Si Hollande a toujours été reçu avec faste à Doha, on le doit beaucoup à Laurent Fabius, grand soutien de l’Emirat à Paris
Le passage à Doha, sorte de grand distributeur automatique où l’on se rend en général pour trouver de l’argent, est une des directions les plus prisées par le ministre français des Affaires Etrangères, Laurent Fabius. Fâché avec l’Arabie Saoudite, l’Iran et tous les pays du Golfe, le Qatar à première vue dispose d’un poids diplomatique très faible, hors de l’aimable sphère des islamistes radicaux et Frères musulmans en Tunisie, Libye et Egypte. Mais pour les politiques français, le Qatar reste un pays indispensable, auquel il faut s’associer pour créer le chaos dans le nord de l’Afrique et dans l’ouest du continent, comme au Mali. Doha ne rechigne pas à payer les rançons exigées pour la libération de prisonniers ou d’otages. Et plus si affinités pour les vrais alliés du Qatar, comme ces Rafale que l’Emirat achète à la France, alors que sa sécurité dépend plus du parapluie américain que d’une armée inexistante.
Une carte vitale
Pour la diplomatie de François Hollande devenu président, le Qatar est une carte verte et vitale. A cette tâche de VRP de « Pépère », Laurent Fabius s’accroche. Dans cette toile tissée entre lui-même et le Qatar, Laurent Fabius peut compter sur des amis de son réseau, tout aussi discret qu’efficace. Toujours au point stratégique, on trouve l’avocat Alain Maillot. En 2001 c’est à lui que Laurent Fabius, alors ministre de l’Économie, a confié la défense des intérêts de la France dans l’affaire Executive Life. Où le Crédit Lyonnais, banque nationalisée, s’était embourbé dans le rachat frauduleux d’une compagnie d’assurance étatsunienne.
Maître Maillot, membre de l’équipe de Jean-Luc Lagardère au moment de la construction financière et juridique de EADS, puis conseiller de son fils Arnaud pour le projet de fusion EADS-BAE, est persona grata dans ce Qatar qui, par ailleurs, a placé de l’argent dans les entreprises de Lagardère. Coup de chance, Jean-Michel Darrois, l’ami historique de Laurent Fabius dont il est aussi l’avocat, est surtout un associé du cabinet DVMB, celui de Maillot. Chaque année, lors de l’anniversaire de Fabius fêté chez son ami Darrois, Alain Maillot chante de concert le « happy birthday to you ». Léger accroc médiatique, maitre Maillot est apparu comme un « apporteur d’affaires » de Reyl, la banque genevoise où le ministre Cahuzac avait caché son argent noir. Cet amour partagé des émirs Al-Thani provoque parfois de petites colères ; vite apaisées. Comme celle survenue le 1er août dernier au prétexte que Fabius a trouvé plus urgent d’inaugurer l’hôtel Péninsula, nouveau palace parisien ouvert par le Qatar, plutôt que de recevoir une délégation de chrétiens d’Irak. Sans doute le choix de la laïcité.
Maitre Darrois dans l’ombre
C’est également, et ce n’est pas une mince besogne, le cabinet Darrois qui défend Thomas Fabius, le fils si joueur du ministre des Affaires étrangères. Un travail au large éventail qui consiste autant à expliquer comment ce cher Thomas peut griller un contrôle de police, en plein Paris, ou acheter un appartement de plus de 7, 4 millions. Un bien bel appartement alors que ses revenus officiels sont deux jobs réputés peu lucratifs, celui d’animateur au Club Med et de prof de tennis… Un CV qui n’a pas encore totalement convaincu la justice qui, selon Le Monde, a ouvert une enquête préliminaire pour « faux, escroquerie et blanchiment ». Sous le président Grévy, les gazettes se régalaient en titrant « Ah ! Quel malheur d’avoir un gendre »… Cette fois c’est un fils. Les amis Fabius et Darrois se sont même associés dans le rachat de Piasa, une maison de vente aux enchères en ligne. Ce qui renforce le lien.
Si par malheur Fabius doit d’urgence joindre Nicolas Sarkozy, pas de panique, son ami Darrois est dans les petits papiers de « l’ex » qui a même tenté de le nommer au Conseil Constitutionnel. Et c’est ici, comme le monde est bien fait, que l’on retombe sur nos amis du Qatar. Dans le désarroi de son éviction, Sarkozy aidé de l’ineffable Alain Minc, a alors formé le projet de lancer un « fonds d’investissement » qui, pour partie, serait abondé » par Doha. Or le grand avocat parisien Darrois, a révélé Laurent Mauduit dans Mediapart, figure parmi les créateurs de ce fonds, aux cotés de Sarkozy, Minc et Courbit. Le projet pour l’instant n’a pas vu le jour, mais la présence du meilleur ami de Fabius parmi les instigateurs de ce projet, laisse songeur.
L’argent roi
En affaires, Laurent Fabius est un rapide. Ainsi, il y a une quinzaine d’années, alors qu’il achetait une maison de campagne dans le Gers, les propriétaires américains ont été bluffés par les arguments financiers de l’ancien Premier ministre. Pour rester à la campagne, signalons qu’après une nouvelle transhumance, cette fois du Gers vers l’Ariège, le député Fabius a utilisé sa « réserve parlementaire » pour doter sa commune de vacances, Le Carla-Bayle, d’une subvention de 50 000 euros. Une nouvelle qui a enchanté les électeurs dont il défend les intérêts, ceux de Grand-Quevilly, située à près de mille kilomètres plus au nord… A croire que parfois, tel son fidèle Thévenou qu’il a réchauffé dans son sein, Laurent Fabius manifeste une certaine « phobie de l’administration ».
Sur Mondafrique on pourrait s’attendre à une très fine analyse de la politique étrangère de Fabius. Hélas, en dépit de la mise en œuvre des meilleurs télescopes, nous n’avons rien décelé, les étagères sont vides. Les dossiers de commandes sont à Washington, le Quai n’étant plus qu’une annexe du State Department. Bilan ? Outre le plaisir que prend Laurent à rêver qu’il bombarde et devient émir du Qatar : rien à signaler. Surtout, ne réveillez pas un Fabius qui dort.