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Sommet N’Djamena (volet 5) Idriss Déby, un si bon petit soldat

Les performances sécuritaires du Tchad permettent au président Idriss Déby, qui s’est auto proclamé Maréchal,  de faire oublier à ses amis français le caractère dictatorial de son régime

Une chronique de Francis Sahel

Profitant des revenus du pétrole dont le Tchad eétait devenu producteur en 2003, le président Déby a doté l’armée nationale tchadienne (ANT) d’équipements ultramodernes et en a fait le fer de lance de la lutte contre le terrorisme au Sahel. En échange, la France ferme les yeux sur les dérives dictatoriales de son régime. 

Entre la gauche française et le régime tchadien, les relations n’étaient pas au beau fixe. L’élection de François Hollande en 2012 avait été fort mal accueillie à N’Djamena. Le président Déby n’était pas déplacé en novembre 2012 à Kinshasa au XIV è Sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Ce boycott traduisait son irritation à son homologue français François Hollande, qui refusait de le recevoir à Paris. Entre Déby et Hollande, une atmosphère de guerre froide s’installe à la grande déception du lobby militaire à Paris, soutien inconditionnel du président tchadien.

L’heure de la réconciliation

Arrive ensuite, en janvier 2013, la décision de la France d’intervenir au Mali pour empêcher les groupes terroristes, déjà arrivés à Kona, dans le centre du pays, de descendre sur Bamako, plus au sud. La France déclenche l’opération Serval et envoie des milliers de soldats au Mali. Toutefois, il lui faut des appuis militaires en Afrique non loin du Mali. Les soutiens de Déby dans les milieux français lui soufflent l’idée de préparer un contingent pour participer à l’effort de guerre contre le terrorisme. A Paris, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, accroche à cette thèse d’engager l’armée nationale tchadienne aux côtés des forces françaises au Mali. Cette fois, Hollande ne boude pas son homologue tchadien: il l’appelle au téléphone pour le remercier. 

Sur place au nord Mali, les soldats tchadiens, rompus à une longue tradition d’armes par les années de guerre civile et les rébellions armées, s’illustrent aux combats. Leurs faits de guerre sont très appréciés des militaires français. Lorsqu’arrive la décision de l’état-major français et du commandement de Serval de « nettoyer » les monts Ifoghas, l’armée française prend un flanc, l’armée tchadienne s’engage sur l’autre flanc avec pour point jonction entre les deux forces le sommet de la montagne. Les Tchadiens s’acquittent avec efficacité de la mission et conforte leur réputation auprès des soldats et des politiques français. 

Le paria devenu l’allié

 Le « paria » du début du quinquennat de Hollande, Idriss Déby, devient l’allié incontournable. Le président tchadien comprend très vite les retombées de l’engagement à fonds perdus de son armée dans la lutte contre le terrorisme. En 2015, lorsque Boko Haram choisit de s’internationaliser en attaquant le Cameroun, le Tchad et le Niger, Idriss Déby pose son armée en dernier rempart. Il envoie des soldats combattre Abubakar Shekau et ses hommes au Cameroun, au Niger et même au Nigeria. Avec l’opération « colère de Boma », menée en mars 2020, l’armée tchadienne finit de gagner son statut de seul recours sous-régional contre la secte nigériane. 

Depuis des semaines, le président français, Emmanuel Macron, a mis dans la confidence ses homologues du G5 Sahel : une partie des effectifs de Barkhane quittera bientôt la région.

Le calendrier et l’ampleur du retrait des soldats de Barkhane du Sahel seront révélés lors du Sommet annuel du G5 Sahel prévu du 15 au 16 février dans la capitale tchadienne et qui verra Déby succéder à son homologue mauritanien Ould Ghazouani  à la tête de l’organisation. 

 Avant son retrait partiel, Paris s’est assuré que le Tchad enverra près de 1000 soldats dans la zone des trois frontières (Burkina, Mali, Niger) épicentre des activités de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) mais qui a enregistré ces derniers mois des attaques du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Dans l’organisation actuelle de la force du G5 Sahel, l’armée tchadienne, qui appartient avec le Niger au fuseau Est, n’est pas tenue d’intervenir dans la zone des trois frontières qui relève du fuseau Centre. C’est donc une « grande mansuétude » que Déby consent en y envoyant ses soldats.  

Jean Yves Le Drian, qui incarnerait à Paris « la gauche » du macronisme
est au Tchad l’ami fidèle ddu dictateur Déby

L’anti terrorisme, une assurance vie

Mais cette « gratitude » n’est pas désintéressée. En échange de son engagement dans la zone des trois frontières,  le président tchadien a obtenu de la France qu’elle interviendrait à nouveau avec ses mirages 2000, si demain les rébellions armées, parties du sud libyen, revenaient avec le projet de marcher sur N’Djamena. La France est déjà intervenue en 2006, 2006 et en 2020 pour empêcher le renversement du président Déby par ces mouvements rebelles.

L’engagement anti-terroriste tchadien fonctionne donc comme une sorte d’assurance-vie apportée par la France au pouvoir de N’Djamena.  Au titre de la compensation du déploiement de ses troupes dans la zone des trois frontières, Idriss Déby a également obtenu la bienveillance de Paris pour réaliser son projet de sixième mandat à la tête du Tchad.

Idriss Déby a été investi samedi 6 février candidat du Mouvement patriotique du salut (MPS) pour la présidentielle prévue en avril prochain. Comme pour la répression sans pitié des marches pacifiques organisées par l’opposition ce mois-ci et la suspension des réseaux sociaux en juillet 2020, la France a n’a pas émis la moindre critique contre son fidèle allié dans la lutte antiterroriste au Sahel.

Le président tchadien a bien compris les énormes dividendes diplomatiques et géostratégiques que lui garantit l’engagement illimité de son armée dans la lutte antiterroriste au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad. 

 

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