Le franc CFA sur le banc des accusés

De l’Afrique au vieux continent, la nécessité d’une réforme monétaire dans la zone CFA s’est invité au débat. A coup de déclarations incendiaires. Une chronique de l’économiste Ezzeddine Ben Hamida

Le terme d’« espace vital » a été mobilisé par l’Allemagne, dès la fin du 19ème siècle pour justifier une forme d’impérialisme face aux modèles britannique et français. Le concept de «Lebensraum» est donc antérieur à Adolf Hitler (1889-1945), qui en a tiré les conclusions politiques et militaires extrêmes. Les critiques des allemands et des italiens contre le franc CFA procèdent d’une volonté de ces pays sécuriser leur « espace vital » en Afrique face aux prétentions françaises.

La droite italienne vent debout

Après Luigi Di Maio, le très remuant ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, accuse la France d’empêcher le développement en Afrique. En effet, le mardi 22 janvier au matin, lors de l’émission télévisée « Mattino 5 », M. Salvini a été explicite. « Le problème des migrants a beaucoup de causes : par exemple, ceux qui ne vont pas en Afrique pour créer du développement, mais plutôt pour soustraire de la richesse au peuple africain. La France est parmi eux, l’Italie, non.« 

En fait, l’affaire est née le dimanche 20 janvier quand Luigi Di Maio a accusé, lors d’une émission radiophonique,  ouvertement la France d’appauvrir l’Afrique et, par conséquent, d’aggraver la crise migratoire : « A partir d’aujourd’hui, ceux qui veulent débarquer en Italie, on va les emmener à Marseille. Je vais demander des sanctions contre les pays qui colonisent l’Afrique. La France imprime le franc dans les colonies pour financer une partie de sa dette : pour laisser les Africains en Afrique, il suffirait que les Français restent chez eux« , a-il-lâché.

Un autre membre influent du Mouvement des 5 étoiles, Alessandro Di Battista, est allé encore plus loin en indiquant qu’«actuellement, la France, dans les environs de Lyon, imprime une monnaie utilisée par 14 pays africains, presque tous dans la zone subsaharienne qui, au lieu de leur garantir un développement, sont plombés dans une dépendance très dangereuse à court terme».

Le gateau libyen en ligne de mire

«Mais, surtout, la France, à travers le contrôle géopolitique de cette région où vivent plus de 200 millions de personnes qui utilisent cette monnaie, gère de fait la souveraineté de ces pays et empêche toute véritable politique de développement alternatif et durable», a-t-il ajouté, estimant que «tant que cette monnaie continuera à dicter l’avenir de millions d’Africains, nous verrons ces milliers de jeunes, fuyant misère et faim, tenter de gagner nos côtes dans l’espoir d’une vie meilleure».

Les responsables politiques de la péninsule considèrent qu’ils ont besoin eux aussi de leur d’espace vital. Avec en filigrane, le partage du gâteau libyen qui attise les convoitises !  

L’Allemagne s’invite dans le débat

Le site ivoirien, ivoirebusiness.net, ainsi que Médiapart citent un journal économique allemand qui accuse en effet la France de piller chaque année la bagatelle 440 milliards d’euros aux africains à travers le Franc CFA. « Cet esclavage économique est important pour l’essor de l’économie française. À chaque fois que ce trafic est susceptible de faillir, la France est prête à tout pour le reconquérir. », précise le site ivoirien, avant d’ajouter d’une manière très explicite : « Si un dirigeant de la zone CFA ne répond plus aux exigences de la France, Paris bloque ses réserves de devises et plus encore, la France ferme les banques dans ce pays jugé de «rebelle». Ce fut le cas de la Côte d’Ivoire avec Laurent Gbagbo. »

L’occasion est trop belle pour l »Allemagne qui réactive ses thèmes favoris :

  •  Le transfert à l’Union Européenne le statut de la France en tant que membre permanent au sein du Conseil de sécurité  des Nations Unies ; un statut lui procurant le droit de veto pour bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l’opinion majoritaire du Conseil.
  • La fin au pacte immoral du franc CFA qui empêche 14 pays africains d’avoir leur indépendance de politique monétaire tout en assurant annuellement à la France, sans raison, une manne financière estimée à plus de 400 milliards d’euros. 

Le Général De Gaulle disait, « Le nationalisme consiste à affirmer sa propre nation au détriment des autres». Et pourtant, ceci ne l’a pas empêché d’imposer, comme condition pour l’indépendance, à plus de 14 pays africains le franc CFA.    

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1 COMMENTAIRE

  1. L’argutie politicarde franco-italienne est désarmante.

    On peut volontiers admettre que le Franc CFA a beaucoup été surévalué volontairement par les autorités française pour favoriser les importations en Afrique de produits des pays industrialisés. Il est vrai que le Franc CFA, tel qu’il est gouverné actuellement, pénalise lourdement le développement local.
    Il est vrai que le nom historique a des relents de colonialisme irritants, mais ce qu’il faut combattre n’est pas la chance qu’ont les pays africains d’avoir une monnaie commune. C’est la façon dont cette monnaie est « gouvernée » par l’ancienne puissance coloniale. C’est cette gouvernance malhonnête qui a mis les pays d’Afrique francophone dans le pétrin.
    « Pour l’économiste togolais Kako Nubukpo, la parité fixe avec l’euro est une entrave au développement des quatorze pays africains de la zone franc. » M. Nubukpo, qui a fait son fond de commerce sur le thème du Franc CFA, a raison.

    Mais le monde a changé. Que se passera-t-il quand les pays africains devront commercer avec l’extérieur en US Dollars : le pire !

    L’Iran, la Russie, la Chine, les BRICS et … la France ne parviennent à se dégager de l’étau qu’est cette maudite monnaie qui se veut mondiale.

    Que pourra faire la CEMAC ou l’UEMOA face aux $$$ ?
    L’Afrique deviendra une colonie des Etats-Unis et subira de plein fouet l’extra-territorialité des lois Yankee.

    Alors Good luck pour les pays africains s’ils n’entendent pas raison.

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