Malgré les 93 candidats officiels à la présidentielle du 25 février prochain et en raison de l’instrumentalisation réussie de la justice contre le plus farouche des opposants au régime, Ousmane Sonko (voir l’image ci dessus), la démocratie a pris un sérieux coup de baffe au Sénégal qui était encore la vitrine africaine du rêve démocratique, du moins dans sa partie francophone.
Bati Abouè
Au Sénégal, l’ultime tentative d’Ousmane Sonko, toujours en prison en raison d’une plainte pour atteinte à la sureté de l’État, d’être sur la ligne de départ lors de la présidentielle du 25 février prochain a échoué. Une fois encore. Ses avocats avaient en effet déposé, le 8 janvier dernier, une requête sur les parrainages devant le conseil constitutionnel qui n’a pas tardé à rejeter le dossier de l’opposant qui croupit toujours en prison. Le juge des élections au Sénégal a en effet estimé que le dossier était incomplet, mais personne n’est dupe. Le populaire opposant de 49 ans paie cher son bras de fer avec le président Macky Sall, obligé, sur la pression des mouvements de la rue et lâché par une partie de l’appareil sécuritaire, de montrer patte blanche et de ne pas briguer un troisième mandat.
Macky Sall n’a pas lâché prise sur le cas Sonko devenu une affaire d’Etat dans un pays qui était encore, il y a quelques années, la vitrine du rêve démocratique en Afrique de l’ouest. Car même si la rue a dû chaque fois faire respecter les règles et obliger le sortant à s’accommoder du verdict des urnes ou des règles électorales, la démocratie s’en retrouvait toujours sauve. Sauf cette fois-ci, puisque le président du Pastef, les Patriotes, arrivé en troisième position, lors du scrutin présidentiel de 2019 ne pourra pas être candidat alors même qu’il est porté par des milliers de jeunes sénégalais qui voient en lui l’homme de l’antisystème qui peut remettre le pays sur les rails.
L’instrumentalisation de la justice
Un gouvernement sous influence présidentielle a en effet mis en branle son armée d’avocats. « C’est le système qu’il a longuement mis sous pression qui s’est ligué contre lui », confie un banquier qui analyse les causes de la chute d’Ousmane Sonko. Ce dernier, après tout, a été emprisonné « sans que le Sénégal soit à l’arrêt », se réjouit-on au sein du pouvoir. Lorsque le tribunal de Dakar a créé un tremblement de terre en demandant la réintégration de l’opposant sur les listes électorales, les avocats du gouvernement ont obtenu dans un dossier pour diffamation, la sentence d’un tribunal condamnant l’opposant à six mois avec sursis. Ce qui est amplement suffisant pour détruire le rêve de la jeunesse sénégalaise de voir leur porte parole porté au pouvoir.
Au Sénégal, plus de 29% des jeunes de 18-35 ans déclarent être sans emploi contre 6%-23% pour les plus âgés. L’organisation internationale pour les migrations estime que le pays est devenu un pôle d’émigration en raison des conditions de vie de plus en plus difficiles. Entre 2005 et 2010, le nombre d’émigrants sénégalais était de 479.515 dont 20% en Gambie, 18% en France, 10% en Italie, 8% en Allemagne et 5% au Ghana. D’importantes colonies de sénégalais vivent également en Côte d’Ivoire et principalement dans la commune de Treichville où ils sont, pour certains, arrivés avant les indépendances.
Macky Sall, ex candidat de la jeunesse
Comme dans la plupart des pays africains, la moitié de la population sénégalaise n’a pas 18 ans selon des statistiques de 2019. La plupart d’entre eux qui étaient en âge de voter en 2012 avaient alors choisi Macky Sall porté par un ambitieux programme d’insertion des jeunes. Le président sortant avait même rempilé cinq années plus tard mais ses dernières années avaient été marquées par la corruption de son administration. En 2023, son frère cadet, Aliou Sall-Frank Timis dans le cadre de l’attribution de concessions d’exploration gazière et pétrolière.
Cette affaire avait fait d’Ousmane Sonko la figure de la probité.