« Ôte-toi de là que je m’y mette ! », c’est le message subliminal que l’Amérique et la Russie passent à la France en Terre d’Afrique. Il y a belle lurette que les deux sont à l’unisson : souvenons-nous de Suez !
Une chroique de Xavier Houzel
Les deux pays ont besoin d’espace et s’efforcent de faire table rase du passé. Leur évolution démographique s’est déroulée à l’envers l’une de l’autre ; même chose pour les principes – libéralisme versus totalitarisme – mais avec une même dérive hégémonique. Les ambitions africaines de l’Inde et de la Chine – toutes deux ravinées de routes bondées et de carrières et de mines allant en s’épuisant – compliquent la situation de l’Europe et de la France au premier chef.
En compétition dans une Afrique « décolonisée » mais désormais ouverte à tous les vents, ces puissances ne prennent plus de gants pour contrecarrer toute allégeance des 55 États qui forment l’Union Africaine qui ne soit pas à leur endroit. Ce chiffre de 55 est le nombre des « tribal nations » amérindiennes aussi bien que des peuplades de l’Est Russe désormais dans l’oubli.
Ces « tribal nations » regroupaient plus de mille tribus – le Cameroun abrite à lui seul cent royaumes ! Il est évident que le principe démocratique convient mal à ces friches africaines ! Les Américains comme les Russes y préféreront l’autocratie à toute démocratie à la Jean-Jacques Rousseau.
Depuis la fin de la Guerre Froide, rien n’a changé
Les deux superpuissances ont conservé la même signature, l’une est toujours communiste et révolutionnaire, l’autre fait mine de s’accrocher à une démarche capitalistique mais libératoire « made in USA » ; elles partagent une hostilité de bon aloi aux anciennes puissances mandataires colonisatrices. Aussi tentent-elles de démanteler, avec l’air de ne pas y toucher, ce que l’on appelait les « empires coloniaux » pour se servir de leurs débris et profiter des ressources du sous-sol.
Ni les Russes ex-soviétiques ni les Américains libertaires ne cherchent aujourd’hui à convertir les peuples africains à leurs idéologies respectives -comme avaient voulu le faire, avec la cohorte de leurs missionnaires et leurs armées d’instituteurs, les colonisateurs. Ils préfèrent « traiter » au sommet, suborner les militaires et dialoguer avec les dictatures : ils saoulent ou achètent, ou bien ils tuent, comme dans les westerns. Et nous, oublieux de toute responsabilité, nous adorons ce genre de péplum. Bref, il y a deux mondes.
Les Américains ont compris que le globe était fait de barrières à faire tomber et qu’il était maillé de routes à élargir
Les Américains sont les apôtres de la mondialisation. Ils ont pris le monde à bras le corps, après en avoir terminé avec leur propre continent. Avec les Accords de Bretton Woods, ils ont entrepris de le dominer par une monnaie unique. Ils lui ont imposé leur « pensée unique », au centre de laquelle demeure le séduisant principe démocratique, qu’ils prônent comme système de gouvernement idéal. Voilà pour la bonne conscience et la couverture.
Mais ils savent pertinemment qu’ici ou là, les anciennes traditions, les cultures de jadis finissent toujours par resurgir plus ou moins intactes a contrario, en provoquant questionnements et révoltes légitimes. Les bâtisseurs européens serviront de boucs-émissaires. Les hordes de Wagner iront opportunément tout casser. La France aura l’élégance de ne pas se renier ; elle aura la faiblesse de s’entêter puis de ne pas insister devant la force. L’Afrique est devenue un château de cartes à redistribuer.
Un coffre bourré de richesses
Un coffre-fort est fait pour être forcé – si l’on s’en tient aux scenarios du western. Et il faut pouvoir évacuer le butin en se faisant un passage. Qui tient les cols et les canyons contrôle le reste dans un monde qui a de plus en plus besoin de matières premières, de main d’œuvre et d’Énergies de toutes sortes, qu’il faut saisir là où elles se trouvent ; quitte à les piller sans vergogne, comme au Far West. Celui qui veut être le maître du monde doit en contrôler les routes, en particulier celles du gaz, du pétrole et de la soie – par soie, il faut entendre le reste des biens, au meilleur marché possible.
Russes et Américains, les leçons des échecs
Depuis leur débarquement en Normandie, les Etats-Unis ont accumulé des échecs retentissants : au Vietnam, en Corée, à la Baie des Cochons, en Afghanistan, en Irak (Abu Ghraib et le terrorisme qui résultera de cette guerre ne constituent pas une victoire !) et plus récemment encore, en Libye où l’on ne peut pas pardonner au président Sarkozy (qui ferait mieux de se taire dorénavant) d’avoir fourvoyé la France. La débâcle fut ininterrompue. Les Russes viennent d’échouer sur la Lune et ils dégringolent partout ailleurs : c’est la bérézina. Pas de quoi pavoiser.
Capricieux comme des enfants mal élevés, voilà qu’ils cassent aussi leurs jouets au nez des plus pauvres et de ceux qui n’en ont pas. Les Russes sacrifient « Nord Stream » – peu importe celui des deux qui l’aura fait sauter. Les Américains sont boutés hors d’Arabie saoudite et de l’ensemble du Maghreb, du Levant et de la Perse !
Les deux revenants de la guerre froide amusent le terrain en Ukraine, en y figeant les vieilles nations européennes, scotchées sur place, les larmes aux yeux, hypnotisées par le clown Prigogine. Les Chinois et les Indiens sont embusqués, tapis dans les BRICS et ailleurs.
La bataille dépasse la France, le spectacle qu’elle dans cette foire d’empoignes offre est pathétique..
Dans le deuxième volet de cette chronique, nous parlerons de « l’enjeu du Niger dans la foire d’empoigne africaine «