Malika Sorel, l’icône laïque de François Fillon

Malika Sorel-Sutter est une brillante universitaire algérienne émigrée en France, longtemps figure de proue du Haut Conseil à l’Intégration (HCI). En page d’ouverture de son Blog, cette icône de la laicité met en exergue une phrase de « L’étrange défaite » écrit en 1940 par l’historien Marc Bloch : « La France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux ». Dans son viseur, se trouve le dossier de la refondation de la politique d’intégration qu’elle suit  « en mode alerte » comme elle le confie dans son dernier ouvrage.

Or Malika Sorel est devenue, ces dernières semaines, un des soutiens que le candidat Fillon a choisi de mettre en avant dans sa campagne présidentielle pour reconquérir les voix de la droite radicale. Au point que cette intellectuelle en vue est apparue lors des grands débats de la présidentielle sur les travées où avaient pris place quelques personnalités triées sur le volet qui prrainainaient le candidat des Républicains.

Malika aime la France

Malika aime la France. Personne ne peut plus l’ignorer.  Née dans le sud de l’hexagone, Malika Sorel a suivi à l’âge de 10 ans ses parents en Algérie où elle aurait vécu quinze années d’exil dans le souvenir des senteurs de la Provence. L’Histoire de France la hantait. Rejetant ce qu’elle appelle « les valeurs arabes » elle fait le choix de revenir pour « épouser le destin du peuple français ». Pour Malika Sorel, cette dimension affective, « c’est ce qui fait toute la beauté et le mystère du processus d’intégration ».

Dans la France multiraciale des années 1990, l’anachronisme d’un tel bovarysme républicain ne pouvait déboucher que sur  « un grand espoir déçu ». Qu’à cela ne tienne ! Malika Sorel est de ces femmes qui savent s’engager pour retrouver leurs illusions. Depuis une vingtaine d’années, elle a ainsi mis sa colère et sa plume au service du grand malade qu’est devenu notre modèle universel d’intégration. Et de « Riposte laïque » aux « Répliques » de Finkielkraut, en passant par les pages du « Figaro », elle s’impose comme une égérie- les mauvaises langues diront une « caution indigène »- de la composante néo-réac du Tout-Paris médiatique vent debout contre la « bien pensance ». Sur la toile, les sites d’extrême-droite citent régulièrement son blog et le portail du « bloc identitaire » fait même son panégyrique « Malika ? Elle tiraille mieux que la légion ».

Proposer le droit de vote des immigrés ? « Irresponsable ! » juge-t-elle : il vaudrait mieux « couper les subventions à toutes les associations qui ont largement participé à nourrir haine et ressentiment envers la France et les Français. » Car la violence des banlieues ne serait que la conséquence d’un laxisme de gauche qui aurait laissé s’installer dans l’hexagone de véritables colonies étrangères à défaut de maîtriser les flux migratoires. Malika Sorel-Sutter accommode même à son goût très relevé le relativisme culturel de Lévi-Strauss pour dénoncer l’aveuglement des élites face au regard très négatif que les héritiers des anciens colonisés portent sur la culture française. Mais c’est la peur qui expliquerait que les dirigeants politiques « justifient, cautionnent et pardonnent tout » explique notre guerrière amazone sur le site du « boulevard Voltaire » « Le problème, ajoute-t-elle, c’est qu’une telle posture est perçue comme une « approche de minette », donc méprisée. On sait en effet le sort fait aux valeurs identifiées comme féminines dans les cultures du Sud de la Méditerranée. » Et pour ceux qui douteraient encore de la menace qui pèse sur « la République des impuissants », Malika Sorel rappelle qu’elle a vécu « là-bas » !

Le 12 décembre 2013, soit deux ans avant ce livre, « le Figaro » barre sa une d’un titre accrocheur sur « le rapport choc » qui veut « autoriser le voile à l’école ».  Le quotidien de droite ouvre ases pages  par un entretien avec Malika Sorel Sutter dénonçant «  une véritable police de la pensée. » Le scoop était très discutable : les cinq rapports commandés par le Premier ministre d’alors, Jean Marc Ayrault, et stigmatisés par le Figaro dormaient dans les limbes du site internet de Matignon, parfaitement accessibles, depuis un mois ! Mais cette intégriste de la laïcité a déniché dans les 276 pages de préconisations l’objet de sa vindicte : deux lignes évoquant « la possible suppression des dispositions légales et réglementaires scolaires discriminatoires concernant le voile. »

Le voile coupable, forcément coupable

La patience de Malika Sorel-Sutter a payé. Elle tient enfin sa preuve d’un complot anti Français ! Pour elle en effet, l’affaire est encore plus grave que ne l’imaginent les ultras de la laïcité. Ce n’est pas uniquement un ballon d’essai de la gauche pour préparer un assouplissement de la loi du 15 mars 2004 interdisant le port du voile et plus largement des signes religieux à l’école. Non, ce serait un logiciel de reconfiguration de l’identité française qui serait activé : « C’est la première fois que l’idéologie à l’œuvre, déclare-t-elle au Figaro, est couchée sur le papier sans fioritures ni langue de bois. » Une intention politique de fond émanant de ce pauvre Jean Marc Ayraut fabriquerait le racisme anti Français. « La rupture avec l’héritage du peuple français est pleinement assumée, poursuit-elle. Rien n’est laissé au hasard, comme en témoignent les recommandations qui détaillent les modalités de la rééducation des masses. Il faut traquer les Français de souche culturelle européenne et leur propension à discriminer l’autre, en mettant sur pied de nouvelles institutions, ainsi qu’une multitude de mesures dignes d’une véritable police de la pensée.  À aucun moment on ne trouve l’expression d’une quelconque reconnaissance de dette pour tout ce que la France a pu donner aux étrangers extraeuropéens et à leurs enfants. »

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)