Au Sahel, les menaces se sont diversifiées : migrations irrégulières, détériorations environnementales, criminalité cybernétique, corruption endémique, retribalisation. Une chronique d’Ahmedou Ould Abdallah, ancien ambassadeur et ministre des Affaires Etrangères mauritanien
Routinières et plutôt réactives, les réponses, régionales et internationales à ces menaces, ont beaucoup de mérites tout en restant modestes comparées à l’intervention cohérente et musclée, qui sauva Bamako en 2013.
Alors, aujourd’hui comment faire face aux défis ?
L’arbre ne doit pas cacher la forêt.
En apportant une plus grande autonomie, une reconnaissance internationale et une capacité prévisionnelle au G 5 Sahel, les soutiens diplomatiques et financiers sont les bienvenus. Soutiens en particulier de la France, de l’Allemagne, de l’Union Européenne, de l’Arabie Saoudite, des Emirats et appui bilatéral des Etats Unis. La rencontre des ministres de la défense du Groupe à Paris ce 15 janvier 2018 en est une illustration renforcée par la décision du gouvernement britannique d’envoyer des hélicoptères militaires au Sahel.
Ce début d’appropriation du Groupe par les cinq pays concernés est essentiel à la réussite durable de l’entreprise G 5 Sahel.
Pendant la mobilisation de ces multiples soutiens extérieurs, relayés par ses propres dotations financières et en troupes, le G 5 Sahel peut se structurer davantage. La philosophie de son partenariat doit être la coopération et non une futile compétition entre ses états membres ou avec d’autres pays.
Si l’appui de la France restera essentiel pour un certain temps, et dans de multiples domaines y compris diplomatique, les membres du Groupe doivent se préparer à assumer leur propre autonomie dans la durée.
En réalité, si le terrorisme, du fait de sa nature violente et spectaculaire, reste toujours la plus grande menace pour la sécurité des états, de nouveaux dangers, variés et sans cesse revigorés, apparaissent dans la région. Les extrémistes et leurs alliés surfent sur cette multiplication et renforcement des menaces pour légitimer et régulariser la violence armée. Mais il existe d’autres menaces.
Les risques environnementaux – la désertification continue, l’érosion côtière, l’exploitation des rares forets encore viables et le pillage des zones poissonnières – sont à prendre très au sérieux au niveau des gouvernements et des organisations internationales.
L’urbanisation rapide peut certes offrir des opportunités économiques et constituer une base d’intégration nationale. Débridée et anarchique, elle devient un facteur qui accélère la déstabilisation des communautés traditionnelles et fournit des candidats à toutes les ‘’opportunités ou missions’’ qui se présentent, à commencer par le terrorisme et les migration irregulieres. ‘’ Vaut mieux être dévoré par les poissons en Méditerranée que rongé par des vers dans une tombe au Sahel ’’ disent, désabusés et stoïques les jeunes émigrants.
Enfin, et toujours elle, la corruption endémique, et surtout impunie, expliquée ou ‘’justifiée’’ par l’évocation de la souveraineté nationale, réduit la crédibilité des efforts nationaux de lutte contre le terrorisme. Un de ses effets les plus pervers est le doute et le discrédit qu’elle jette sur l’action des gouvernements et sur l’efficacité de la coopération internationale.1
Dans ce contexte chaotique quel est l’avenir immédiat du G 5 Sahel ?
Le G 5 Sahel et Etats membres.
La mutation continue et l’enracinement des menaces posent la question du financement de la réponse. L’actuel focus international sur le budget de la Force du G 5 Sahel est dès lors bien justifié. Naturellement, ce focus ne doit pas occulter le sérieux des autres menaces non armées et l’importance d’y apporter des solutions durables.
Dans le court terme, la priorité se situe à un niveau diplomatique. Celui-ci est gérable à un cout raisonnable. Pour rester crédible et internationalement attractif, le Secrétariat du G 5 Sahel, basé à Nouakchott, a besoin du soutien fort des états membres (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). En particulier, l’appui du pays hôte, la Mauritanie, est essentiel.
Si Nouakchott n’offre pas encore les mêmes services – éducation, santé, connectivité et les prestations de classe internationale – qu’ailleurs, le soutien généreux du gouvernement au Secrétariat du G 5 Sahel est indispensable à son acceptabilité par l’opinion publique locale. Cette acceptabilité du Groupe, par le pays hôte, peut le faire mieux comprendre et estimer de l’opinion publique. Ce soutien y compris ‘’les privilèges et immunités’’ accordés au personnel international, peut le rendre plus attractif au personnel de son secrétariat qui doit travailler, vivre, éduquer et soigner les enfants loin des pays.
Politiquement, la crédibilité des engagements au niveau du siège peut être aussi importante qu’un déploiement des troupes hors des frontières nationales. Déploiement qui peut ne pas être prioritaire dans la mesure où des alternatives crédibles, relatives à l’engagement du pays hôte, sont présentées aux partenaires régionaux et internationaux.
Groupe cohérent, réponse consistante.
Etabli en 2014, le G 5 Sahel, outre l’appui de ses états membres, jouit encore de solides soutiens extérieurs. Naturellement ceux-ci ne sont pas éternels, leur durée de vie étant limitée et étroitement liée à l’efficacité et aux performances de l’institution. Cependant, l’un des piliers de la diplomatie moderne étant la transparence, source de crédibilité et d’efficacité, un pays hôte doit rassurer les citoyens et les partenaires extérieurs quant à la cohérence de sa politique vis-à-vis d’une institution. Dans le domaine sensible de la sécurité et donc de la confiance, la perception peut facilement se substituer à la réalité.
Afin d’éviter toute suspicion quant au sérieux de son attachement en faveur d’une institution dont il abrite le siège, un pays hôte doit fermement s’engager pour le succès de l’organisation. Il y va de la crédibilité régionale de l’organisation concernée mais aussi de la sienne.
La cohérence de l’action et les progrès réalisés par le G 5 Sahel et ses partenaires dans la région du Liptako Gourma sont bien appréciés. Cet espace commun au Burkina, Mail et Niger est déjà une zone d’entente et de coopération politique et militaire entre les états concernés. Les réalisations pratiques s’y accélèrent indiquant une entente sans arrières pensées entre les trois états membres. Les états du Liptako Gourma ne semblent pas privilégier les peurs ‘’complotistes’’ ou avoir pris des engagements avec des groupes armés.
Alors, et précisément, que devrait faire le G 5 Sahel pour sécuriser le futur de leurs états et de leurs populations ?
- Le Président américain a signé, ce 21 décembre 2017, un ‘’Exécutif Order’’, intitulé ‘’Saisie des biens de personnes compromises dans de sérieux cas d’abus de droits de l’homme ou d