer avec modernité et universalité.
La date du 18 avril 2025 n’a pas été choisie au hasard. Elle symbolise pour le groupe une étape charnière : le moment de jeter un regard rétrospectif sur un chemin parcouru avec ténacité, mais aussi de se projeter vers l’avenir. De nouveaux projets sont d’ailleurs annoncés dans la foulée du concert, dont un album anniversaire réunissant des collaborations inédites avec des artistes africains, caribéens et européens, témoignant de leur volonté d’élargir encore leur univers musical.
À Paris, ville cosmopolite et carrefour des diasporas africaines, ce concert prend une dimension particulière. La capitale française a toujours été un lieu d’expression privilégié pour les artistes du continent, un espace où les musiques africaines rencontrent de nouveaux publics, se métissent, se réinventent. Toofan y retrouve un public fidèle, composé autant de fans de la première heure que de nouvelles générations séduites par leur énergie communicative et leurs messages positifs.
Tarba Mbaye aux Folies Bergère : la voix du Sénégal à Paris
Le 19 avril, Tarba Mbaye enflammera les Folies Bergère. Une soirée unique où la voix chaleureuse du chanteur sénégalais portera les rythmes du Sahel, entre tradition et modernité, dans l’un des lieux les plus emblématiques de Paris.
Le 19 avril prochain, c’est un souffle venu de Dakar qui traversera la scène des Folies Bergère. Tarba Mbaye, figure montante de la scène musicale sénégalaise, y donnera un concert très attendu, dans une salle mythique qui s’apprête à vibrer au rythme du mbalax, des balades en wolof et des métissages sonores qui font la singularité de son univers. C’est la première fois que l’artiste se produit dans cette salle parisienne, et l’événement promet d’attirer une foule cosmopolite, composée autant de fans de la diaspora que d’amateurs de musiques du monde en quête d’émotions vraies.
Exil, amour, identité, transmission
Tarba Mbaye n’est pas un inconnu. Né à Saint-Louis du Sénégal, il a grandi dans un environnement musical riche, nourri par les grandes figures de la chanson africaine comme Ismaël Lô, Baaba Maal ou Youssou N’Dour, mais aussi par les influences venues des États-Unis et d’Europe. Sa musique, enracinée dans les traditions sénégalaises, s’ouvre sans complexe aux guitares blues, aux nappes électroniques discrètes et aux grooves chaloupés. Elle parle d’exil, d’amour, d’identité, de transmission, de résistance aussi. Elle est à la fois intime et collective, portée par une voix chaude, souple, capable de vibrer autant dans les graves que dans les envolées lyriques.
Aux Folies Bergère, Tarba Mbaye présentera les titres de son dernier album Jëmm, acclamé par la critique et largement diffusé sur les plateformes musicales. Ce disque, conçu entre Dakar, Paris et Bruxelles, témoigne de sa maturité artistique et de sa volonté d’ancrer son art dans le présent, tout en restant fidèle à ses racines. À travers des textes en wolof, en français et en anglais, il tisse des ponts entre les continents, entre les générations, entre les mémoires. Jëmm, qui signifie à la fois « paix » et « équilibre », est un manifeste doux et déterminé, un appel à l’écoute et au dialogue.
Le concert du 19 avril s’annonce comme un moment fort de cette tournée européenne. Il réunira sur scène un ensemble de musiciens virtuoses : percussions sabar, guitare acoustique, kora, claviers et chœurs viendront tisser un paysage sonore riche, dynamique, en constante évolution. Ce concert sera aussi un geste artistique, une prise de parole musicale sur ce que signifie être un artiste africain en 2025, entre ancrage local et circulation mondiale. Tarba Mbaye incarne cette génération qui n’a pas besoin de choisir entre tradition et modernité, entre langue maternelle et langues étrangères, entre danse et réflexion. Il les embrasse toutes, avec une sincérité désarmante.
Le 19 avril, sous les lumières des Folies Bergère, les battements du Sénégal résonneront au cœur de Paris. Une soirée pour vibrer, chanter, réfléchir, danser peut-être. Une soirée pour sentir que la musique, quand elle vient du cœur et qu’elle parle vrai, n’a pas de frontière.
