Dans une lettre adressée à François Hollande, le Mouvement pour l’Unité et le développement du Congo, parti d’opposition au président Denis Sassou N’Guesso, dénonce le silence de la France face aux dérives du régime.
Paris, le 3 août 2016,
Monsieur le Président de la République,
Depuis son hold-up électoral du 20 mars 2016, Denis SASSOU NGUESSO tente désespérément de garder le contrôle du pays en usant de façon tous azimuts de la force et a décidé de restreindre les droits de l’opposition et d’accroître l’intimidation et le harcèlement.
Cette restriction des libertés politiques, ainsi que l’utilisation par le gouvernement de la force militaire dans l’espoir de contraindre le peuple congolais à respecter sa volonté de se maintenir au pouvoir à vie, ont abouti à un risque élevé de tensions politiques qui paralysent le pays. Résultat : l’impression de chaos politique qui plane aujourd’hui sur le Congo est telle que personne ne saurait dire aujourd’hui avec exactitude comment tout cela va finir.
Cela est d’autant plus vrai que Denis SASSOU NGUESSO et son gouvernement de fait ne font strictement rien pour détendre l’atmosphère. Bien au contraire. Pendant que l’opposition et la communauté internationale cherchent la voie d’apaisement, comme en témoigne la récente rencontre avec le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l’Organisation des Nations Unies, Jeffrey D. FELTMAN, Denis SASSOU NGUESSO, lui, a manifestement en tête un dessein beaucoup plus macabre. Et pour cause. Il continue discrètement d’acheter des armes, notamment auprès de la société biélorusse d’armement BELTECH HOLDING par l’intermédiaire du franco-israélien Steve BOKHOBZA, un proche de l’homme de théâtre Guy ZILBERSTEIN qui s’est toujours présenté comme un penseur éclairé, expert en géostratégie et conseiller du président François HOLLANDE sur les questions africaines. Preuve que le vrai problème du Congo c’est bien Denis SASSOU NGUESSO.
Son choix est très clair : contraindre par la force des armes le peuple congolais et l’opposition à respecter sa volonté de se maintenir au pouvoir à vie et de le léguer en héritage à son fils, Denis Christel SASSOU NGUESSO. Pour ce faire, il accentue sa répression tout en faisant croire à une amorce de détente. On assiste à un « cadenassage » pour ne pas dire un verrouillage éhonté de la démocratie par ce régime clanique et sanguinaire. La vraie opposition est censurée, la règle d’égalité des temps de parole dans les médias audiovisuels n’existe pas, un black-out total des médias officiels où il est purement et simplement interdit de recevoir les membres de l’opposition. Et, comme si toutes ces restrictions des droits de l’opposition ne suffisaient pas, le gouvernement se donne le droit de limiter ou de couper les réseaux mobiles et l’Internet. Cette restriction des libertés politiques a atteint son apogée, les vrais opposants sont embastillés ou vivent désormais dans la clandestinité. A tout cela vient s’ajouter l’arrogance de ce vieux dictateur sanguinaire et corrompu qui se considère intouchable et qui se comporte désormais au Congo comme en territoire conquis.
Bref, au Congo la situation devient tout simplement intenable. Depuis le hold-up électoral du 20 mars 2016, toutes les informations qui nous ont été transmises font état d’une rupture complète de l’Etat de droit au Congo ; ce qui montre bien tout le mépris de ce régime clanique et sanguinaire pour ses obligations internationales en matière de droits humains. Dans le département du Pool, au sud de Brazzaville, la situation demeure particulièrement préoccupante en raison de nouvelles opérations militaires qui pourraient provoquer une augmentation du nombre de déplacés. Depuis le 5 avril 2016, date de début des opérations militaires dans cette région du pays, les capacités de réponse humanitaire demeurent très insuffisantes.
Enfin, à la détérioration de la situation politique s’ajoute une crise financière aiguë conséquence directe de la mauvaise gestion dans ce pays où seul le premier cercle du vieux dictateur et de son épouse Antoinette SASSOU NGUESSO rayonne dans tous les secteurs stratégiques -, qui risque d’entraîner une crise économique et sociale majeure.
Aussi, parce que nous pensons qu’il y a un moment où on doit dire stop car il n’est tout simplement pas possible de supporter éternellement cette situation, nous demandons à la France, aux Etats-Unis d’Amérique et à l’ensemble de internationale de prendre à présent des mesures pour désamorcer potentiellement explosive.
La France en particulier, a une obligation morale et historique d’agir au Congo. Elle peut exercer une influence quelconque afin d’améliorer cette situation explosive. La France doit prendre ses responsabilités et agir comme elle le fait si bien dans le cas de crise politique au Burundi par exemple.
Naturellement, nous saluons l’intense travail de négociation conduit par la France pour parvenir à l’adoption de la résolution 2303 par le Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant le déploiement de 228 policiers des Nations Unies qui auront pour mandat de conduire un travail de prévention et d’apaisement sur le terrain, d’observer et de rendre compte de la situation sécuritaire et des violations des droits de l’Homme au Burundi.
Certes, tout le monde est d’accord pour saluer le rôle et l’implication très remarquable de la France dans la résolution de la crise au Burundi, et c’est une très bonne chose, mais en revanche la question que tout le monde se pose est : Pourquoi la France n’affiche-t-elle pas la même détermination quant à la résolution de la crise politique au Congo ?
Faudrait-il en effet donner raison – une fois n’est pas coutume -, aux autorités burundaises lorsqu’elles dénoncent, à juste titre, cette attitude très ambiguë, pour ne pas dire ambivalente, de deux poids deux mesures, de la France, et considèrent que Paris n’est pas qualifiée pour donner des leçons, au regard de son manque d’engagement, voire son indifférence à la situation du Congo.
En tout état de cause, nous estimons qu’il est grand temps pour la France de rectifier le tir pour éviter d’être accusée de faire deux poids, deux mesures. Au XXIème siècle la France ne devrait plus jouer à la défenderesse de la démocratie à géométrie variable en Afrique. Logique voudrait qu’avant d’agir au Burundi, la France devrait d’abord commencer par montrer le bon exemple au Congo.
En espérant que vous procéderez à un examen attentif de notre analyse,
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, I’assurance de ma considération distinguée.
Bienvenu Mabilemono
Secrétaire général du MUDC