Vendredi soir, Florence Parly a rendu, émue et martiale, les derniers hommages au sergent Yvonne Huynh, 33 ans, et au brigadier Loïc Risser, 24 ans, du 2e régiment de hussards, tués par un engin explosif improvisé au Mali le 2 janvier.
Son émotion n’était pas feinte. Droite comme un I, si seule au milieu de l’esplanade de Haguenau au crépuscule glacé, parmi leurs camarades rassemblés, elle a dressé un beau portrait, humain et élogieux, des deux jeunes soldats français. Les 54e et 55e à mourir dans le bourbier malien. « Certaines vies brillent par la clarté de leur évidence, par la passion qui les anime, par la sincérité de leur âme. Vous étiez de celles-ci. »
Mais malgré son émotion, la ministre des Armées ne semble pas effleurée par le doute sur la pertinence et l’efficacité de l’engagement de la France au Mali. Dimanche, sur France Inter, elle est venue défendre le bilan de l’opération Barkhane, de plus en plus contestée par les Français, reprenant les habituels éléments de langage sur le sujet.
«Nous sommes dans un combat contre le terrorisme. (…) Au Mali, c’est un combat qui est mené par des groupes armés terroristes qui cherchent à asservir des populations locales en leur imposant des règles, la charia, en les soumettant à la terreur. Imaginez que plusieurs centaines de personnes, 600 personnes en 2020 au Burkina Faso, des femmes, des enfants, ont perdu la vie. Au Mali, l’ONU dit que la moitié des victimes de ces engins explosifs improvisés sont des victimes civiles. C’est d’abord une lutte dont les populations locales sont les premières victimes », a-t-elle déclaré.
Notons, tout de même, que si les populations civiles, sont, évidemment, les premières victimes de la guerre, les premiers auteurs d’exactions, selon la Commission droits de l’Homme de la MINUSMA, sont les groupes d’autodéfense et les milices, devant les armées nationales et les groupes armés terroristes.
L’autre raison de faire la guerre à ces groupes, a poursuivi la ministre, c’est qu’ils sont affiliés à nos ennemis : « les grandes organisations terroristes internationales Al Qaida et DAESH qui ont frappé la France et l’Europe et continuent d’avoir pour agenda, pour objectif de nous frapper, nous la France, nous les Européens. »
Elle s’est attachée à démontrer que la France n’est plus isolée dans la région, comme elle l’était il y a huit ans, au déclenchement de l’opération Serval. « Nous sommes accompagnés par de très nombreux partenaires internationaux, non seulement par la mission internationale de l’ONU mais aussi des Européens. (…) Nous avons eu des moyens d’hélicoptères lourds fournis par le Royaume Uni et le Danemark ; nous bénéficions d’un appui considérable de la part des Etats-Unis pour ce qui concerne le renseignement, le ravitaillement, le transport sur le théâtre. Il en va de même pour l’Espagne ; il en va de même pour l’Allemagne ».
« Ceux qui alimentent le sentiment antifrançais font le jeu des djihadistes«
Elle a aussi défendu la création d’une force spéciale européenne, Takuba, « qui a pour mission de combattre avec l’armée malienne ». Elle a fait part de six opérations récentes du groupement franco-estonien. « En ce moment même, se déploient des Tchèques, des Suédois. 150 suédois, ce n’est pas rien ! Et nous allons être renforcés encore. Aujourd’hui, neuf pays se manifestent pour être à nos côtés. Non, la France n’est pas seule. »
Elle a été moins convaincante sur le sentiment anti-français au Sahel, qui ne semble pas être un sujet débattu en haut lieu, affirmant sans nuance que « tous ceux qui alimentent le sentiment antifrançais font le jeu des djihadistes. »
« Nous n’avons pas vocation à être éternels au Mali », a-t-elle cependant poursuivi. L’objectif est donc, a-t-elle rappelé, que les forces armées du Sahel et la force conjointe G5 puissent se substituer à l’armée française, ce qu’il est convenu d’appeler désormais la « sahélisation ». Les succès tactiques remportés par la France à travers la mort de plusieurs chefs des groupes djihadistes désorganisent les groupes, a-t-elle insisté.
Elle s’est montrée extrêmement optimiste sur le retour de l’Etat sur un territoire gagné par la guerre et les conflits communautaires, alors même que l’échec majeur des partenaires internationaux après Serval se situe justement à ce niveau, malgré les millions de dollars versés sur le Mali. Elle s’est exclamée, un peu naïve : « Entre la justice des islamistes et la justice de l’Etat, vous conviendrez que ce n’est pas pareil! » Comme si ce n’était pas, précisément, l’échec de la justice qui avait permis à l’ordre djihadiste de s’imposer dans certaines régions.
« Nous ne négocierons pas avec des groupes armés terroristes qui ont pour objectif de semer le chaos et la terreur », a-t-elle dit asséné, intransigeante. Puis, poussée dans ses retranchements, elle a ajouté : « Les pays africains ont leurs propres objectifs ; ils sont souverains et nous avons un dialogue nourri sur ce sujet et sur d’autres avec eux. » Bamako a annoncé depuis plusieurs mois son intention de négocier avec les chefs djihadistes maliens.