Un écran de fumée autour de la présence des mercenaires russes au Mali

Le 13 septembre une dépêche de Reuters met le feu aux poudres, un accord entre Bamako et Wagner, une entreprise privée de mercenaires russes appartenant à l’oligarque Evgueni Prigojine serait sur le point d’être conclu. Florence Parly agite le chiffon rouge et menace. La cacophonie au sein des autorités maliennes laisse planer le suspense…

Les mercenaires existent depuis l’antiquité et ont toujours déchaîné les passions. L’entrée en scène dans les conflits des sociétés militaires privées (SMP) à la fin des années 1980 ont renouvelé le genre, mais avec l’arrivée de l’ours russe dans l’univers de la privatisation de la guerre le débat s’enflamme.

La mémoire courte

Florence Parly a fait le déplacement les 19 et 20 septembre à Niamey et Bamako pour tirer la sonnette d’alarme. Au Niger, la ministre des Armées a déclaré : «  On ne va pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires ». Sous entendant ainsi que la France pourrait quitter le Mali si d’aventure le président de la Transition, Assimi Goïta, et son gouvernement osaient signer un contrat avec Wagner. Au Mali en rencontrant son homologue, elle a réitéré ses menaces de manière plus diplomatique « au moment où jamais la communauté internationale n’a été aussi nombreuse à combattre le terrorisme, un tel choix serait celui de l’isolement ».

Pourquoi cette si soudaine fébrilité ? Les tractations avec cette société militaire privée ne sont pas nouvelles et ne datent pas de l’arrivée des colonels au pouvoir. Pour rappel, l’ancien chef d’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a signé le 17 juin 2019, un accord de coopération militaire avec Moscou lors du salon Army 2019. Cet accord prévoyait une coopération pour soutenir techniquement les armées locales et entretenir le matériel. En octobre de la même année, lors du Sommet de Sotchi, le ministre de la Défense malien Ibrahim Dahirou Dembélé et son homologue russe Sergueï Choïgou avaient déjà entériné l’implantation d’une unité de Wagner dans ce pays. A l’époque, le général Dembélé ne disait pas autre chose que ce qu’expriment les autorités maliennes d’aujourd’hui « On ne va pas mettre tout le Mali dans un seul sac et croiser les bras ». Et Paris n’avait pas réagi. Quelques mois plus tard, en décembre 2019, l’AFP assurait que des « consultants du groupe russe Wagner avaient été vus à Bamako ». Et Parly était restée silencieuse…

Le Mali parle pour surtout ne rien dire… 

Sans doute qu’à l’époque, les autorités françaises pensaient avoir plus de prise sur IBK qu’elle n’en a aujourd’hui sur ces jeunes colonels si indisciplinés envers l’ancienne puissance coloniale. Depuis le début de la polémique, le président de la transition, Assimi Goita est resté silencieux. Son Premier ministre Choïguel est monté au créneau : «  Il y des partenaires qui ont décidé de quitter le Mali pour se replier sur d’autres pays, il y a des zones qui sont abandonnées. (…) Est-ce qu’il ne faut pas avoir des plans B ? » Puis, comme pour contredire ses propos, le secrétariat des Affaires étrangères a publié un long communiqué dans lequel il s’insurge contre ceux qui prêtent aux autorités maliennes la volonté « d’engager des mercenaires. Le gouvernement du Mali s’étonne et s’interroge sur ces allégations basées uniquement sur des rumeurs et des articles de presse commandités s’inscrivant dans une campagne de dénigrement de notre pays. »  Quant à Sadio Camara, le ministre de la Défense qui discute avec Moscou, il aurait assuré, selon l’AFP, à Florence Parly qu’aucun acte n’a été posé avec Wagner mais que l’abandon de la France obligeait à tout envisager pour sécuriser le pays. La ministre est donc repartie de Bamako sans obtenir d’assurance, le jeu reste ouvert !

