L’actualité algérienne revue et corrigée par le journal « le Monde »

Notre chroniqueur et ami, Sadek Sellam, revient sur le traitement de l’Algérie par le quotidien français de référence, une couverture qui lui semble émaillée d’erreurs et d’approximations

Dans l’article « les 1001vies de Boutéflika », paru dans le Monde du 2 avril, les trois rédacteurs nous apprennent que Boutéflika aurait été « inspecteur » de la wilaya 5, avant d’ouvrir le « front du Mali ».

Parce qu’elle avait son PC au Maroc, la wilaya 5 avait voulu calmer les protestations des chefs du maquis en nommant un inspecteur qui avait le grade de commandant. Les deux officiers qui occupèrent ce poste sont connus. Il s’agit de Zakaria, dit Medjdoub, qui a été tué le 10 février 1960 près de Frenda, et de Tarek qui trouve la mort également lui aussi le 15 août 1961 près de Boukadir. Il n’existera pas d’autres « inspecteurs » dans la wilaya 5.

Des erreurs à répétition

Abdelaziz Boutéflika, alias Si Abdelkader, avait été nommé contrôleur à sa sortie de l’Ecole des cadres d’Oujda  fin 1957. Ces fonctions étaient généralement confiées à des sous-officiers, du type sergents ou adjudants. Dans les brochures de la Présidence algérienne, distribuées dans les salles de rédaction, notamment pour les besoins du deuxième mandat de Boutéflika en 2004, il existait la confusion, sans doute volontaire, entre « inspecteur » et « contrôleur ». Il est étonnant de voir trois rédacteurs du Monde continuer à entretenir cette fâcheuse confusion, malgré les mises au point des lecteurs, qui n’ont jamais été publiées, en raison de la fameuse « abondance des matières ». 

Par ailleurs, ce que les trois rédacteurs nomment le « front du Mali » est une appellation pompeuse d’une opération d’acheminement de stocks d’armes offerts par la nouvelle République malienne à l’ALN algérienne. L’état-major de Boumediene dépêcha un officier qui n’était que lieutenant en décembre 1961. C’était Si Abdelkader, alias Boutéflika, qui acquit à cette occasion une meilleure visibilité quand il fut surnommé « Si Abdelkader Mali ». Les convois qui transportèrent ces armements traversèrent surtout les territoires malien et marocain et une partie du sud-ouest algérien L’armement destiné à l.ALN fut stocké au Maroc. Les wilayas de l’Intérieur qui se plaignaient de pénurie et d’abandon par l’armée des frontières n’en ont pas bénéficié. 

Un front du Mali bien clairsemé

Cet armement offert par le Mali servira à l’armée des frontières à combattre les wilayas de l’Intérieur qui s’opposeront à sa tentative de prise de pouvoir par la force durant l’été 1962. Si Abdelkader avait été promu capitaine peu de temps avant le cessez-le-feu du 19  mars 1962.

Après la marche sur Alger des 2 et 9 septembre 1962, c’est avec le grade de commandant qu’il quittera l’ANP, cette Armée Nationale Populaire qui succède à l’armée des frontières et oblige les wilayas à la rejoindre.

L’opération purement logistique confiée au lieutenant Abdelkader ne saurait être appelée « front du Mali ». Seule une pratique de l’information sous contrôle des attachés de presse, permet de paraphraser la brochure envoyée par les communicants de la Présidence algérienne.

Pour expliquer cette complaisance qui a la vie dure, il faut remonter à la première visite de Boutéflika à Paris en 2001. Le nouveau président s’était plaint d’être rentré à Alger les « mains vides », suite au mauvais accueil de Lionel Jospin, alors Premier ministre, soupçonné de privilégier les relations avec le Maroc, où ses camarades socialistes de l’USFP étaient au pouvoir.

Une presse complaisante

Mais le bilan de la visite de Boutéflika était nettement meilleure sur le plan médiatique. Car le magazine « Passages » avait organisé pour Boutéflika un déjeuner-débat avec les journalistes. L’ex « candidat du consensus » qu’avait voulu être Bouteflika en 1999 reçut alors les directeurs des principaux journaux qui se plaignaient des difficultés de reportage en Algérie. Boutéflika promit des accréditations en posant quelques conditions. Le directeur de Libération trouva la méthode inadmissibles.

Mais le directeur du Monde les accepta sur-le-champ. Cela permit à une envoyée spéciale du journal du soir d’aller régulièrement en Algérie où elle était supposée faire des « enquêtes de terrain ». En fait, elle passait le plus clair de son temps dans les « zones vertes » des hauteurs d’Alger où vit la nomenklatura.

En fin de séjour, cette journaliste par le général-major Larbi Belkheir, alors tout puissant directeur de cabinet du président. En raison de ses traitements de faveur, qui rendaient jaloux les rédacteurs des autres grands journaux parisiens, les « algérologues » successifs du Monde prenaient pour argent comptant les contenus de la brochure distribuée aux médias invités à vanter les mérites d’un nouveau mandat pour Boutéflika.

Lorsqu’est nommé à la tète du Monde un journaliste des « Echos » présent au déjeuner de 2001, le journal du soir poussa la complaisance jusqu’à publier un supplément entièrement inspiré par le Palais El Mouradia, siège de la Présidence. Un bilan louangeur des deux premiers mandats de Boutéflika était dressé, un nouveau quinquennat ss’imposait. Le journalisme de communication triomphait au Monde au grand dam des très respectables rédacteurs restés attachés à l’éthique du fondateur, Hubert Beuve-Méry. Lui qui recommandait d’accepter les « dîners en ville », à condition, le cas échéant, de « cracher dans la soupe ».

Boutéflika a été lâché par ses prétendus partisans, comme les chefs néo-maraboutiques (grassement enrichis à chacune de leurs prières pour la réélection de leur bienfaiteur), et tous les béni-oui-oui du FLN et du RND. Ces défections de ces « partisans » ont montré que Boutéflika avait surtout des courtisans.

Le dernier carré des boutéflikistes convaincus se réduit à quelques rédacteurs du Monde fidèles à la mémoire du général Larbi Belkheir et des suppléments payés par le contribuable algérien.

La désinformation continue au Monde sous la plume d’un certain Amir Akef qui, dans son indigente nécrologie d’Abassi Madani fait de Malek Bennabi, grande figure de l’Islam algérien, le fondateur de l’association Al Qyiam. L’historique de cette association apolitique a été publié dans le quotidien « Echourouk », dans une contribution du regretté Zouheir Ihaddaden. Ce membre fondateur d’Al Qyiam révèle qu’avec son ami, Hachemi Tidjani, ils décidèrent, fin 1962, de créer cette association pour instruire la jeunesse en dehors des cadres scolaires et universitaires. A cette date, Malek Bennabi était encore au Caire qu’il n’a quitté pour Alger qu’en septembre 1963, soit près d’un an après la déclaration d’Al Qyiam à la préfecture.

Cette association s’est trouvée mêlée à la politique malgré elle, à cause de la présence à son premier meeting du secrétaire général du FLN, Mohammed Khider, numéro 1 bis du pouvoir algérien. A l’époque le président Ben Bella reprocha durement à Khider cette présence, au motif que « le parti (unique) n’est plus, lui, en mesure d’attirer autant de monde… ». Ainsi les alliances devenues rapidement conflictuelles entre les différentes factions du pouvoir algérien condamnent une association apolitique à se mêler de politique politicienne.

De ces dérives, Malek Bennabi n’était pour rien.

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