Etats délabrés, déroutes sécuritaires, populations séquestrées, surenchères verbales, fanfaronnades diplomatiques: la situation sécuritaire du Sahel est catastrophique.
Une chronique de Samir Moussa sur le site « Actuallités brulantes du Dahel »
Si mentir pour convaincre distraire et défaire, tricher pour vaincre et s’imposer, nier l’évidence des faits, se défausser sur les autres et d’autres manœuvres dilatoires et intrigues militaires, étaient un programme de Gouvernement ou un critère de performance et d’excellence, jamais, les juntes au pouvoir au Niger, au Mali, au Burkina, ne pourraient avoir d’égal sur terre ni se mesurer à des concurrents quelconques. Elles sont imbattables dans l’art de la forfanterie, de la duperie, de la supercherie, inegalables dans la fuite en avant, la manipulation de l’opinion, les campagnes de désinformation.
Jonchées sur un petit nuage, elles se plaisent à se bercer d’illusions et se complaisent dans le déni permanent, nourri par un égo surdimensionné, de fausses certitudes et des victoires utopiques. Les artifices ne manquent pas notamment la victimisation à outrance pour continuer à prendre en otage des populations, sans cesse brimées. Les putschistes, tombés dans un délire obsessionnel de persécution, ont peur même de leurs ombres, s’épuisent à jouer les Don Quichote en se battant contre des moulins à vent, s’époumonnent à crier au complot chaque fois en donnant le sentiment d’avoir à affronter le monde entier, des puissances mondiales pour défendre, prétendument, des convictions patriotiques dans un but souverainiste avec des relents révolutionnaires. Toute cette débauche d’énergie consiste à détourner l’attention de tous d’échecs dramatiques, à endormir les consciences face à une situation de chaos général susceptible de provoquer, à tout moment, une insurrection populaire spontanée et fatidique.
La magie de la propagande n’opère plus à cause de toutes les illusions perdues et de l’aspiration forte , bien que latente et étouffée par une répression sauvage , à des régimes, autres que des tyrannies militaires.
Chacun a vu et compris que les coups d’Etat aggravent les crises, les militaires ne sont pas faits pour diriger ni ne sont capables de conduire les destinées d’un pays. Il est définitivement établi que la soldatesque n’est pas à sa place dans les palais. Elle est appelée à servir et rester dans les casernes et sur les lignes de front. A chacun son métier et sa vocation, du reste. Le mélange des genres qui consiste pour un militaire à tronquer, fébrilement, son treillis pour enfiler, à la hâte, un costume coûte à tous les pays qui en font l’amère expérience, le pire, c’est-à-dire un cortège de malheurs et un concert de lamentations, un déluge de feu et de détresse.
La lutte contre l’insécurité, le terrorisme, la reconquête de territoires perdus, l’indépendance nationale, la souveraineté compromise, ainsi que d’autres tapages ont été les fallacieux alibis pour déserter l’armée afin de s’emparer du pouvoir d’Etat. A l’heure du bilan, aucun trophée sur les différents fronts. Au contraire, les acquis jugés maigres des prédécesseurs, livrés à la vindicte populaire, afin de se donner bonne conscience dans la trahison contre les institutions de la République et les valeurs démocratiques, ont été, minutieusement ruinés et saccagés. Les pires ennemis du Mali, du Niger et du Burkina ne se seraient pas permis de franchir ainsi toutes les limites, de briser tous les tabous et espoirs, bref de faire autant de mal à des peuples éprouvés déjà par la nature et le poids du quotidien. A l’image du triangle dramatique ou de karpman , le sauveur, a fini par prendre la place du persécuteur auprès de la victime. Les putschistes de l’AES se révèlent plus nocifs , de loin, que le » maître colon » qu’ils pourfendent, machinalement, afin d’exalter la fibre nationaliste, les bas instincts et les viles passions de peuples si fiers de leurs identités et jaloux de leurs indépendances. On s’accroche à un bouc-émissaire tout désigné comme à une bouée de sauvetage pour ne pas se noyer dans le torrent des difficultés créées, par soi-même.
Si c’était à refaire ou qu’il était possible de revenir en arrière, Maliens, Nigeriens et Burkinabé, ne se laisseraient pas tentés par la régression démocratique ou entraînés dans l’engrenage militaire, infernal. Ils auraient raison, en voyant ce que sont devenus leurs pays depuis qu’ils sont dirigés par des juntes folles, en particulier, dans le domaine de la sécurité, clamé , urbi et orbi.
Niger : vaine tentative de nier l’horreur
L’attaque de Chatoumane du 10 Décembre dernier, a été la démonstration la plus éloquente de l’habitude chronique de la junte nigerienne à vouloir se voiler la face, chaque fois, qu’elle enregistre de lourdes pertes en vies humaines dans les rangs de l’armée nationale et parmi les populations civiles.
