Les cibles humaines sont fournies en masse par les logiciels. Tous les palestiniens sont fichés comme suspects. C’est le premier massacre assisté par ordinateur de l’histoire avec suivi en temps réel. Cinq cents cibles frappées par jour. Des bâtiments publics, des écoles, des universités, des hôpitaux, des mosquées, des églises, des maisons privées. Les familles décimées se comptabilisent comme des dommages collatéraux.
Mustapha Saha, sociologie et écrivain, ancien collaborateur de François Hollande à l’Élysée
REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE
https://whatsapp.com/channel/0029VaGzyWS1noyxUdC89Z1c
Une intelligence artificielle dénommée The Gospel marque les bâtiments. Un autre système, Lavender, voue des dizaines de milliers de palestiniens, leurs proches, leurs amis, à l’élimination. Une stratégie d’extermination mûrement pensée, théorisée, planifiée. Le livre The Human-Machine Team : How to Create Synergy Between Human and Artificial Intelligence That Will Revolutionize Our World, Le tandem Homme-Machine. Comment créer une synergie entre intelligence humaine et intelligence artificielle qui révolutionne le monde, est en vente sur les plateformes internétiques. Une seule doctrine militaire : « Bombarder tout ce qu’on peut quel qu’en soit le prix ». L’ouvrage ne fait aucun mystère des intentions criminelles : « Aujourd’hui, l’ère numérique s’accélère. L’intelligence artificielle change radicalement le monde. L’ordinateur, grâce au Big Data, génère mieux les informations que les humains ».
Toutes les informations sociales, privées, intimes, comportementales, audiovisuelles, iconographiques, cellulaires, internétiques, automatiquement compilées, servent à définir les cibles. L’armée exécute aveuglément. Les préconisations de l’intelligence artificielle sont traitées comme des ordres. L’aviation écrase toutes les maisons signalées, sans entrer dans les détails.
Aucun examen préalable, aucune analyse approfondie des données brutes de renseignement. Une logique impitoyable, épouvantable, apocalyptique, paranoïaque, psychotique, assassine. Des enfants, des femmes, des vieillards sont massacrés sont merci. Derrière la prétendue maîtrise technologique, se dissimule une imprécision totale. Le monstre immonde renaît de ses cendres avec des moyens décuplés. L’automatisation traduit la volonté de saccager, de tuer toujours plus.
« On t’a parlé du Sphinx, dont l’énigme funeste / Ouvrit plus de tombeaux que n’en ouvre la peste » (Pierre Corneille).
Dans Ethnic Cleansing of Palestine, Oneworld Publications, 2007, Le Nettoyage ethnique de la Palestine, éditions La Fabrique, 2024, l’historien juif Ilan Pappé parle de génocide progressif depuis 1948. Une entreprise systématique, méthodique d’expulsions, de destructions, de néantisations. En France, où les propalestiniens sont interdits de manifestation, soumis aux brimades administratives et professionnelles, pistés, fichés, interpelés, la première traduction de 2008 est retirée des ventes par les éditions Fayard. « La géographie humaine de l’ensemble de la Palestine est transformée de force. Le caractère arabe des villes est effacé par la destruction de zones étendues. Ce qui motive cette transformation, c’est le désir d’effacer l’histoire et la culture d’une nation et de la remplacer par une version préfabriquée de l’histoire d’une autre. Toute trace de la population indigène est éradiquée » (Ilan Pappé).
Une destruction culturelle
Ce risque de génocide génocide se double d’une destruction culturelle généralisée. Des sites archéologiques, des monuments antiques, des édifices religieux chrétiens et musulmans, des trésors artistiques, des patrimoines entremêlés sont systématiquement pilonnés, réduits en ruines. La Grande Mosquée Omari, remontant à deux milles cinq cents ans, antique temple païen. La mosquée Sayyed Hashim, abritant le tombeau d’Hashim ibn Abd Manaf, grand-père du prophète Mohammed. La mosquée Khalid Ibn al-Walid. Le Pacha Palace du treizième siècle. L’église byzantine du quatrième siècle dans le district de Jabalia. L’église orthodoxe grecque Saint-Porphyre du cinquième siècle. Le sanctuaire d’Al-Khader. Le Hammam al-Sammara, bain public vieux de mille ans, réputé pour ses vertus curatives, dans le quartier Zeitoun. Le musée Khoudary. Le musée de Rafah. Le musée d’Al-Qarara, près de Khan Younis, possédant une collection inestimable de trois mille objets remontant à l’âge de bronze, aux Cananéens. L’ancien port grec d’Anthédon. La liste est interminable.
Impossible de documenter l’étendue des dégâts. Les sites archéologiques attestent de la présence palestinienne depuis l’âge de pierre. C’est cette preuve matérielle, antédiluvienne, qu’on veut abroger. Les archéologues eux-mêmes sont visés, plusieurs d’entre eux assassinés. Dans le monde entier, le sionisme s’assimile désormais au génocide. La population planétaire encolérée, défilant massivement dans les grandes capitales, couvrant les murs, les escaliers, les trains des couleurs palestiniennes, portant le keffieh, bloquant les grandes surfaces, les usines d’armement complices, s’appelle génération Gaza. Il faut rappeler avec force que le sionisme, idéologie prédatrice, fasciste, est l’antithèse, la réfutation, la négation du judaïsme.
Mustapha Saha
Sociologue