Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Secrétaire général adjoint des Nations unies se souvient de ce jour béni où la Mauritanie accédait à l’indépendance, voici cinquante huit ans. Souvenirs….
A Nouakchott en construction, ce lundi 28 novembre était une très belle journée, sans vent de sable…. Exceptionnelle aussi car agrémentée des plus beaux noms de la société Mauritanienne de l’époque, du défilé des troupes nationales à chameaux et de la présence de nombreux invités étrangers dont la présence exprimait le soutien international à la souveraineté du jeune état naissant.
Avec trois amis du lycée van Vollenvohen (aujourd’hui Lamine Gueye) de Dakar, où nous préparons le baccalauréat, je suis à Nouakchott pour servir de guide à l’un de ces invités officiels venus de l’extérieur.
Ferveur, enthousiasme et solennité marquaient cette première célébration de notre indépendance. Dans cette atmosphère de joie, sobre comme l’exige l’éthique de l’époque qui privilégie la modestie, régnait la certitude de réussir rapidement et l’indépendance politique et le développement économique. Une conviction intime bien partagée rendait notre enthousiasme contagieux. Les officiels – ministres, députés, administrateurs – se sentaient responsables du présent et de la préparation de l’avenir du pays.
Le président Moktar Ould Daddah symbolisait cette intime conviction. Il portait en lui une modestie qui à l’époque, et encore aujourd’hui dans certains milieux, était synonyme de probité et de rigueur. Du reste, ses premiers successeurs pétris dans ce solide moule de rigueur, les colonels Moustapha Ould Mohamed Saleck, Ahmed Ould Bousseif et Khouna Ould Haidallah étaient, comme lui, simples par éducation sociale, et sur le plan matériel, d’une grande probité.
Naturellement, peu de choses restent immuables. Les vicissitudes de l’histoire faisant évoluer la vie des nations et des hommes, la Mauritanie ne fait pas exception. Les valeurs et codes sociaux bougent comme les ambitions des dirigeants pour leurs pays. Mais le socle historique est éternel.
Aujourd’hui, en 2018, les priorités nationales se trouvent bouleversées. Devenues de simples raccourcis pour ceux qui se servent avec aplomb dans le domaine public. Bâtir et consolider une économie nationale, ambition des années de l’indépendance, ne tient plus face aux appétits insatiables de certains des dirigeants quand bien même les mauritaniens disent que ‘’discrétion et avidité ne peuvent s’associer’’.
Apprécier et valoriser le passé n’est pas nécessairement une remise en cause du présent et encore moins du futur. Nous devons tous nous rappeler qu’il n’existe pas de fatalité dans la vie des hommes ou des états. Et nous rappeler aussi que les codes éthiques sont des exigences des sociétés parce qu’elles constituent une part essentielle de leur patrimoine immatériel. Comme tels, ils doivent être défendus par tous et en particulier par les dirigeants.
Au-delà des errements, mais grâce aux progrès réalisés et à la résilience de mes compatriotes, je n’ai pas de doute que ce pays se retrouvera. Réconcilié avec lui-même et fort du retour aux valeurs éthiques, celles qui abhorrent l’exclusion raciale et sociale, l’arrogance et son corollaire, la corruption.
C’est bien pour cela que ce lundi 28 novembre 1960 est encore présent dans mon esprit.