Incontournable figure religieuse au Mali, le charismatique président du Haut Conseil islamique (HCI), Mahmoud Dicko, a une fois de plus fait la démonstration de son influence sur le pouvoir politique de son pays.
Dernière victime collatérale en date, le magistrat Daniel Tessougué, limogé de son poste de procureur général après avoir accusé l’imam de faire l’apologie du terrorisme.
Magistrat déchu
Pour rappel, le président du HCI avait déclaré publiquement que l’attentat perpétré en novembre dernier contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako était le résultat de la colère divine. « C’est un message de Dieu que les maîtres du monde, qui sont en train de faire la promotion de l’homosexualité, doivent comprendre. On ne s’en prend pas à Dieu en toute impunité. » Des propos jugés intolérables par le procureur général désormais déchu.
Certes, Daniel Tessougué était depuis longtemps dans le collimateur des autorités qu’il a plusieurs fois accusées de s’immiscer dans les affaires judiciaires. Mais en s’attaquant au plus haut responsable religieux du pays, fervent soutien de l’actuel président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) lors de sa campagne présidentielle, Daniel Tessougué a franchi la ligne rouge.
Et qu’importe si les propos de Mahmoud Dicko, en contradiction avec les conventions internationales signées par le Mali, tombent effectivement sous le coup de la loi pénale. Dans l’équation du pouvoir malien, le leader religieux capable de rassembler les foules en masse, pèse bien plus qu’un homme de loi.
Influence politique
Originaire de Tombouctou, se réclamant du wahhabisme, Mahmoud Dicko a maintes fois porté ses prescriptions religieuses dans le champ politique. En janvier 2012, quelques jours avant le début de la rébellion au Nord Mali, il s’était notamment exprimé en faveur d’une République islamique, comme l’avait expliqué dans « le Monde » l’anthropologue Gilles Holder. Plus tard, lorsque le Nord Mali tentait de proclamer son indépendance, il envoyait ses proches apporter provisions et médicaments aux rebelles. Sa tentative de mener lui-même une médiation avec les groupes armés qui occupaient alors le septentrion lui valu finalement d’être soupçonné de faire le jeu des terroristes.
Bien avant cela, en 2009, le HCI sous sa tutelle avait obtenu le renvoi en deuxième lecture du Code de la famille adopté par l’Assemblée nationale, à travers l’organisation de manifestations de masse. 50 000 personnes s’étaient réunies dans l’un des stades de la capitale pour protester contre le texte qui accordait davantage de droits aux femmes.
Aujourd’hui, le débat soulevé par le limogeage de Daniel Tessougué dépasse largement le seul cas de l’Imam Dicko. Le choix d’évincer l’ex procureur de la cour d’Appel de Bamako envoie un signal brouillé de la détermination des autorités politiques maliennes à lutter contre l’islam radical qui sert souvent de terreau au terrorisme. Il porte un sérieux préjudice au président IBK que la France avait soutenu lors de son accession au pouvoir en 2013.