« Vivre l’islam » au secours des généraux chassés à Alger

Le 15 mai dernier, l'émission islamique dominicale de France 2, "Vivre l'Islam" a diffusé un reportage enregistré à Alger par Djelloul Beghoura qui a octroyé une demi-heure d'antenne à son "ami" et protecteur le général-major Mohamed Touati, tète pensante des "janviéristes", ces généraux qui ont stoppé net le processus électoral de janvier 1992 et poussé le président Chadli vers la porte.  

Ces invités de marque de l’émission « Vivre l’Islam » sur France 2, généralement partisans de l’annulation des élections perdues par le pouvoir algérien en 1992, ont essayé de mettre au goût du jour la thématique des années 90 sur le « terrorisme ». Les télespectateurs de F2 ont eu droit à un discours univoque et sans nuances digne de la télévision nord-coréenne et des médias éradicateurs algériens qui obéissaient aux colonels des services algériens Zoubir, puis Faouzi, mis d’office à la retraite.

L’avocat algérien et proche du pouvoir à Alger, Maitre Hafiz, qui depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy dirige l’émission dominicale de France 2 sur l’Islam, a cherché à mettre son grain de sel dans l’actuel débat sur les nouvelles formes de terrorisme. Le résultat, c’est un retour de plus de vingt ans en arrière. Le but de l’émission n’est pas de renseigner sur le terrorisme. Car en Algérie même, où le « qui tue qui » est abordé en toute tranquillité sur les chaînes privées et les sites Internet, les émissions de ces derniers mois portent sur les grandes révélations: le général-major Hocine Belhadid qui révèle la teneur de l’interrogatoire de Kada Benchiha, « l’émir » du « GIA » de l’Ouest algérien qui reconnut obéïr au général-major Smaïn Lamari; le vieux militant Allal Thaalibi, l’ami de Boudiaf qui avait recruté Abane Ramdane au PPA en 1947 , avant de présider la commission d’enquête sur l’assassinat de Boudiaf. Sur la base de l’audition de la veuve du président du HCE, A. Thaalibi met en accusation le général-major Mohamed Médiène, dit Toufik; quant à Nacer Boudiaf, il a livré les conclusions de sa minutieuse enquête sur l’assassinat de son père: selon lui, c’est le génral-major Larbi Belkheir (qui était ministre de l’Intérieur) en personne qui ordonna l’envoi du lieutenant Boumaarafi à Annaba le 28 juin 1992 au soir. Alors que le commandant du GIS (le GIGN algérien), le capitaine Hamou avait refusé d’amener le lieutenant avec le peloton dépêché comme renfort de la garde présidentielle à Annaba. Pour avoir enquêté sur l’envoi de Boumaarafi à Annaba contre son ami, et avoir révélé les conclusions de son enquête à son entourage immédiat, le capitaine Hamou a connu une mort suspecte.

Il y avait eu les émissions avec l’un des fils de Mustafa Beloucif, l’ancien secrétaire général du ministère de la Défense que Nezzar a arrêté le jour même où Boudiaf voulait l’entendre sur la corruption dans l’entourage du général-major devenu ministre. Beloucif junior révéla que dès son élection en 1979, Chadli commença par limoger le lieutenant-colonel Nezzar qui avait émis des doutes sur les capacités de son ancien chef à la Base de l’Est en 1960 à devenir président. Nezzar n’a pu être maintenu à la région de Béchar qu’après l’intervention auprès du président  de Beloucif qu’il avait été implorer.

En prétendant ignorer toutes ces nouvelles données, le reportage que Djelloul Beghoura a diffusé le 15 mai a un côté surréaliste et intemporel. Il relève  plus de la propagande maladroite que de l’information.

En proposant aux janviéristes (qui avaient été sérieusement mis  mis à mal à Alger) une sorte d’asile médiatique, Beghoura entendait participer aux ripostes envisagées par la partie des anciens protégés de l’ex-DRS qui ne veulent pas être accusés de lâcheté et d’ingratitude. L’initiative semble être venue plus de Beghoura que de Hafiz, cet ancien protégé du général Ali-Abdelhamid Bendaoud, repérésentant du DRS à Paris qui n’est pas du genre à résister héroïquement.

