Quant Bouamatou récompensait Denis Mukwege 

Inculpé de corruption par le pouvoir mauritanien qui cherche à l’abattre par tous les moyens, l’opposant et homme d’affaires Mohamed Bouamatou, , est surtout un citoyen du monde dont la Fondation pour « l’égalité  des chances en Afrique » récompensait en 2016 Denis Mukwege qui vient d’être choisi comme Prix Nobel de la paix  

Le 18 janvier 2016, une foule nombreuse et fervente se pressait au parlement européen à Bruxelles pour assister au lancement de la « Fondation pour l’égalité des chances en Afrique » qui a été créée, cet été, par l’ancien patron des patrons mauritanien, Mohamed Bouamatou. Deux figures connues à Bruxelles et à Paris pour leur engagement humanitaire constant, l’avocat belge Georges-Henri Beauthier et l’avocat français William Bourdon, participent à cette aventure dont un des mérites est d’avoir été imaginée par un Africain pour les Africains.

« L’homme qui répare les femmes »

Dans  cette assemblée réunie ce jour là dans l’enceinte du parlement européen, on croisait des humanitaires, des militants, des fonctionnaires, des responsables associatifs, et aussi de simples citoyens, noirs, blancs, jeunes ou plus âgés. Tous ont applaudi le Président de la nouvelle Fondation quand il a appelé, avec passion, à « une Afrique plus solidaire ».

A la tribune et aux cotés de Mohamed Bouamatou, se trouvaient le belge Louis Michel, ancien ministre des Affaires Etrangères et longtemps commissaire européen « au développement et à l’aide humanitaire » et le médecin congolais Denis Mukwege, fondateur de l’Hôpital de Panzi qui soigne des femmes victimes de viols. « L’homme qui répare les femmes », comme le docteur Mukwege a pu être parfois présenté dans ses interventions courageuses pour dénoncer « ces batailles qui passent par le corps des femmes »,  est le premier à recevoir un prix de la « Fondation pour l’égalité » (lire l’intervention qu’il devait faire ce jour là dans la rubrique « Libre Opinion »)

Le pouvoir, raccourci vers l’enrichissement

« J’ai fait ce rêve d’une Afrique où le pouvoir ne soit pas un raccourci vers l’enrichissement, où l’accès à l’école, à la santé et à la justice soit garanti, où les élections soient transparentes et où la corruption soit bannie », déclarait d’emblée Mohamed Bouamatou pour présenter sa Fondation. Le député européen et Ministre d’Etat, Louis Michel, insistait lui aussi sur la nécessité « de dénoncer l’inacceptable » et « de briser l’omerta »:  » La valeur de l’homme, a-t-il expliqué, tient à sa capacité à donner ».

« La Fondation pour l’égalité des Chances en Afrique » n’est pas la première initiative humanitaire de Mohamed Bouamatou qui avait créé dans son pays, la Mauritanie, un hôpital ophtalmologique, le plus grand d’Afrique, entièrement financé sur ses deniers. Mes objectifs, a-t-il rappelé, ont toujours été « le développement de la démocratie et la lutte contre la pauvreté sur le continent africain ».

Un pavé dans la mare

Décrite par la presse mauritanienne comme « un pavé dans la mare », cette Fondation pourrait très vite récompenser des associations de la société civile mauritanienne comme « SOS Esclaves », qui se bat contre tous les stigmates de l’esclavage.

Autant d’initiatives qui ne doivent guère réjouir le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui avait contraint, voici quatre ans, l’opiniatre homme d’affaires, Mohamed Boumatou, à s’exiler au Maroc.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)