Surprise à Doha. Le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame se sont rencontrés le 18 mars sous l’égide de l’émir Al Thani pour discuter d’un cessez-le-feu et de l’ouverture de pourparlers de paix au sujet du conflit qui ravage l’est de la République démocratique du Congo et menace d’embraser la région des grands Lac.
Camilles Riols

Un coup de maître pour l’émirat quand les deux chefs d’Etat ont multiplié les provocations verbales et militaires depuis des mois. Et que tous les précédents rendez-vous, organisés par la France le 9 février dernier ou l’Angola le 18 mars même, se sont soldés par des politiques de la chaise vide de la part de deux pays.
Cette étonnante irruption du Qatar dans l’orient compliqué de l’Afrique tient beaucoup aux récents investissements réalisés à Kigali et aux promesses d’investissement faites à Kinshasa, principalement dans les domaines aériens. Depuis 2019 Qatar Airways détient en effet 60 % du nouvel aéroport international du pays des 1000 collines, quand la compagnie nationale lorgne sur le développement d’un aéroport à Matadi, à l’extrême Ouest de la RD Congo. Des financements croisés dans le prolongement de relations diplomatiques particulièrement amicales avec Paul Kagame, et en devenir avec Félix Tshisekedi, qui vient d’ouvrir une ambassade à Doha, tout en préparant l’accueil d’une représentation diplomatique qatarie.
Le Qatar faiseur de paix
L’embellie doit beaucoup à la position jugée équilibrée et sans arrière pensée du facilitateur qatari, selon Benjamin Autré, de l’institut français des relations internationales, interrogé par Le Monde. « « Les Congolais ont pu récemment avoir le sentiment que le Qatar était parfois trop proche des Rwandais pour être le facilitateur dans cette crise, analyse le chercheur. Mais ils savent que les Qataris n’ont pas, contrairement à beaucoup d’autres intervenants régionaux ou européens, de visées géopolitiques particulières. Le Qatar est un pays riche dont le but est de briller sur la scène internationale afin de pouvoir dire au monde entier : « Regardez, nous apportons la paix dans l’est du Congo et même ailleurs ! » »
Un beau programme bien loin de se concrétiser pour l’heure. Actif dans les crises du Darfour, du Yémen et bien sûr dans la guerre Israël Hamas, les initiatives qataris n’ont pas dépassé les effets d’annonce. A Jérusalem, la procureure générale a même chargé le Shin Beth (les renseignements intérieurs) et la police d’enquêter sur les liens financiers entre le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu et le royaume…
Rien de tel encore pour le conflit de moins en moins larvé entre le Rwanda et Kinshasa. Mais, à l’issue de l’entretien d’une quarantaine de minutes, aucun solution concrète n’a été mise sur la table, si ce n’est que tout ce petit monde a «réaffirmé l’engagement de toutes les parties en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel ».
En somme, la République démocratique du Congo voit toujours une partie de son territoire, ses deux principales villes du grand Est, Goma et Bukavu, occupées par la rebéllion du M23 soutenu par le Rwanda. Et 6 à 7 millions de réfugiés attendent encore de connaître leur sort.
Le Rwanda démasqué
Quant au Rwanda, son jeu a été quelque peu dévoilé…. Après les premières sanctions de l’Union européenne à l’encontre de certains de ses hauts gradés militaires et hommes d’affaires, Kigali a décidé de rompre les relations diplomatiques avec la Belgique, clairement accusé d’avoir été le moteur de ces décisions. Dans la foulée, le M23, officiellement sans lien avec le Rwanda, a décidé de se retirer de toute négociation le 17 mars. Un aveu en bonne et dûe forme.
Si le Qatar a emporté un succès diplomatique, le poker menteur dans les Grands Lacs continue. Avec son lot de morts et de déplacés…
Le ministre des Affaires Étrangères du Qatar sur tous les fronts