Hafiz s’était autoproclamé « coordonnateur » des comités de soutien en France au 4° mandat de Boutéflika. Cela lui rapporta, grâce à l’entregent d’Yves Bonnet, quelques apparitions sur des chaînes mieux regardées que la mini-émission islamique de France 2, qui est de moins en moins religieuse.  Mais ce zèle laissa indifférent Saïd Boutéflika que Hafiz n’a jamais réussi  à rencontrer. Même Sellal refuse de recevoir Hafiz, notamment quand cet avocat nommé grace à Nicolas Sarkozy, alors Président, voulait relancer sa candidature à la succession de Dalil Boubakeur.

Pendant le Ramadan , cette émission du 15 mai a valu à Hafiz, un ferme rappel à l’ordre de l’entourage immédiat  de  Dalil Boubakeur, qui entend se démarquer de ces protégés pour éloigner les soupçons de participation aux ripostes de l’ex-DRS. Une des ripostes consistait à faire croire que la mosquée allait, à la demande de l’ex-DRS, se rapprocher des filières saoudiennes qui soutiennent la ligne du maréchal Sissi pour trouver un financement de substitution et rompre, au besoin, avec l’Algérie qui envisage de remplacer Boubakeur. Si l’entourage du recteur a résisté à cette tentative d’impliquer la mosquée dans les tentatives de vengeance de l’ex-DRS, Djelloul Beghoura a mis la petite émission islamique au service de l’activisme des anciens protégés de Toufik. Hafiz se trouve victime de ses cumuls de titres: il a été fait président de « Vivre l’Islam » par Sarkozy et Baldelli, et il est devenu un membre assez influent de la Société des Habous qui gère la mosquée, et dont il était l’avocat. La perte de tous les procès aux prud’hommes pour licenciemment abusif coûtèrent les yeux de la tête au budget algérien du temps du baril cher. Outre ces critiques adressées par les tenants de l’austérité à Alger (où l’on promet de dépêcher à la mosquée une équipe de l’Inspection Générale des Finances), il est reproché à Hafiz  d’avoir recommandé l’admission à la Société des Habous de nouveaux membres, souvent incultes et donc obéissants, afin de contrecarrer la nomination d’un nouveau recteur à laquelle il est hostile depuis le refus de Sellal de soutenir sa candidature.

Beghoura s’agite pour faire rediffuser « son » reportage à une heure de grande écoute. Mais Hafiz semble profiter de la trêve estivale pour faire oublier ce couac, afin de sauvegarder ses autres cumuls: avocat forfaitaire de plusieurs consulats où Bendaoud l’avait imposé; avocat d’Air Algérie; avocat de la Société de habous; avocat du CFCM;…Il espère faire quelques affaires avec la toute nouvelle Chambre algérienne du Commerce et de l’Industrie qui défend Rabrab en France, et convoite les faveurs de son rival Ali Haddad en Algérie…

L’alliance conflictuelle Hafiz-Beghoura semble condamnée à prendre fin un jour. Car Hafiz, qui est courageux, mais pas téméraire, semble prendre acte de  la déroute des janviéristes en Algérie et du refus de la mosquée de s’impliquer dans la défense de l’ex-DRS. Surtout que celle-ci vient de rapporter de sérieux ennuis à Wahid Bouabdallah, l’ancien PDG d’Air Algérie (que Hafiz courtisait pour qu’il en fasse l’avocat unique de la compagnie en France) à qui son protecteur, Toufik, avait pu trouver un point de chute comme député FLN, avant la montée en puissance de « Hadj Amar » (Saidani).

Wahid Bouabdellah est le fils d’un gros propriétaire terrien algérien de la région de Berkane, dans le Nord du Maroc oriental. Le père a toujours été proche du MALG, puis du groupe d’Oujda. Mais le fils est passée sous l’aile protectrice de Toufik qui n’hésita pas à rappeler à Alger l’ancien consul d’Algérie à Nice en lui reprochant ses rapports contre le conflit d’intérêts impliquant a soeur de Wahid. Celle-ci faisait partie du personnel, bien rémunéré du consulat. Mais elle passait le plus clair de son temps à approvisionner à partir des Alpes-Maritimes sa boutique de lingerie féminine de Ryadh el Feth, le centre commercial des hauteurs d’Alger, où on n’y ouvre une boutique  qu’en versant du bakchich, ou se faisant “pistonner”. Le frangin dispensait sa petite soeur d’acquitter les frais de frêt. Pour avoir dénoncé ces pratiques, le consul s’est trouvé rappelé à Alger à la demande de Toufik. Mais Boutéflika, qui savait laisser “le temps au temps”, nomma le consul secrétaire général du centre culturel algérien avec pour principale mission la surveillance de Yasmina Khadra qui, à la demande de Bendaoud, fit appel à Hafiz pour les besoins des procès aux prud’hommes que l’avocat trouva le moyen de perdre…   