Kehinde Wiley à Rabat : l’art du pouvoir réinventé
Jusqu’à fin avril, le Musée Mohammed VI à Rabat accueille « A Maze of Power », une exposition magistrale de Kehinde Wiley. Des portraits monumentaux de chefs d’État africains qui interrogent, détournent et réinventent les codes de la représentation politique.
Au cœur du Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain, à Rabat, les murs semblent vibrer sous le poids d’une présence singulière : celle des chefs d’État africains, figés dans une majesté troublante, regard fixe, port altier, costumes taillés sur mesure, trônant au sein de compositions baroques éclatantes. L’exposition « A Maze of Power » de Kehinde Wiley, en cours jusqu’à la fin avril 2025, offre bien plus qu’un face-à-face avec le pouvoir. Elle met en scène une galerie d’images où se croisent histoire coloniale, iconographie royale européenne et identité africaine contemporaine, dans un ballet visuel aussi somptueux qu’inconfortable.
Kehinde Wiley, artiste américain de renom international, est surtout connu pour avoir réalisé le portrait officiel de Barack Obama en 2018. Mais son œuvre va bien au-delà. Depuis plus de vingt ans, il interroge les formes de représentation du pouvoir, en particulier celles qui ont longtemps exclu les corps noirs des récits dominants. Son geste artistique, profondément politique, consiste à réinvestir les codes visuels de la peinture occidentale — portraits d’apparat, décors floraux, poses théâtrales, drapés opulents — pour y inscrire des figures noires, anonymes ou célèbres, qui revendiquent une place dans l’histoire de l’art et dans l’imaginaire collectif.
Avec « A Maze of Power », Wiley pousse encore plus loin cette entreprise de renversement symbolique. Il y présente une série inédite de portraits de dirigeants africains contemporains, réalisés au terme d’un long travail de recherche, de rencontres et de mises en scène. Chaque chef d’État a été invité à choisir sa posture, son cadre, sa symbolique. Le résultat : des images à la fois grandioses et ambiguës, qui interrogent notre rapport au pouvoir, à la représentation, à la masculinité et à l’autorité. Car si les portraits impressionnent par leur facture et leur éclat, ils dérangent aussi par ce qu’ils révèlent – ou dissimulent.
À Rabat, ces toiles monumentales prennent une résonance particulière. Dans une institution dédiée à l’art moderne et contemporain du Maroc, elles viennent perturber le regard, poser des questions sans réponses faciles. Qui décide de ce qu’est un « bon » portrait politique ? Que signifie représenter le pouvoir aujourd’hui, dans un monde saturé d’images mais avide de symboles ? Quelle est la place de l’Afrique dans l’imaginaire global du pouvoir ? Wiley ne propose pas de verdict, mais tend un miroir, déformant parfois, révélateur toujours.
L’exposition frappe également par son ambition esthétique. Chaque toile déborde de détails minutieux, de couleurs vives, de motifs ornementaux inspirés aussi bien de la peinture flamande que de l’art décoratif islamique. Les arrière-plans se détachent parfois du réalisme pour entrer dans une abstraction luxuriante, qui vient encadrer – ou engloutir – les figures représentées. Le contraste entre la solennité des poses et la profusion visuelle crée une tension permanente, un vertige presque baroque, fidèle à l’univers de Wiley.
L’exposition est traversée par une question plus vaste : celle de l’image et de son pouvoir. En redonnant aux chefs d’État africains les outils de leur propre représentation, Wiley brouille les pistes. Sont-ils mis en scène ou maîtres de leur image ? Sont-ils sujets ou objets d’un regard critique ? L’artiste joue avec cette ambiguïté, s’en nourrit, l’exacerbe. Et le spectateur, lui, oscille entre fascination et méfiance.
Jusqu’à la fin du mois, « A Maze of Power » offre ainsi aux visiteurs une expérience à la fois esthétique, historique et politique. Une plongée dans un labyrinthe d’images, de symboles et de récits où rien n’est figé, où tout se joue dans l’ambivalence.
« Sirat » d’Óliver Laxe : une quête initiatique entre lumière et vertige
Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2025, « Sirat » d’Óliver Laxe nous entraîne dans un road-movie à travers le Maroc, où un père et son fils cherchent une disparue – et se retrouvent face à eux-mêmes.
