Bahaa Trabelsi:  » Je suis mon propre tuteur ».

Invitée à une table ronde organisée à Rabat par Mondafrique avec pour thème :" La France est-elle toujours un modèle pour le Maroc ?," La journaliste-écrivaine Bahaa Trabelsi a apporté son témoignage de femme de lettres ayant choisi le Français comme langue d’expression littéraire…Un témoignage lucide…

Je ne dénigrerai pas l’apport culturel de la France qui fait partie de mon univers, de mon imaginaire au même titre que mon Maroc arabe, amazigh, hébraïque, divers et heureux dans cette diversité, ou que, mondialisation oblige, les cultures d’ailleurs, africaines, maghrébines, américaines du nord et du sud et asiatiques.

La culture Française est donc une richesse en plus, sans pour autant que la France soit un tuteur. Je suis mon propre tuteur. Marocaine, née dans les brassages et les ouvertures, mon identité est plurielle.

Femme marocaine

Femme marocaine, nous n’avons pas eu besoin de tutelle pour défendre nos droits de l’intérieur. Je citerai quelques-unes qui se sont battues pour les droits des femmes ; Latefa Jbabdi, Aicha Chenna, Nezha Skalli, Fatna Bouih, Fatema Mernissi, et d’autres qui en prenant la parole, y ont laissé leur vie dans les années de plomb, comme Saida Mnebhi.  Ces femmes ne sont pas forcément francophones.

Mon Maroc, je le vis de l’intérieur, mais avec ces énergies plurielles internes et externes. Je me suis baladée dans les coins et recoins de mon pays, fait des reportages sur son patrimoine, rencontré des Marocains de toutes ses régions, et de toutes ses classes sociales, différents, riches de leurs régions, mais unis par cette même identité plurielle et par l’amour de notre pays.

J’ai aussi milité pour des causes, diverses et variées. Si aujourd’hui, je défends les libertés individuelles ou les droits humains, ce n’est pas pour faire la morale, ou donner des leçons d’ouverture via la France. Ce sont des cris de l’intérieur, du fin fonds de mon pays qui se cherche et avance, à sa manière. 

Par rapport à la France, elle m’a appris beaucoup de choses, les lumières, l’esprit critique, la liberté d’expression. Pourquoi parler de modèle ? Le temps du protectorat est loin derrière nous. 
 Le modèle français a eu aussi, dans le passé, ses revers, la corruption, le racisme, et aujourd’hui, un système politique qui, visiblement, à la veille des présidentielles, part en vrille.

A l’heure de la mondialisation, des intérêts financiers, c’est l’argent qui mène le monde. C’est ça le vrai modèle imposé.Le brassage des cultures, l’échange et le partage, sont l’issue. Ne rien dénigrer, capitaliser les savoirs, sans paternalisme hors de propos, et avancer à notre rythme.

« La terre est ma patrie et l’humanité ma famille » Gibran Khalil Gibran 
« Le savoir acquis dans un pays étranger peut être une patrie et l’ignorance peut être un exil vécu dans son propre pays » Averroès.