La porte de l’OTAN et de l’Union Européenne doit être ouverte ou fermée. Sous peine de voir les humiliations successives à l’égard de la Russie pousser le président Poutine à franchir la ligne rouge nucléaire
Une chronique de Xavier Houzel
La Suède et la Finlande veulent adhérer à l’OTAN. Elles allèguent la menace que représente la Fédération de Russie après son entrée en Ukraine. Le président français a décidé mais un peu vite (le processus d’adhésion pouvant durer une année) de soutenir[i] la démarche des deux pays pour de sérieuses raisons – les grands thèmes d’unité et de solidarité – sachant pourtant que l’intention que cette candidature décèle braque le président russe qu’il s’efforce de calmer.
Et c’est aussi coller aux Américains, alors que le président Macron tenait là une bonne occasion de ne pas aboyer avec les loups (on se souviendra du refus français d’un suivisme aveugle exigé par Washington en 2003). Et c’est assister à l’enterrement de première classe de l’Europe de la Défense. Et c’est donner aux Anglais (que l’on croyait partis s’occuper du Commonwealth) l’envie de se mêler à nouveau des affaires du continent. Et c’est accentuer le caractère d’imprévu et de suspens de l’avenir de l’Union Européenne. Tout ce qu’il ne faut pas faire.
Parmi les autres membres qui pourraient s’opposer à l’élargissement de l’OTAN, seules la Turquie (hors Union Européenne) et la Croatie[ii] (devenue en 2013 le 28ème État membre de l’Union Européenne) entretiennent des velléités de le faire. Mais on connaît le président Erdogan et l’ardeur qu’il met à profiter de tout pour chipoter – et grapiller quelque chose au passage. On ne s’attendait pas, en revanche, à l’objection de Zagreb.
Les États-Unis encouragent pour leur part l’initiative des deux Européens du Nord restés neutres jusques à présent ; ils en profitent pour y placer en Finlande des aéronefs flambants neufs[iii] et pour y vendre leurs Huiles de schistes aux cours du jour. L’OTAN est entrée par la grande porte dans le conflit. L’opération militaire insensée déclenchée par la Russie l’a réveillée de sa torpeur ; l’organisation a surgi de l’ombre dans le sillage de forces spéciales bien préparées – ce qui ne retire rien à leur courage. L’Anglaise Liz Truss se démène auprès d’autres « États vulnérables » comme la Moldavie (qui n’est pas membre de l’OTAN), en créant une commission conjointe avec l’Ukraine et la Pologne pour plancher sur la mise à niveau des défenses moldaves « aux normes de l’Organisation ». L’Europe de la Défense sera otanesque ou elle ne sera pas ; c’est dire que le président français doit se mettre à songer à une parade !
On disait jusqu’alors du président Vladimir Poutine qu’il faisait ce qu’il disait – il se voyait à Kiev en un tournemain et il l’avait dit au président Xi Jinping de même qu’à l’Ayatollah Ebrahim Raïssi. Or ce n’est plus vrai, il n’a pas fait ce qu’il avait prédit. L’opération spéciale a pris le tour d’une guerre de tranchées ; les armes, l’encadrement et le Dollar américains font merveille ; et la Chine et l’Iran se posent beaucoup de questions, pendant que la Guerre d’Ukraine redouble et qu’elle se transforme en film à grand spectacle. Quel que soit le cadre d’ailleurs – l’usine métallurgique Azovstal de Marioupol – le casting – one man show de l’illustre Volodymyr Zelenski – ou les séquences « en situation » – les files de vieux chars, les charniers que l’on rouvre, un vaisseau qui coule – le jeu en est sublime. On est le matin à Hollywood avec Volodymyr en juste au corps modèle vert-wagon Sncf et l’après-midi à Marioupol pour un photo shoot Decathlon catalogues et promos. Oui mais, ce n’est pas le scénario initial du Kremlin, c’est celui de la Maison Blanche – et il ne faudrait pas qu’une trop grande liberté d’improvisation n’en précipite les acteurs mythologiques dans la salle et ne nous plonge dans le noir absolu, ce qui conduirait au drame.
La Russie, la Grande Russie est prise au piège dans la nasse que lui ferme la Turquie : un fermé de navires[iv] se prépare en Mer Noire ! Les Russes sont partis de Syrie comme les Américains d’Afghanistan et les Français de partout ! C’est la stupéfaction, les souris dansent ! Mais la Chine, elle, ne rit pas : ses dirigeants entendaient tirer le meilleur parti de la pandémie pour instaurer le black-out et procéder à de gigantesques purges : la campagne-éclair de leur allié russe devait détourner l’attention des âmes délicates ; cette offensive a raté. L’ours russe serait-il un ours de papier ? C’est la question que se pose la République Islamique d’Iran, désormais décidée à reprendre les pourparlers de Vienne et à faire un compromis avec Washington.