Les putschistes, ont voulu faire croire d’abord qu’il n’y a jamais eu l’assaut sanglant avant de se raviser sous la pression en concédant un bilan dérisoire de 10 morts. La réalité est bien différente, et tragique : au moins 200 civils et militaires ont péri dans des conditions atroces. Les images insoutenables des corps abandonnés dans la nature, publiées par l’EIGS pour confondre la junte , révèlent l’ampleur du drame que les dirigeants Nigeriens tentent de minimiser, voire, de contester , à tout prix.
Le 15 Décembre, une embuscade complexe tendue par le JNIM- AQMI, près de Djamagou s’est soldée par la mort de plusieurs membres des forces de défense et de sécurité. Cette autre tragédie, passée aussi sous silence, dans une indifférence coupable, est une illustration supplémentaire que la junte n’en a cure de la vie de ses soldats et ne se préoccupe pas le moins du monde de la saignée dans l’Armée et la rivière de sang qui charie le pays.
Le comble de l’horreur a été atteint le 17 décembre 2024. Au lieu de traquer et mettre hors d’état de nuire, les groupes armés, responsables des différentes tueries, les forces de défense et de sécurité nigeriennes, lors d’une opération, aussi aveugle que criminelle , ont bombardé des civils qu’elles ont vocation de protéger et de secourir. Malgré toutes les tentatives de dissimuler les preuves de la bavure meurtrière, des habitants avisés, ont filmé les corps et partagé des témoignages poignants qui accablent un régime prêt à tout, pour survivre et masquer sa déconfiture.
Burkina : un convoi abandonné
Au Burkina voisin, c’est aussi la débandade sécuritaire. Des camions destinés au Niger, escortés par des forces de sécurité Burkinabé, ont été interceptés et incendiés par des terroristes, à Taparko. Les militaires mobilisés pour sécuriser le convoi, ont pris la fuite, abandonnant du coup les civils à leur triste sort. Les images des camions calcinés, ont circulé, abondamment. Elles traduisent l’impuissance des autorités militaires et l’échec pathétique de la junte au pouvoir.
Mali : le désarroi d’un peuple
Au Mali, la situation n’est guère meilleure. Le 20 Décembre, une série d’attaques terroristes a frappé plusieurs villages de la région de Bandiagara. Au total, 26 personnes ont perdu la vie. Des destructions massives ont été aussi enregistrées.
– Bouari ( commune de Lewo Geoul) : 15 morts
– Madina ( Kendié) : 4 morts
– Banguel Toupé Singuel : 2 morts
– Gaza : 5 morts dont un passant
– Massasegué ( commune de Dialassagou) : le village incendié. Aucune vie perdue.
– Sonfounou ( commune de Ségué) : village incendié et abandonné.
Des dizaines de villages ont été désertés par des habitants fuyant les incendies criminels et les massacres, à répétition. Les populations déplacées se réfugient dans des abris de fortune notamment les bidonvilles ou affluent vers les grandes villes comme Gao. Dans les campements improvisés, tout manque : l’eau, la nourriture, les soins. Des foyers de famine et d’épidémies, en perspective, dans un contexte de précarité et de grande vulnérabilité.
Alors que leurs pays sombrent, leurs populations végètent dans une misère noire et le dénuement absolu, les putschistes, Maliens, Nigeriens et Burkinabé, ayant une pierre à la place du cœur, vivent, paisiblement, dans un luxe insolent et l’insouciance d’un bonheur indécent. Pendant que les campagnes sont attaquées, les citoyens décimés, ils sont vautrés dans le confort douillet de leurs palais, aseptisés, dans une vie de luxure et de débauche qui suscite la grogne populaire et l’indignation des esprits éclairés et des consciences libres ainsi que de la majorité silencieuse, tenue en laisse.
Combien de temps encore, les populations, accepteront-elles , de subir l’injustice, l’arbitraire, la violence et l’oppression sourdes et aveugles ?
Jusqu’à quand, laissera-t-on régner l’arrogance, l’incompétence, la corruption, la médiocrité au sommet des Etats de l’AES , vassalisés par des officiers d’opérette, affichant une fausse fierté, obnubilés par les honneurs et privilèges du pouvoir d’Etat ?
Combien de victimes, faudra-t-il encore pour un sursaut des populations embrigadées et une levée de boucliers de la communauté internationale ?
Puisse Dieu voler au secours des peuples désemparés du Sahel et l’année nouvelle leur apporter le meilleur ou , à tout le moins, les libérer du pire et de leurs démons militaires.
La dictature a une limite dans le temps, Dieu punit toujours les tyrans. Les vaincus d’aujourd’hui seront les vainqueurs de demain, parce que la roue de l’histoire ainsi que celle de la fortune tourne.
Samir Moussa