D’après un nouveau rapport de l’International Crisis Group (ICG) titré “Élections au Congo : limiter les risques de violence”, publié le 30 octobre, la résurgence du groupe rebelle M23 complique sérieusement la tenue des élections de décembre 2023 dans la région du Nord-Kivu, à l’est du pays.
Mateo Gomez.
Les accords de Sun City de 2002 promettaient de mettre fin à la brutale guerre du Congo, mais ils n’auront que marqué “la fin officielle, mais pas effective, des guerres en RDC”. L’est du pays est non seulement “resté le bastion de plusieurs dizaines de groupes armés” mais il a vu, depuis novembre 2021, la résurgence du groupe M23, maté en 2012. “Très bien équipée et organisée”, la progression de cette rébellion est vertigineuse, et selon l’ONU, “Fin février 2023, le M23 contrôlait une zone deux fois plus grande que le territoire qu’il contrôlait au début de novembre 2022”. Comment expliquer ce phénomène? La justification historique du groupe est la “Tutsis congolais contre la discrimination et la persécution”. Le Tutsis, rappelons-le, sont une minorité éthnique de la région des Grands Lacs qui fut victime d’un génocide au Rwanda dans les années 90. L’ICG souligne d’autres raisons pour cette résurgence: “La rapidité avec laquelle le groupe s’est emparé des postes de douane et d’autres installations de l’État laisse penser qu’il pourrait avoir des intérêts financiers”. Une dernière piste est celle de l’amnistie pour les dirigeants emprisonnés par l’armée de la RDC.
La diplomatie en panne
La RDC et le Rwanda, pays frontalier du Nord-Kivu, “se sont accusés mutuellement de soutenir des groupes armés hostiles” dans l’objectif de déstabiliser l’autre. Face à l’impasse diplomatique, les organisations régionales tentent leur coup: “La CAE [Communauté d’Afrique de l’Est], a déployé en novembre 2022 une force principalement basée au Nord-Kivu pour lutter contre […] le M23.” Mais aux yeux de Kinshasa, l’intervention ne produit pas de résultats. Le président Tshisekedi s’est donc tourné vers la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’invitant à “déployer sa propre force contre le M23”. Invitation fut laissée sans suite: “En septembre, les gouvernements membres de la SADC n’avaient pas encore déployé cette force et la CAE a prorogé de trois mois sa propre force.” En parallèle, l’Angola avait tenté de pousser la RDC vers des négociations avec le Rwanda et le M23, mais sans résultat.
Deux millions de « déplacés »
La situation humanitaire est pourtant grave. La guerre a occasionné “le déplacement de plus de deux millions de personnes, la destruction de 318 écoles, d’importantes pertes fiscales et d’autres dommages.” Les femmes en pâtissent particulièrement, elles sont régulièrement victimes de “violences récurrentes et cycliques infligées par des hommes armés. […] Les violences à l’égard des femmes et des jeunes filles dans le Nord-Kivu ont augmenté de 37 pour cent pendant le premier trimestre de 2023 par rapport à la même période en 2022”.
Tout ceci complique la bonne tenue des élections présidentielles, prévues pour le 8 décembre, ainsi que la campagne électorale. La situation met en difficulté le président sortant, Felix Tshisekedi, candidat à sa propre succession. Mais un renversement de la situation lui serait extrêmement bénéfique. “Une éventuelle victoire contre cette rébellion serait un important gain politique et électoral pour Tshisekedi dans cette partie du pays”. Et en effet, ce dernier n’a cessé de montrer une “détermination affichée” dans la résolution du conflit – à réaliser, selon lui, par la force. Il se montre jusqu’à présent complètement inflexible par rapport aux tentatives de négociation. Au-delà des considérations politiques, le M23 complique la tenue des élections sur le terrain. Le groupe “a mis en place une administration parallèle et bloqué toute activité de la Ceni”, la Commission Électorale Nationale Indépendante, chargée d’inscrire les électeurs sur les listes. Le M23 a pourtant essayé de négocier en tentant de “troquer l’enrôlement d’électeurs dans les régions sous son contrôle contre des négociations directes avec Kinshasa”, mais le président ne veut rien savoir. Plus d’un million d’électeurs potentiels dans les régions concernées n’ont donc pas pu être inscrits avant la date limite pour les inscriptions, en avril.
Une situation délicate.
Des milices locales alliées au gouvernement ont certe réalisé quelques progrès dans la lutte armée contre le M23, qui “pourraient pousser l’armée et ses auxiliaires locaux à intensifier les combats dans l’objectif de chasser le M23 des zones qui sont encore sous son contrôle”, mais l’ICG craint une escalation de la violence. Déjà une aggravation de la situation humanitaire a été remarquée, mais surtout, “Les affrontements pourraient également s’amplifier et s’étendre à des zones jusque-là épargnées comme la ville de Goma, et compromettre le processus électoral au Nord-Kivu en augmentant considérablement le nombre de personnes privées de leur droit de vote”.