Il devient préférable d’arrêter le massacre avant que Zelenski, grisé, ne perde le sens de la mesure. Il faut surtout mettre fin aux simulacres et aux humiliations qui pourraient conduire le président Poutine à l’acte nucléaire
Ce sera difficile de le faire accroire aussi bien à Kiev qu’à Washington, où le président Joe Biden a signé une première loi apportant 40 milliards de Dollars d’aide à l’Ukraine. Ce n’est visiblement pas suffisant pour monsieur Zelenski qui pense pouvoir entrer dans l’Union Européenne, dans l’OTAN et dans l’Histoire à la fois, sans être soumis au moindre crible. Ni Biden ni Zelenski ne semblent avoir l’honneur de se rendre compte que cette Révolution de Maïdan, dite révolution de la Dignité, et le non-respect des Accords de Minsk (qu’il ne fallait pas signer ou alors qu’il fallait respecter) coûtent au reste du monde des milliers de milliards de Dollars, chamboulent les repères sociaux dans les États et basculent les équilibres stratégiques entre les Nations de toute la planète, en attendant un krach boursier et une récession globale. Pourquoi les prix se sont-ils envolés ? D’où viennent les pénuries ? À qui la faute ? À qui le crime profite-t-il ? Et monsieur continue de vouloir sa chaise… Croit-il pouvoir remplacer le Gaz russe[v] avec de l’hydrogène vert cultivé en Ukraine, ou même électrolysé ailleurs ? Cet homme est dangereux.
L’Allemagne et la France continueront de refuser à l’Ukraine le passe-droit que Zelenski exige pour pouvoir rentrer directement dans l’Union Européenne, ce à quoi ce dernier rétorque : « toute alternative à la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne serait un compromis avec la Russie ». Il essaye « mais en vain » de dialoguer avec son homologue russe ; il oppose un Niet théâtral au projet de la communauté politique européenne que lui propose Emmanuel Macron[vi], en reprochant à la France de vouloir ménager une « porte de sortie » au président de la Fédération de Russie. Attention qu’il n’aille pas, de gamin vindicatif mais victime qu’il est tout de même se métamorphoser en âpre calculateur, féroce de surcroît !
Comme l’a dit le président Macron dans son discours sur l’avenir de l’Europe à Strasbourg : « il n’appartient qu’à l’Ukraine de définir les conditions des négociations avec la Russie », sinon… Eh bien, sinon ce sera à nous de le faire pour Elle.
L’Ukraine est invitée à la table européenne mais « sans chaise[vii]« , certes ! Invitons également la Fédération de Russie à rejoindre la Communauté politique européenne telle qu’elle est en l’état futur d’achèvement. Et nous connaîtrons le Jugement de Salomon. Effaçons la frontière ! Plus de Crimée qui tienne, plus de Mer d’Azov à privatiser, plus de Donbass à détruire ni de langue à proscrire.
Voilà l’Ukraine et la Russie ainsi réunies à la table du Conseil européen. On leur donnera des fauteuils. Le corps du délit sera supprimé et avec lui la cause et la manifestation nécessairement extérieure de toute volonté criminelle.
Après une guerre qui n’en finissait pas, en 1967, le général de Gaulle avait condamné Israël pour avoir attaqué. Il aurait aujourd’hui condamné la Russie, les Russes, « un peuple européen sûr de lui-même… ».
Une séance de rattrapage, au cas où ils resteraient sourds ?
Volodymyr Zelenski a répété son envie de rencontrer Vladimir Poutine, mais seulement lui, sans aucun médiateur. Chiche ! Mais ce sera pile ou face : Achille contre Hector ! Les dieux de l’Olympe font des hommes ce qu’ils veulent et les livrent au pouvoir d’Arès, dieu de la guerre et de la destruction. Hector mourra. Achille sera plus tard frappé mortellement mais par Pâris et d’une flèche au talon.
Ou bien ?
Ou bien, qu’ils restent tous les deux à la porte, et les Américains et les Chinois aussi, mais il y a fort à parier que Vladimir Vladimirovitch Poutine, dira que la Russie est européenne à part entière depuis des temps immémoriaux.
[i] http://www.observateurcontinental.fr/?module=news&action=view&id=3866
[ii] https://www.newsweek.com/turkey-croatia-vladimir-putin-block-nato-expansion-1708285
[iii] https://actu.capital.fr/economie-politique/rafale-f-35-eurofighter-ou-gripen-la-finlande-aurait-fait-son-choix-1422021?utm_source=outbrain&utm_medium=cpc&utm_term=FR_20+Minutes.fr_20minutes+-+Live&utm_content=Rafale+ou+F-35+%3A+la+Finlande+à+fait+son+choix+%21&utm_campaign=pmo_cap_article_desktop_desktop_manuel_aero_b&dicbo=v1-478b81567e15a9aeb6384923d38c7422-007b8519305bcf5edf66b296b9a6ba6663-mi2dgndfgzrdeljqga3daljumi4giljygzswmljwmzqtmylbgrsdkmjzme
[iv] https://www.newsweek.com/ukraine-russia-black-sea-missiles-putin-gerashchenko-harpoon-1708449?utm_source=PushnamiMailing&utm_medium=email&utm_campaign=automatic&UTM=1653175917782&subscriberId=60a531bde94838e5a1c991cd
[v] https://www.rechargenews.com/energy-transition/could-europe-replace-russian-gas-with-green-hydrogen-lets-look-at-the-numbers/2-1-1212798
[vi] « Aujourd’hui, toute concession à la Russie n’est pas un chemin vers la paix, mais une guerre reportée de plusieurs années. L’Ukraine n’échange ni sa souveraineté, ni ses territoires et les Ukrainiens qui y vivent », estime Mykhaïlo Podoliak.
[vii] « C’est comme une table où toute la famille est réunie, et on t’a invité, mais on ne t’a pas mis de chaise. Je pense que c’est injuste »