Il convient de signaler les changements intervenus dans le camp des «  janviéristes  » depuis le 15 mai. Au vu de l’agitation de ces faux héros qui veulent montrer leur solidarité avec Toufik, Tartag a été convoqué par Gaïd Salah qui, après lui avoir infligé plusieurs heures de lecture des journaux de la salle d’attente des Tagarins, lui a ordonné de le renseigner avec une meilleure précision sur les conciliabules, notamment à Paris, de ces derniers «  toufikistes  ». Ayant sans doute eu vent de ces consignes, Haroun et Touati (qui furent les héros du reportage de Beghoura) se font plus discrets et semblent lâcher Nezzar qui les sollicitent régulièrement pour les besoins de son procès en Suisse. Les «  janviéristes  » de seconde zone se sont tournés vers le général éradicateur Taghit dont Beghoura semble vouloir se rapprocher. Mais il serait étonnant que Hafiz autorise un autre reportage où taghit viendrait paraphraser le livre de Haroun pour expliquer comment cette bande prétend avoir servi de “rempart” à la pauvre République algérienne qui, le 11 janvier 1992, cessa  d’être “démocratique” en laissant une poignée d’éradicateurs pousser l’armée (qui se dit “populaire”aussi) à combattre le peuple, coupable d’avoir mal voté.

L’émission a été mise par la paire Beghoura-Hafiz au service de janviéristes aux abois et désireux de montrer qu’ils ont quelques moyens de rebondir. Les autres membres de “Vivre l’islam” disent n’avoir jamais été consultés, sur l’annulation de la programmation décidée en commun pour imposer le reportage de Beghoura à Alger, où le protégé de Touati semble à la recherche de quelque point de chute, car il a eu vent des commentaires sur son âge (presqu’égal à celui de Boubakeur) et de son besoin de faire valoir ses droits à la retraite. Mais aussi bien Didier-Ali Bourg et Haydar Demyurel que les dociles présentateurs, Hafidi et Bencheikh, redoutent encore les méthodes d’un hafiz qui, en cas de désaccord, n’hésitait pas à les faire intimider par le colonel Bendaoud. D’où leur refus de toute déclaration publique contre Hafiz et Béghoura, malgré les changements aussi bien des rapports de force à Alger que des locataires de la place Beauvau.

Il reste à savoir si la nouvelle « instance de dialogue » mise en place l’an dernier pour chapeauter le CFCM, qui est directement concernée par ce scandale négligé par les médias, saura proposer les changements qui s’imposent pour mettre fin aux fâcheuses conséquences sur cette médiocre émission de plusieurs interventionnismes ministériels, peu compatibles avec la neutralité qu’impose la respect de la vraie laïcité, dont les musulmans  attendent l’application à l’islam. Ces interférences avaient commencé du temps de Chevènement, dont le cabinet imposa des protégés qui eurent le loisir de montrer l’indigence de leur culture religieuse. Elles furent poursuivis de façon plus dirigiste par Sarkozy qui, dans sa pêche aux voix permanente, imposa son «  ami  » Hafiz

Il s’agit surtout de supprimer les traces du téléguidage, qui dure depuis au moins 15 an,s de cette émission par les janviéristes algérois. L’influence des benalistes ayant pris fin, en partie, après le 14 janvier 2011, le maintien de la rémunération de Faouzia Zouari, sœur d’un ministre benaliste et ex-«  amie  » de la «  Régente de Carthage  » avait des raisons sociales et restait sans graves conséquences sur l’orientation de l’émission qui, de toute façon, avait été détournée de ses objectifs religieux.

Mais si rien n’est fait pour mettre fin à cette mascarade qui n’a que trop duré, la formule « Islam de France » continuera de relever des «  éléments de langage  » servant à tromper l’opinion….

Louise Dimitrakis