Il est des films qui ne racontent pas une histoire mais qui la traversent, comme on traverserait un désert, une douleur, une vérité difficile à regarder en face. « Sirat », le nouveau long-métrage d’Óliver Laxe, appartient à cette catégorie rare. Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2025, ce film d’une beauté saisissante déploie un récit de disparition qui devient peu à peu une traversée intérieure. Sur les routes poussiéreuses du Maroc, un père et son fils roulent vers une absence, et ce faisant, vers eux-mêmes.
Luis, la cinquantaine, Espagnol aux gestes retenus, apprend que sa fille Marina, étudiante en école d’art, a disparu lors d’une rave party dans le désert marocain. Il décide de partir à sa recherche, accompagné d’Esteban, son fils adolescent, qu’il connaît à peine et dont il semble s’être éloigné depuis longtemps. Ce voyage improbable, qui commence sur fond de silences gênés et de non-dits familiaux, se transforme en un périple initiatique au fil des kilomètres, des paysages et des rencontres.
Le titre « Sirat », qui évoque en arabe le « pont » étroit que traversent les âmes après la mort selon certaines traditions musulmanes, donne immédiatement la clé symbolique du film. Laxe, fidèle à son style méditatif et sensoriel, ne cherche pas tant à résoudre une énigme qu’à faire sentir ce qui se joue dans le lien ténu entre les êtres. Il filme les silences plus que les dialogues, les visages abîmés plus que les mots, les paysages comme des états d’âme mouvants. Le désert marocain devient ici un personnage à part entière, changeant, hostile, sublime, où le réel se trouble et vacille.
La caméra d’Óliver Laxe capte cette vibration particulière : celle d’un monde à la fois spirituel et désenchanté, qui oscille entre le mystique et le banal. À travers Luis et Esteban, il sonde la faille générationnelle, l’incapacité à communiquer, la fatigue d’aimer et la peur de perdre. Le père, rationnel, occidental, fatigué, semble incapable de comprendre ce que Marina est venue chercher dans cette fête en plein désert. Le fils, lui, en marge de tout, est peut-être celui qui comprend intuitivement ce que ce voyage signifie. Le chemin qu’ils empruntent n’est pas linéaire : il bifurque, s’ensable, recule parfois, au gré de leurs émotions et de leurs confrontations.
Mais « Sirat » n’est pas un film bavard. Laxe préfère suggérer que démontrer. Il fait le choix de l’épure, du ralenti, de la contemplation. On pense parfois à Terrence Malick, à Nuri Bilge Ceylan ou à Apichatpong Weerasethakul, mais avec une texture propre, ancrée dans un rapport intime à la lumière, au minéral, à l’effacement. Le montage, ample et précis, laisse respirer les plans. La bande sonore, quasi hypnotique, mêle nappes électroniques, chants traditionnels et bruits naturels, dans une fusion qui évoque le trouble des frontières.
Le Maroc filmé par Laxe n’est ni carte postale ni décor, il est présence, densité, trouble. Il se donne à voir comme un espace de projections, de fantasmes et de confrontations. Loin des clichés orientalistes, le réalisateur laisse la place aux habitants, aux visages anonymes, aux figures secondaires qui viennent ponctuer le récit d’éclats d’humanité : un conducteur de taxi philosophe, un vieil homme qui garde une oasis oubliée, une femme qui parle à la lune. Autant d’apparitions qui brouillent le chemin et nourrissent la dimension quasi métaphysique du film.
Il serait tentant de réduire « Sirat » à un drame familial sur fond de quête adolescente ou de choc culturel. Mais ce serait passer à côté de sa vraie nature : une parabole sur la perte et la réconciliation, sur le fil fragile qui relie les vivants entre eux quand tout semble rompu. Marina, personnage absent et pourtant central, agit comme un catalyseur invisible. À travers elle, c’est le lien père-fils qui se rejoue, la question du deuil qui s’insinue, et plus largement celle du monde que nous laisserons à nos enfants – monde en ruine, monde à reconstruire.
Avec « Sirat », Óliver Laxe confirme qu’il est l’un des grands cinéastes du silence et de la lumière. Son cinéma exige patience, attention, lenteur – mais il offre en retour une émotion rare, profonde, durable. À Cannes, sa proposition tranche dans un paysage souvent surchargé de récits explicites. Il nous rappelle que le cinéma peut encore être un art de la suggestion, un espace de trouble, un lieu où les images portent plus loin que les mots.