Si la cacophonie au sein du gouvernement malien à l’avantage de maintenir la pression sur Paris et de faire monter les enchères, elle illustre avant tout les divergences de vues sur ce dossier entre membres de la junte. Les uns ne souhaitant pas s’aliéner la France, les autres cherchant à se prémunir d’un retour de boomerang de leur coup d’Etat. Puisque ledit contrat, qui verrait 1000 mercenaires de Wagner débarquer au Mali, porterait sur deux points :  la formation de l’armée et la protection des hauts responsables. La formation des soldats maliens étant déjà assurée par l’Union européenne, c’est évidemment ce dernier aspect qui séduit le plus les colonels. 

La formation de l’armée malienne et la protection des hauts responsables. Ce dernier aspect est sans doute celui qui séduit le plus les colonels qui craignent le retour de boomerang de leur coup d’Etat. Le ministre malien de la Défense a admis discuter avec tout le monde  mais n’avoir rien signé avec Wagner. Le Premier ministre Choïguel a, lui, été plus clair en faisant référence aux décisions françaises de réduire la voilure de l’opération Barkhane : «  Il y des partenaires qui ont décidé de quitter le Mali pour se replier sur d’autres pays, il y a des zones qui sont abandonnées. (…) Est-ce qu’il ne faut pas avoir des plans B ? » Puis, le secrétariat des Affaires étrangères a publié un long communiqué dans lequel il s’insurge contre ceux qui prêtent aux autorités maliennes la volonté « d’engager des mercenaires.»

 En réalité, ces déclarations montrent à la fois l’embarras de Bamako vis-à-vis de la fronde lancée par les autorités françaises et les divisions existantes entre les membres de la junte. D’autant que si l’on en croit la dépêche de Reuters, le dit contrat avec Wagner porterait sur deux points : la formation de l’armée malienne et la protection des hauts responsables. Ce dernier aspect est sans doute celui qui séduit le plus les colonels qui craignent le retour de boomerang de leur coup d’Etat.

La Russie botte en touche

Du côté du Kremlin, on doit regarder toute cette effervescence d’un œil goguenard. Dernièrement, Prigojine, le patron de Wagner s’est déjà amusé à mettre Paris dans l’embarras en créant dans l’Hexagone une fondation qui a pour mission d’aider les associations à lutter contre les violences policières (sic).  Signe qu’on rigole bien à Moscou, le sigle de cette fondation est FBI…

En pleine tempête, le porte-parole du Kremlin ne s’est pas démonté et a déclaré froidement et sobrement le 14 septembre « Il n’y a aucun représentant des forces armées russes (au Mali) et aucune négociation officielle n’est en cours ». Circulez, il n’y a rien à voir ? Dmitri Peskov, joue sur du velours, les SMP étant interdites en Russie, les quelques 14 sociétés existantes sont toutes domiciliées dans des paradis lointains, il n’y a donc pas de liens officiels entre elles et les autorités russes.  La répartie était donc toute trouvée. 

L’affaire n’est pas terminée pour autant. D’après des sources centrafricaines qui connaissent bien Wagner puisque ses mercenaires officient à Bangui, des dizaines d’hommes de Prigojine seraient déjà à Bamako, d’où la colère de Paris ?

 

 

 

2 Commentaires

  1. Bonjour,
    Pourriez-vous, s’il vous plait, enlever les logos Facebook, Twitter, Instagram et autres partages, SUR LE COTE DROIT de la page, qui gênent la lecture de vos articles, nous obligeant à réduire la largeur de chaque page pour les expulser du texte ? D’autant qu’ils sont déjà disponibles en haut et en bas de chaque page !!!!!! Les maquettistes qui ne pensent pas au confort de lecture du lecteur devraient refaire un stage de maquette, qui n’a de sens que pensée dans L’INTÉRÊT DU LECTEUR et non du maquettiste. Que fait le rédacteur en chef ?
    Bien cordialement,

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