« Défaite » « Claque » « Cauchemar », la presse étrangère a durement commenté le résultat de la majorité présidentielle aux législatives. Alors que la France est déjà dans une position difficile en Afrique, ces élections auront aussi des conséquences sur le Continent.
Tous les médias étrangers présentent Emmanuel Macron comme la principale victime de cette élection. Il en ressort très affaibli ce qui est un comble pour un homme qui a théorisé la présidence jupitérienne. – Au passage, il est utile de relever qu’une nouvelle fois les sondeurs se sont lourdement trompés. Ces erreurs ont une incidence directe sur la politique extérieure de la France car elles participent à un effet de surprise qui contribue à affaiblir un peu plus le camp présidentiel, personne n’ayant imaginé ce scénario catastrophe.
Emmanuel Macron moins arrogant
Nul doute que cette « claque » n’a pas échappé aux chefs d’Etat d’Afrique francophone qui suivent et connaissent parfaitement la politique française. Les plus vieux d’entre eux sont même souvent plus spécialistes, plus avisés, que certains « politologues » qui commentent dans les colonnes de la presse hexagonale. Tous ont scruté les résultats, certains comme Assimi Goïta ou Sassou Nguesso pour s’en réjouir, d’autres comme Alassane Ouattara ou Mohamed Bazoum pour s’en inquiéter.
Tout au long du dernier quinquennat, Emmanuel Macron a concentré sur sa seule personne toute la politique africaine. Il décidait en maître absolu, comme il l’a fait lorsqu’il a choisi de mettre un terme à l’opération Barkhane. A l’époque, ni son Chef d’Etat-major de l’époque ni ses partenaires africains n’avaient été consultés. Cet exemple n’en est qu’un parmi des dizaines d’autres : le choix de la rwandaise anglophone à la tête de la francophonie, le soutien au 3ème mandat de Ouattara etc.
De plus, le président français a toujours fait preuve d’autorité avec ses pairs africains. Qu’on se souvienne de la tristement célèbre convocation de Pau en décembre 2019. Il avait d’un ton comminatoire convoqué les chefs d’Etat du G5 Sahel à se rendre dans la ville de François Bayrou pour leur demander de clarifier leurs positions sur la participation de l’armée française dans la guerre contre le terrorisme. Une telle attitude ne serait plus possible aujourd’hui. Après la gifle électorale qui vient de lui être assénée, il apparaît aux yeux de ses homologues comme un président affaibli qui n’est plus en position de dicter ses conditions.
Des opposants africains mieux entendus
Lors de la précédente mandature, avec une large majorité du parti présidentiel, l’Assemblée « playmobil » comme elle a été surnommée, et une opposition réduite à la portion congrue, il a eu toute latitude pour agir à sa guise. Aujourd’hui avec deux forts groupes d’opposition, 131 pour la NUPES et 89 pour le Rassemblement national, la donne change. De par leur nombre, ils auront la possibilité d’être beaucoup plus combatifs, poser plus de questions d’actualité, demander des commissions d’enquête, déposer des motions de censure. Emmanuel Macron ne pourra plus mener une guerre pendant cinq ans, comme il l’a fait dans le Sahel, sans être interpellé par le parlement.
Jusqu’à présent, compte tenu de la faiblesse de l’opposition française, les opposants africains ne trouvaient pas de relais en France pour les soutenir. Cette période est révolue. Selon un opposant ivoirien : « le rééquilibrage qu’il y a en France va se ressentir chez nous au niveau des partis d’opposition, nous allons avoir des alliés forts. Nous serons entendus. » Tous les chefs d’Etat qui rêvaient d’un troisième ou d’un énième mandat au cours de cette législature savent qu’à minima ce sera beaucoup plus compliqué pour eux.
Rachel Kéké, star de l’Assemblée…
Ce sera d’autant plus difficile que cette nouvelle assemblée comptera plus de représentants d’origine africaine, à l’instar de la franco-ivoirienne, Rachel Kéké. Cette ancienne femme de ménage, installée en France après le coup d’Etat de 1999, devenue député le 19 juin 2022, va faire l’objet de beaucoup d’attentions de la part de ses compatriotes ivoiriens. Déjà dans la foule qui fêtait sa victoire, on a pu reconnaître une représentante du mouvement Génération capable de Simone Gbagbo. Entre la nouvelle star en boubou de l’Assemblée Nationale et les femmes activistes de la diaspora ivoirienne les liens sont déjà tissés.
En France comme en Afrique la politique des cinq prochaines années risque fort d’être mouvementée.