Un baron du régime ivoirien spolie des dizaines de propriétaires

Un hiérarque du régime d’Alassane Ouattara bloque l’indemnisation de plusieurs dizaines de propriétaires terriens à Gagnoa, sur les terres de Laurent Gbagbo, où plusieurs dizaines de villageois qui avaient accepté que leurs terres servent à la construction de 60 collèges de proximité, attendent toujours d’être indemnisés. Leur attente se heurte principalement aux immenses pouvoirs du président du conseil général, Joachim Djédjé Bagnon.

C’est un fait divers plutôt ordinaire en Côte d’Ivoire. Il se déroule à environ 300 kms d’Abidjan, une région administrée depuis les élections du conseil régional de 2012 par Joachim Djédjé Bagnon, vieux routier de la politique ivoirienne et un propagandiste assumé du régime du président Ouattara. Cet ancien taulard, qui s’est enrichi dans les années 80 en se lançant dans la promotion d’établissements scolaires privés, était ensuite devenu un pilier de la politique d’Houphouët-Boigny dans cette région en se portant, au début des années 90, candidat contre l’opposant historique au « Vieux », un certain Laurent Gbagbo.

Depuis que le vent a tourné avec l’arrivée d’Alassane Ouattara, Joachim Djédjé Bagnon a rejoint le RHDP en devenant le premier soutien du régime ivoirien. En 2012, il est élu président du conseil régional du Gôh, puis réélu cinq années plus tard, le 2 septembre 2023, lors du renouvellement des conseils régionaux et municipaux. En tant que président de région, Joachim Djédjé Bagnon pilote, depuis l’année 2021, un projet gouvernemental de construction de 60 collèges de proximité dans la région de Gagnoa.

Il joue alors de son influence d’homme politique fortuné pour influencer la plupart des villageois, à qui il impose le projet. Il leur fait croire que l’Etat ne va pas indemniser les propriétaires des terres parce qu’avec ces collèges de proximité, les villageois vont désormais pouvoir scolariser leurs enfants auprès d’eux. Mais à Kpapékou, certains membres de la famille de propriétaires refusent de se laisser influencer et demandent des comptes. En réponse aux courriers qu’ils échangent avec lui, Joachim Djédjé Bagnon explique que leurs terres ne peuvent faire l’objet de purges de droits coutumiers ni d’indemnisation parce que leur village n’est pas un chef-lieu de sous-préfecture. 

Informé, le Préfet Lancinan Fofana, le 26 septembre 2022, a réuni une commission d’indemnisation regroupant les propriétaires terriens, l’administration, le conseil régional, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la construction. Au cours de la rencontre, le représentant du président du conseil général consent à payer lesdites purges et l’indemnisation des ayants-droits, avant la fin du 1er semestre de l’année 2023, expliquant par ailleurs que la dépense avait déjà été inscrite au budget du conseil. En contrepartie, le conseil obtient la levée des oppositions villageoises et le lancement des travaux de construction du collège. Seulement voilà ! Plus d’un an après, les ayants-droits n’ont toujours pas été indemnisés alors que le collège devrait recevoir ses premiers élèves lors de la prochaine rentrée scolaire.

Pis, leurs différentes relances pour obtenir le procès-verbal de l’unique réunion de la commission d’indemnisation n’ont eu aucun écho auprès de l’administration préfectorale et encore moins auprès du conseil régional. Son président qui a mené sa dernière campagne victorieuse aussi bien à Kpapékou que dans les autres villages n’a jamais daigné répondre à la moindre demande de rendez-vous des propriétaires. A l’échelle de la région, ce sont 26 ha de terrain qui ont été dédiés à la construction des 60 collèges de proximité. Pour environ 1,5 milliard de droits coutumiers à payer par l’Etat. Mais, selon toute vraisemblance, ces sommes devraient atterrir dans des poches autres que celles des villageois.

 

Z. Bati Abouè