Notre chroniqueur et ami Mustapha Saha se souvient de son ami Baudrillard, « le déchiffreur lucide des confusions des valeurs »
Jean Baudrillard, mon ami solidaire des traversées du désert, mon professeur de sociologie à Nanterre, mon compagnon du Mouvement du 22 Mars, l’aiguilleur pudique des idées créatives de Mai 68, le semeur flegmatique d’utopies essentielles, le pisteur intuitif des chemins de traverse, le libertaire atypique des maquis impénétrables, l’éternel objecteur de conscience, le contestataire définitif, le dernier romantique, l’activiste inlassable des causes perdues, le défenseur indéfectible des singularités radicales, des altérités irréductibles, des hérésies culturelles, le pourfendeur incorruptible de l’humanisme liberticide, le fossoyeur tranquille des cadavres idéologiques, le disciple réfractaire d’Henri Lefebvre et de Roland Barthe, le perturbateur incorrigible du protocole universitaire, le pédagogue allergique aux pratiques mandarinales, le détracteur impénitent de tous les académismes, le philosophe indébauchable des marges imprenables, le critique intrépide du scientisme réducteur, le récusateur obstiné des causalités mécaniques, le liquidateur méthodique des finalités kantiennes, le visionnaire imperméable aux doctrines dominantes, le laboureur appliqué des immanences quotidiennes, l’analyste subtil des pathologies consuméristes, des désintégrations urbaines, des dissociations sociétales, le penseur anticonformiste de la réification générale, le déchiffreur lucide des confusions des valeurs, l’observateur incrédule des catastrophes mondiales, le symptomologue perspicace des métamorphoses historiques, des mutations mentales, de l’agonie civilisationnelle, le chroniqueur désabusé des dérives postmodernes, le consignateur vilipendé de l’enterrement de l’art par l’art, le diagnostiqueur clairvoyant des ambivalences fatidiques, des crises perpétuelles, des stratégies fatales, le prophète incompris de l’ère du vide, le commentateur détrompé des logiques chaotiques, le vulcanologue scrutateur des laves informationnelles, le virologue avisé des courts-circuits communicationnels, le démystificateur implacable des falsifications morales, le blasphémateur invétéré des sacralités institutionnelles, l’ausculteur scrupuleux de l’insignifiance du pouvoir et du pouvoir de l’insignifiance, le critique implacable du jeu des apparences, l’imprécateur socratique des temps numériques, l’investigateur infatigable de l’hyperréalité triomphale, le génie farceur des revers du décor, le chercheur passionné d’attracteurs étranges, de dérèglements catalyseurs, d’artefacts régénérateurs, l’agitateur forcené de l’empire des signes, le sémiologue inclassable des pertes de référence, le radioscopiste méticuleux des syndromes de l’absence, le décrypteur obstiné des simulacres métastasiques, le décodeur minutieux des illusions objectives, le chasseur frénétique des leurres ensorceleurs, le pataphysicien boulimique de solutions imaginaires, l’allégoriste attiseur de paroxysmes libérateurs, le bohémien nonchalant des belles lettres, le scribe nostalgique des archéologies fécondatrices, des légendes matricielles, des symboliques génératrices, le scripteur embrasé des formules incendiaires, des métaphores dévastatrices, des fulgurances salutaires, le métaleptique transgressif des déplacements de sens, l’inventeur halluciné d’oxymores impossibles, le bricoleur inépuisable d’hyperboles en abyme, le façonneur jouissif de sémantiques fractales, l’inventeur facétieux de néologismes amphigouriques, le tricoteur malicieux de contre-pétries orgastiques, le soliloqueur illuminé des errances parisiennes, le séducteur impassible des beautés dépressives, le chantre mélancolique des amours désespérées, le promeneur fantomatique des nuits californiennes, le photographe illuminé des évidences invisibles, des perspectives désaxées, des anamorphoses formelles, l’explorateur solitaire des rivages inaccessibles, des limites infranchissables, des paradoxes insurmontables, le guetteur indélogeable de l’au-delà du miroir.
Mustapha Saha.