Le retour du Maroc au sein de l’Union africaine était attendu. Cette victoire de la diplomatie chérifienne, à laquelle Mohamed VI n’a pas ménagé ses efforts, n’est pas sans conséquence sur les rapports de force au sein de l’organisation continentale, notamment pour la question du Sahara occidental. Afin de contrebalancer le succès du Maroc, l’Algérie redouble ses pressions au sein des organes de l’Union africaine.
L’élection du Tchadien Moussa Faki Mahamat à la présidence de la Commission de l’Union africaine a certes été facilitée par la présidence de l’Union africaine du président tchadien Idriss Deby Itno, durant l’exercice 2016. Elle doit aussi beaucoup aux trois États qui voient d’un mauvais oeil le retour du Maroc: l’Algérie bien sûr, mais aussi l’Afrique du sud et le Rwanda.
Dans ces conditions, aucun rapprochement n’est véritablement tenté sur la question du Sahara occidental. La nomination comme médiateur, par l’Onu de l’ancien président allemand, Horst Kolher, déplaît à l’Union africaine. Laquelle préférerait voir à la manoeuvre l’ancien président mozambicain Chissano, proche du Polisario et médiateur en titre de l’Ua. Le dernier incident diplomatique de Maputo, lors de la réunion Afrique-Japon de la TICAD, opposant violemment représentants du Maroc et de la RASD n’a suscité aucune condamnation de l’Union africaine.
Le climat sera-t-il meilleur lors du Sommet Afrique-Union européenne qui devrait se dérouler à Abidjan, en novembre prochain? Rien ne l’indique.
« Le progressisme » en marche!
Moussa Faki Mahamat n’a guère de sympathie envers la France, le Maroc, l’Union européenne et l’ONU. Le prochain renfort du Président rwandais, Paul Kagame, nommé à la présidence de l’Union africaine, en 2018, pourrait donner une plus grande ampleur à cette politique autocentrée qu’ils appellent » progressiste », parcequ’anti occidentale, lorsque les Etats du Nord condamnent la mauvaise gouvernance et les atteintes aux droits de l’homme.
Moussa Faki Mahamat est le chef d’orchestre de cette politique qui refuse toute ingérence extérieure, avec à la manoeuvre son conseiller spécial, le Mauritanien Mohamed el Hacen ould Lebatt, qui avait torpillé la candidature du Sénégalais Abdoulaye Bathily à la Commission de l’Ua, et l’inamovible commissaire à la Paix et à la Sécurité, l’Algérien Smaïl Chergui, reconduit jusqu’en 2021.
Le soutien aux autocrates africains qui s’ accrochent au pouvoir et captent les ressources de leur pays est désormais clairement affiché, en dépit des constats accablants des ONG, des organisations internationales et des mouvements citoyens bâillonnés.
Les soutiens de l’Ua aux dérives autoritaires se multiplient :
– Au Burundi, le dernier rapport de l’Onu sur les crimes contre l’humanité commis par le clan présidentiel concluant à la saisine de la Cour Pénale Internationale est mis à la poubelle par Smaïl Chergui. L’Algérien préfère une appropriation par l’Ua avec la Cour des droits de l’Homme dont la saisine est impossible pour les États qui ne la reconnaissent pas, comme le Burundi et surtout incompétente pour les actions dirigées contre les chefs de l’Etat, bénéficiant d’une totale impunité.
– En Centrafrique, où tout le monde se rappelle le flop du facilitateur Mohamed el Hacen ould Lebatt, la Feuille de route de l’Ua est désormais la seule initiative de sortie de crise. Même la France et l’Onu ont acquiescé. Exit donc la tentative des Italiens de Sant’Egidio. Contrairement aux discours, c’est bien l »impunité qui est mise en perspective. Dès la fin de la réunion du Panel des ministres des Affaires étrangères de l’Angola, du Congo, du Gabon et du Tchad, pays où les élections ont été bidouillées, le président Touadera, sur les conseils directifs du fameux Panel, a procédé au remaniement du gouvernement en y faisant entrer des représentants des anciens présidents Bozizé et Djotodia, sous sanctions internationales et des responsables des milices armées qui terrorisent la population. L’impunité est en marche et le slogan « la justice sera implacable »du pitoyable président centrafricain a fait long feu. Les économies demandées par le FMI ont aussi été passées aux oubliettes, avec la progression de 45% du nombre des ministères ! Évidemment le FMI est resté de marbre.
– Au Gabon et en RDC, le conseiller Mohamed el Hacen ould Lebatt a apporté le soutien total de l’Union africaine aux présidents Bongo et Kabila. L’opposant Jean Ping, un des prédécesseurs de Moussa Faki Mahamat, ainsi que les mouvements citoyens et les opposants de Kabila doivent se faire une raison. Peu importe les tricheries en Haut Ogoué au Gabon ou le report sine die des élections congolaises, les rapports des ONG, de l’Onu et de l’Union européenne ne sont pour l’Ua que des ingérences extérieures intolérables.
– En Angola, les observateurs de l’Union africaine, lors de l’élection présidentielle, dirigés par l’ancien premier ministre Capverdien, José Maria Neves, se sont évidemment félicité du bon déroulement des élections, pourtant très critiqué par des observateurs extérieurs à l’Union africaine. Il est vrai que l’ancien président Dos Santos et le MPLA sont de bons contributeurs de l’Union africaine.
Les initiatives du président Emmanuel Macron, soutenues par l’Union européenne, concernant la crise lybienne et la lutte contre le terrorisme au Sahel, avec le G5, ont provoqué l’ire de l’Algérie, immédiatement répercutée, avec une vigueur inconnue à l’Union africaine, par Moussa Faki Mahamat et, avec plus de modération, par Sassou Nguesso, le médiateur de l’Ua.
La réforme de l’Union africaine proposée par Paul Kagame n’est pas seulement institutionnelle et financière. Elle est aussi politique. Curieusement avec le retour du Maroc, on pourrait revivre les affrontements idéologique, à front renversé avec les Groupes de Casablanca et de Monrovia, qui avaient précèdé la création de l’Organisation de l’Unité Africaine, en 1963, qui donnera l’Union africaine, en 2002.