Une association appelée FAMPIVONDRONANA ou RASSEMBLEMENT a été créée en Europe par les militants malgaches issue du mouvement de contestation des onze candidats qui s’étaient regroupés lors du dernier scrutin présidentiel sous la bannière d’ « Hetsika Fotsty » (« le mouvement pacifique ») pour en dénoncer les fraudes massives. Ces citoyens malgaches entendent mobiliser la diaspora pour soutenir tous les partisans du changement à Madagascar. Ils ont adopté à l’unanimité le slogan « TOFOKA AN’I RAJOELINA » (« RAS-LE-BOL DE RAJOELINA »), du nom du Président, pour s’opposer aux pratiques détestables de son mode de pouvoir.
Voici le texte fondateur que cette nouvelle association publie pour apporter sa contribution au débat politique malgache
Madagascar, la mascarade de l’élection présidentielle
Cela fait déjà dix ans que Monsieur Andry Rajoelina est à la tête de la République de Madagascar. Cinq années de transition après un coup d’État en 2009, qui a valu une sanction de la communauté internationale ; cinq années de privation des soutiens financiers des principaux bailleurs du pays, mais également cinq années d’état de non-droit caractérisé par la corruption et le pillage des ressources du pays. L’exportation massive et illicite des bois de rose à ciel ouvert est la plus connue et montrée du doigt par la communauté internationale et la société civile.
Après cinq années de retrait de la vie politique nationale entre 2014 et 2019, Monsieur Andry Rajoelina est revenu au pouvoir par les urnes à la suite d’une crise politique déclenchée par 73 députés qui soupçonnaient une fraude électorale en faveur du Président de la République de l’époque. Cette crise a abouti à une transition de consensus qui a vu Monsieur Ntsay Christian nommé Premier ministre par la mouvance Rajoelina, dont la mission principale était d’organiser une élection présidentielle transparente et inclusive.
L’élection présidentielle de 2018 n’a pas répondu à ces attentes. Plusieurs irrégularités ont été identifiées et ont été portées à la connaissance du public. Des contestations des résultats ont été organisées sur la place symbolique du 13 mai et réprimées par les forces de l’ordre. Le candidat Marc Ravalomanana a fini par accepter la victoire de son compétiteur Andry Rajoelina à la suite d’une réunion avec les principaux représentants de la communauté internationale.
Le bilan du mandat d’Andry Rajoelina est très mitigé, un recul des principaux indicateurs sociaux: la pauvreté, la corruption, la non-indépendance de la justice, l’atteinte à la liberté d’expression et la mauvaise gouvernance. La communauté internationale a osé franchi le pas pour critiquer le pouvoir Rajoelina, en l’occurrence, sur la gestion du fonds COVID. La dernière en date est l’interpellation publique de la Représentante résidente de l’Union Européenne sur la gestion du Fonds d’Entretien Routier,
Les suspicions de fraudes électorales reviennent sur le tapis en 2023. La confiance à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), à la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) et au gouvernement pour organiser une élection aux normes ne cesse de s’amenuiser. Il est important de mentionner que des recommandations pour l’amélioration du processus électoral ont été formulées par les observateurs électoraux en 2018. Il s’avère toutefois qu’aucune de ces recommandations n’a été mise en œuvre.
Onze des treize candidats à l’élection présidentielle de 2023 se sont alliés pour alerter sur les imperfections de ce processus électoral mais également pour contester la candidature de Monsieur Andry Rajoelina acceptée par la HCC alors qu’il n’a plus la nationalité malgache depuis 2014 selon la Constitution. Une nationalité qui a surpris le peuple malgache qui l’ignorait complétement lors de l’élection présidentielle de 2018 et qui devait déjà le disqualifier lors de ce scrutin.
Cette alliance et les manifestations qui s’en suivirent avaient reçu l’adhésion d’un grand nombre de citoyens. Ces candidats invitaient la population à descendre dans la rue pour faire pression au pouvoir Rajoelina et ceci malgré les répressions des forces de l’ordre. Après quelques semaines de contestations ignorées complétement par les entités responsables des élections, dix des treize candidats ont décidé de boycotter les élections en appelant les électeurs à ne pas se rendre aux urnes. Mais cela n’a pas changé le cours des événements : Andry Rajoelina a été élu officiellement président de la République pour un nouveau mandat de cinq ans par moins d’un quart des électeurs inscrits sur la liste électorale.
