Le maréchal Al-Sissi, notre ami égyptien

Reçu trois jours en visite officielle en France avec tous les honneurs dus à son rang d’ami de la France, le président égyptien Sissi n’a pourtant guère été vu dans les médias français, comme l’a relevé l’ excellente émission de Yann Barthès sur TMC, « Quotidien ».

Paris vient de dire au revoir à Al Sissi, notre « ami » égyptien, comme le présente le président de la République, Emmanuel Macron. Lequel a reçu pendant trois jours le dictateur égyptien en grande pompe : un dîner d’Etat, une remise de la Grand Croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction possible qui n’est pas attribuée automatiquement aux chefs d’Etat étranger en visite à Paris et enfin la cérémonie militaire aux Invalides.

« Allez vous conditionner les ventes d’armes françaises à des garanties égyptiennes en faveur des doits de l’homme? », a-t-on demandé au Président français. « Je ne conditionnerai pas notre coopération avec l’Egypte, a répondu Emmanuel Macron, à des possibles désaccords Je crois à la souveraineté des peuples. Je crois plus à un dialogue exigeant qu’à un boycott qui favoriserait terrorisme et mettrait à mal la stabilité régionale ». « Un dialogue exigeant », mais sur tapis rouge!

Revirements diplomatiques français

Le ton du président français a nettement changé depuis sa visite en Egypte en 2019, lorsqu’il s’était montré insistant sur le terrain des droits de l’homme et avait rencontré des représentants de la société civile. « J’ai pu remettre au président Sissi une liste sur les sujets qui me semblent importants ». Sissi avait rétorqué en reprochant à la France de réprimer les gilets jaunes. Les échanges avaient été vifs, au grand désespoir du ministre des Affaires Etrangères, Jean Yves le Drian.

Depuis, rien d’a changé en termes de libertés publiques en Egypte. Sauf que la France de Macron est désormais s’est alignée sur la ligne diplomatique « réaliste » de Jean Yves Le Drian, qui soigne ses liens avec les Egyptiens comme avec les Emiratis et les Saoudiens. Des intérêts sonnants et trébuchants se cachent derrière le fameux « partenariat stratégique » avec ces pays gros acheteurs d’armements.

C’est d’ailleurs dans « le Figaro », propriété du groupe Dassault vendeur des Rafales, que le maréchal Sissi donne un entretien avant sa visite d’Etat. « L’Egypte et la France luttent sur plusieurs fronts ensemble », titre le quotidien. Encore que les Rafale ne sont pas d’une grande utilité contre les maquis djihadistes!

A l’abri des caméras

La surprise, la voici: la réception du dictateur égyptien s’est faite à l’abri des caméras françaises. Peu ou pas d’images dans les grand médias, comme l’a démontré sur TMC l’émission « Quotidien ». Cachez moi ce dictateur qui, demain, pourrait faire tache, si son régime était renversé et que les images de l’idylle franco-égyptienne étaient exploitées! Le précédent des Moubarak, Ben Ali et Assad a laissé quelques traces.

Dans la patrie des droits de l’homme, le gouvernement ne peut pas trop afficher sa proximité avec une dictature. La seule parade est de justifier la coopération avec « notre ami Sissi » au nom d’une hypothétique lutte contre le terrorisme dont on voit mal les contours. En Egypte en effet, il n’existe pas véritablement de groupe terroriste. Les Frères Musulmans, envoyés en prison par milliers depuis le coup d’Etat de Sissi en 2013, s’étaient montrés après le printemps arabe, une force parfaitement légaliste. La réalité est que le moindre opposant, fut-il laïc, fait figure en Egypte de terroriste!

L’Elysée pardonne tout à l’ami Sissi. Lors de sa dernière visite, le président égyptien a tenu à affirmer, en présence de Macron, son opposition aux caricatures, sans que cela gène le moins du monde son hôte français. Le président turc Erdogan n’a pas eu droit à une telle indulgence. L’Egypte fait toujours figure à Paris rempart contre le terrorisme, tout comme son allié, le maréchal libyen Haftar, que Jean Yves Le Drian n’a cessé d’aider en sous main,

Trump avait déclaré que Sissi était son « dictateur favori ». Emmanuel Macron et Jean Yves le Drian pourraient le proclamer aussi!

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)