Malek El-Khoury: au delà des horreurs, la recomposition politique du Moyen-Orient

La nouvelle guerre au Proche-Orient est différente des conflits précédents en raison de l’immense impact politique potentiel attendu au-delà des horreurs et des destructions inutiles.

Une chronique de Malek El-Khoury

Malek El-Khoury, consultant responsable de la section « mondes arabe et musulman » pour l’Intercultural Consulting (ICC), vit entre Genève et Beyrouth

Qui sont ces belligérants ? D’un côté nous avons Israël, l’occupant, le colonisateur, et de l’autre …

Comment définir l’autre côté ? Hamas ? Le Jihad islamique ? Les habitants de Gaza ? Les Palestiniens ? Les opposants à Netanyahou ? Les Palestiniens Israéliens ? Les manifestants anti-israéliens dans le monde ? Human Rights Watch (HRW) ou B’tselem ?

Comment se positionnent dans ce nouveau conflit les Arabes du Golfe, ceux qui viennent de « normaliser » leur relation avec Israël ? Où se situent Hezbollah et, à travers lui, l’Iran ? Quels rôles joueront les Turcs, les Egyptiens, les Russes, les Américains ou les Européens ?

Quelles conséquences sur les pourparlers en cours entre les USA et l’Iran à Vienne, entre les Saoudiens et les Iraniens à Bagdad ? Et le rapprochement entre les Saoudiens et les Syriens ? Entre les Turcs et les Egyptiens ? Les Turcs et les Saoudiens ? Les rumeurs de pourparlers entre les Syriens et les Israéliens ?

Le plan Kushner (alias le « contrat du siècle »), la solution des deux états, l’annexion des territoires occupés, le déplacement effectif de l’ambassade américaine à Jérusalem ? Etc. Tout cela est-il remis en cause ? Définitivement ou provisoirement ?

Les extrémistes vainqueurs

Quel est l’avenir des modérés dans cette région où les extrêmes règnent de plus en plus ? Ces extrêmes (pour la plupart sous des couverts religieux) dominent actuellement les politiques proche orientales.

Je ne voudrais en aucun cas tirer des conclusions hâtives d’un conflit en cours dont on est loin encore d’en évaluer les conséquences, cependant je souhaiterais relever quelques constats.

Le premier, peu réjouissant, c’est que les vainqueurs de ce conflit (quelle qu’en soit l’issue) semblent être les extrémistes de tous bords dans la région : l’Iran des Mollahs, la Turquie de Erdogan, l’extrême droite israélienne, Hamas.

Israël a beau bombarder et détruire brutalement Gaza (des immeubles, des souterrains, des rampes de lancement, etc.), Hamas continue d’envoyer des missiles sur Tel-Aviv, ville relativement épargnée par toutes les guerres précédentes, ainsi que sur certaines installations industrielles ou sensibles. Le bouclier anti-missile n’a une efficacité que partielle.

La démocratie israélienne en crise

Cette impasse militaire se dédouble d’une impasse politique. Il semblerait aussi que la formation d’un gouvernement devienne encore plus ardue et que les israéliens se dirigent vers une cinquième élection en peu de temps.

De son côté, le porte-parole de l’armée israélienne a mentionné la crainte d’une « guerre civile » en Israël (déclaration étonnante !), si la « crise » actuelle n’était pas gérée correctement. Il se base sur les violents affrontements (certains armés) entre les Palestiniens israéliens d’un côté et de l’autre l’Armée, la Police ou les radicaux israéliens.

De surcroît, autre nouveauté, HRW et l’ONG israélienne B’tselem ont accusé Israël d’être un état-apartheid et appellent donc à des sanctions.

Même aux USA de nombreuses manifestations critiquent la nouvelle aventure militaire d’Israël. Sans parler d’un grand nombre de journalistes ou de députés du Knesset ou de personnalités israéliennes qui dénoncent la politique de leur gouvernement et demandent à reconnaître les droits des palestiniens. Petit à petit, un peu partout dans le monde s’élèvent des voix pour critiquer la politique du colonisateur et de la répression excessiveTous ces indicateurs indiquent que la question palestinienne, dont on disait qu’elle était morte et enterrée, a prouvé non seulement qu’elle existe encore et qu’elle est vivace mais surtout, au vu de toutes les questions générées par ce nouveau conflit, et ses conséquences potentielles, qu’elle se trouve au centre de toute la problématique proche orientale.

C’est rassurant de savoir que la Palestine rappelle au Monde que tant que cette question centrale et essentielle n’était pas réglée, aucun autre conflit régional ne pourra l’être.

 

 

 

Genève le 16.5.2021