Tunisie, Kaïs Saied incapable d’organiser le Sommet de la Francophonie 

Reporté une première fois, le sommet de la Francophonie initialement prévu en novembre 2021 à Djerba pourrait finalement ne plus se tenir en Tunisie. En cause, le retard dans la construction de nouvelles infrastructures et le climat politique

L’organisation internationale de la Francophonie (OIF) a dû se résoudre à reporter pour la seconde fois d’une année son 18è Sommet prévu du 20 au 21 novembre 2021 à Djerba en Tunisie.  Décidé d’un commun en accord à l’issue d’une rencontre entre le président tunisien Kaïs Saïed et la Secrétaire générale de la Francophonie Louise Mushikiwaba, le premier report était justifié par « la crise sanitaire qui touche le monde et les nombreuses incertitudes qui en découlent ». Annoncé le 13 octobre dernier par un simple communiqué, le second report s’est imposé afin de « permettre à la Tunisie de pouvoir organiser cette instance importante dans les conditions les plus optimales ».  

Réticences des membres occidentaux 

Derrière la raison officielle avancée par l’OIF et la Tunisie, apparaissent le retard pris dans la construction de nouvelles infrastructures et la situation socio-politique dans le pays hôte. En effet, plusieurs pays membres occidentaux de la Francophonie (la Belgique, la Suisse, le Canada) ont fait part de leurs réticences à venir célébrer les valeurs de la Francophonie (OIF) dans un pays où le président s’est arrogé tous les pouvoirs et a suspendu les activités du parlement. Au-delà de simples réserves, certains membres envisagent désormais ouvertement de poser le débat sur l’opportunité de maintenir l’organisation 18 è Sommet, qui devait se tenir sur le thème de la « Connectivité dans la diversité : le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone », en Tunisie où, soutiennent-ils, l’ordre constitutionnel a été rompu par le président.   

Selon les partisans du retrait pur et simple de l’organisation du Sommet à la Tunisie, le pays ne pourra pas d’ici à l’année prochaine combler le déficit de nouvelles infrastructures nécessaires pour la tenue du sommet dans des conditions idéales à Djerba. Leur argumentaire ne manque pas de solidité : frappée de plein fouet par la crise sanitaire, qui a entraîné l’effondrement des recettes publiques, la Tunisie semble aujourd’hui avoir d’autres urgences que d’investir des sommes énormes pour construire des infrastructures pour une grand-messe de deux jours. Outre les difficultés économiques, rien n’indique que d’ici à 2022, l’hypothèque politique qui pèse sur le pays aura été levée. Le président Kaïs Saiëd continue dans sa lancée de confiscation du pouvoir sans qu’on sache comment les autres forces politiques et l’armée seront amenées à réagir s’il devait pousser le bouchon encore plus loin. 

Deux réunions cruciales à Paris 

En dépit des difficultés internes et du retard pris dans la construction des infrastructures, la Tunisie est officiellement toujours candidate à l’organisation du 18 è sommet. Elle devra pour cela désormais convaincre les partisans de plus en plus nombreux d’un plan B qui consisterait à solliciter un autre pays candidat.

Deux réunions cruciales devraient permettre de trancher définitivement la question de l’organisation ou non du 18 è Sommet de la Francophonie à Djerba. Il y a d’abord le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), qui réunit les représentants des chefs d’Etat des pays membres, qui aura lieu ce mois-ci à Paris pour discuter, entre autres sujets, des implications du report du sommet de Djerba d’une année. Instance intermédiaire entre le CPF et le Sommet des chefs d’Etat, la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) se réunira ensuite en décembre prochain à Paris pour trancher définitivement le maintien ou non de l’organisation du Sommet en Tunisie.  En signe de reconnaissance au pays dont le premier président Habib Bourguiba fut, avec le Nigérien Hamani Diori et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, un des pères fondateurs de la Francophonie, l’OIF avait choisi la Tunisie pour fêter le cinquantième anniversaire de sa naissance en mars 1970 à Niamey.  

L’organisation du Sommet en Tunisie avait, rappelle-t-on, été obtenue par l’ancien président Beji Caïd Essebsi, décédé, en 2019. Il n’est pas sûr que cet événement soit en tète de l’agenda de son successeur actuel. 

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L’ANCIEN PRESIDENT MARZOUKI SUR LE BANC DES JUSTICIABLES

C’est à travers un communiqué du tribunal de première instance que le juge d’instruction chargé du dossier lançait le mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ancien président Moncef Al Marzouki. Ce dernier a assumé la fonction de président de la République durant la phase transitoire entre 2011 et 2014 suite à la chute de la dictature de Ben Ali.

Le président actuel Kaies Essaid n’a pas apprécié l’intervention d’Al Marzouki auprès du conseil  permanent de la francophonie pour le report de son sommet qui devrait se tenir à Tunis le 20 et 21 Novembre 2021 dans l’île de Djerba.  Pire, l’ancien président de la phase transitionnelle l’avait annoncé le 12 novembre 2021 sur France24 en comme s’attribuant ce report ce qui a suscité l’ire du président Kaies Essaid.

Le 14 Octobre, deux jours après l’intervention d’Al Marzouki sur la chaîne internationale Française, durant le premier conseil du nouveau gouvernement, le président Kais Essaid a demandé à la nouvelle ministre de la justice d’ouvrir « une instruction judiciaire contre ceux qui complotent contre la Tunisie à partir de l’étranger ». Il ajoute : «  je n’accepterai jamais qu’on mette la souveraineté de la Tunisie sur la table des négociations ».

La déclaration du président tunisien prend immédiatement effet puisque le 15 octobre le porte-parole de la cour d’appel Habib Tarkhani qu’une enquête est ouverte contre Al Marzouki en France sur la base du chapitre 23 du code pénal. Décidément, le président tunisien Kaies Essaid ne tolère aucune voix discordante ni opposante.