L’élection législative a eu lieu le 29 mai 2024 conformément à la loi. La participation à cette élection faisait débat au sein des mouvements de l’opposition. Certains ont évoqué l’incohérence de cette participation après avoir boudé le dernier scrutin présidentiel, d’autres ont estimé la nécessité d’y participer pour ne pas laisser l’opposition sans voix face au pouvoir Rajoelina. Pendant tout son mandat présidentiel de 2018 à 2023, me pouvoir a étouffé systématiquement toute manifestation de l’opposition.
Des journalistes et lanceurs d’alerte qui critiquant ouvertement le pouvoir ou le président en personne ont été emprisonnés. Des syndicalistes ont été arrêtés et ensuite libérés sous contrôle judiciaire pour les interdire de s’exprimer. Les manifestations dans la capitale ont été systématiquement interdites. Même des meetings dans des espaces clos et privés ont été annulés par suite de menaces reçues par les propriétaires des lieux. Il n’est pas exagéré de dire que l’opinion a été muselée, les intellectuels sont devenus complétement muets, la société civile s’exprime à peine. Seules les personnes de notoriété publique comme le Professeur Ranjeva ou le Général retraité Ramakavelo et quelques élus osent lever la voix. On peut ainsi comprendre la participation des plus grands partis de l’opposition à cette élection.
Et pourtant, dans les discussions de rue ou de salon, et quels que soient les milieux ou couches sociales, on ne fait que répéter le ras-le-bol du pouvoir Rajoelina, amplifié par son incapacité à faire face aux besoins primaires de la population comme l’eau et l’électricité.
La campagne électorale a vu de nombreuses irrégularités. Andry Rajoelina lui-même, en tant que président de la République, s’est lancé dans la campagne pour soutenir ses candidats avec toute la puissance publique. C’était un acte anticonstitutionnel dont il n’a apparemment rien à faire, car il s’est justifié lui-même de son implication. L’esprit de la Constitution malgache lui interdit en effet de s’engager dans une telle campagne pour au moins préserver l’équité entre les candidats. Cela est d’autant plus condamnable qu’il s’est servi pleinement de la puissance publique dans tous ses déplacements pour soutenir les siens.
Les irrégularités ont été flagrantes. La corruption électorale ne date pas d’aujourd’hui à Madagascar. Cette fois-ci, elle a été opérée à ciel ouvert partout et sans scrupule. Cette élection s’est déroulée dans un contexte de division de l’opposition. Les dix candidats au scrutin présidentiel de 2023 se sont scindés en deux plates-formes, les candidats indépendants issus des partis politiques de l’opposition se sont multipliés. Ce contexte n’a certainement pas été favorable à une victoire de ceux qui veulent se débarrasser de la gouvernance à la Rajoelina.
Les deux plates-formes des dix candidats ont créé chacune leur propre structure pour dénoncer les irrégularités. L’intention du clan Rajoelina de peser sur le scrutin est flagrante. Tout a été permis au grand jour et sans scrupule. Ils ont tout tenté pour éliminer des candidats symboles de l’opposition comme l’ancienne présidente de l’Assemblée nationale ou pour faire passer en force des candidats symboles également de ce pouvoir.
Les deux plates-formes se rejoignent sur les principes. Mais l’opinion semble attendre plus de ces dirigeants. Elle attend un grand rassemblement de tous ceux qui veulent le changement du pouvoir Rajoelina. Elle pense que ce rassemblement est indispensable pour y parvenir. En effet, ce pouvoir dispose et fait usage de tout : autorité administrative et militaire, argent et justice pour museler, coûte que coûte, toute résistance pour s’y maintenir.
Des voix s’élèvent ici et là pour l’avènement de ce grand rassemblement. Des citoyens de la diaspora ont pris l’initiative de lancer un mouvement en faveur de ce rassemblement. Ils sont fermement opposés à ce régime mais ont choisi de ne rejoindre aucune plate-forme pour mettre plus en exergue la nécessité d’un grand rassemblement pour le changement.
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