Cette guerre est un terrible échec pour Poutine et la Russie. Pourtant, il va bien falloir y mettre un terme. Au moins, pour prévenir une catastrophe humanitaire et arrêter les dégâts des opérations militaires sur le terrain.
Une chronique de Stanislas Houël
Personne n’arrive à déterminer clairement quels sont les buts exactement poursuivis par l’invasion et ce qui justifie les mouvements militaires de l’armée russe sur le terrain.
Les positions déjà conquises par l’armée russe dans le Sud et l’Est de l’Ukraine pourraient permettre à Poutine, à défaut de pouvoir proclamer une victoire totale sur l’Ukraine, de déclarer la fin des combats sous prétexte que les objectifs « initiaux » sont atteints. Cependant, rien n’est sûr tant Poutine doit fulminer de devoir avancer à reculons. Il pourrait s’entêter à vouloir casser pour casser en dépit des pertes qu’il subit en vies comme en matériels.
- La neutralisation de l’Ukraine : le président Zelensky a d’ores et déjà déclaré qu’il était prêt à abandonner tout projet d’intégration à l’OTAN et que le sujet de la neutralité était étudié en profondeur. Cependant, une intégration potentielle à l’Union Européenne est non-négociable pour Zelensky, ce qui semble convenir au Kremlin ;
- La dénazification du pays : à défaut d’un changement de régime à Kiev, Poutine se contentera d’une dissolution symbolique de bataillons dits d’extrême droite de l’armée ukrainienne et d’une interdiction de leur reconstitution sous quelque forme que ce soit. Cette solution doit être acceptable pour Kiev.
- L’indépendance des Républiques de Donesk et Louhansk : elle est difficile à accepter pour les Ukrainiens mais pas impossible. Une solution alternative pourrait être une reconnaissance par la constitution ukrainienne d’un statut de région autonome sur le modèle du Kurdistan irakien. Zelensky s’est déclaré ouvert à la discussion.
- Le statut de la Crimée : la proposition de Zelensky d’un statu quo pour une durée de 15 ans ne règle rien et pourrait se heurter à un refus net du Kremlin, qui demande la reconnaissance officielle de son rattachement à la Fédération de Russie. Là encore, le statut de région autonome pourrait faire sens, même s’il y a peu de chances que Poutine ne cède. Il faudra peut-être que les Ukrainiens se fassent une raison sur la Crimée.
- La démilitarisation du pays : il est totalement utopique de vouloir démilitariser l’Ukraine. Mais il est parfaitement possible d’envisager une zone entièrement démilitarisée intégrant un large territoire allant du Donbass à la Crimée.
Les dommages de guerre
Il faudra ensuite s’attaquer au problème des dommages de guerre. Car il faudra bien reconstruire, réparer, réhabiliter. Hormis les coûts (effroyables) purement militaires pour les deux parties, les dommages causés aux infrastructures civiles se calculent en centaines de milliards d’euros. Or c’est bien l’agresseur qui doit être tenu pour responsable des dommages. Sur cet aspect, l’utilisation des avoirs russes gelés et la levée progressive et partielle des sanctions sont deux leviers que les occidentaux et les Ukrainiens ne manqueront pas d’utiliser. Au-delà des dommages causés directement à l’Ukraine, il faudra inclure les dommages économiques et humanitaires indirects causés « au reste du monde ». C’est là qu’interviendront les Cours de Justice en Europe et aux USA pour passer du gel à la saisie des avoirs.
Enfin, la résolution de la question Ukrainienne ne signifiera pas, pour autant, la fin des hostilités. Loin de là ! Le soutien quasi inconditionnel de l’Union Européenne et de l’OTAN à l’Ukraine restera longtemps en travers de la gorge de Poutine qui voudra le leur faire payer : cyber-attaques, perturbations politiques dans leurs zones d’influence (en Afrique en particulier) et sabotages, de nouveaux théâtres de guerres par procuration, enlèvements et assassinats, etc. Poutine mettra en œuvre tous les leviers asymétriques qu’il utilise déjà depuis des années, mais dorénavant avec plus d’acharnement.
Et qui voudra encore aller investir dans des projets somptuaires en Russie pour en faire un géant du Gaz comme l’auront fait Shell à Sakhaline, TotalEnergies dans Arctic LNG 2 ou Engie et Wintershall Dea dans Nord Stream II ? Non seulement, ces bailleurs de fonds et de process vont encombrer les Cours d’arbitrage, mais il faut surtout s’attendre à ce qu’on ne les y reprenne plus
Si de tels investissements avaient été effectués ailleurs et, par exemple, en Iran, dont les réserves de Gaz sont comparables à celles de la Russie, la face du monde en aurait été changée et la Guerre d’Ukraine aurait été évitée.
À qui la faute ?
Non ! La guerre est loin d’être finie et ses conséquences sont encore difficiles à évalue