Les primaires de la droite française revêtent une importance stratégique pour Alger. Dans les arcanes du régime algérien, le deuxième tour de ces primaires engage des enjeux majeurs qui marqueront l’avenir des relations algéro-françaises. Or, dans cette bataille politique, l’Algérie a choisi son camp. Celui d’Alain Juppé qu’elle soutient bec et ongles pour préserver ses intérêts dans une France déchirée par les extrêmes et où le régime algérien est de plus en plus contesté.
Tout sauf Sarko
Avec plus de deux millions d’Algériens officiellement inscrits sur les fichiers électoraux des divers consulats et sans compter les millions de franco-algériens, l’Algérie dispose en France d’une carte politique qui peut renverser les équilibres du scrutin. Alain Juppé en est conscient depuis le début de sa campagne électorale. Au début du mois de février dernier, le candidat se déplace à Oran et Alger pour rencontrer les officiels du pays. Il leur fait une offre de services en bonne et due forme. Pour Bouteflika et son entourage, une alliance s’impose avec ce disciple de Jacques Chirac afin de contrer le très dangereux Nicolas Sarkozy, trop proche du pouvoir marocain dans la région et dont l’hostilité à l’Algérie est non-seulement assumée mais également promue dans ses programmes politiques. Alger donne donc son soutien à un Alain Juppé réconciliateur qui n’hésite pas à promettre un soutien inconditionnel au régime lorsqu’il est reçu par Abdelaziz Bouteflika le 2 février.
Entre les deux hommes le courant passe très bien d’autant plus que le maître d’Alger apprécie les « chiraquiens » dont il garde un bon souvenir en dépit de certaines incompréhensions. Pour Alger, « le tout sauf Sarkozy » est une priorité absolue. L’homme qui avait détruit la Libye voisine en refusant d’écouter les conseils du Palais d’El-Mouradia incarnait un véritable danger pour les intérêts du régime algérien. L’alliance avec Alain Juppé est nouée. Son lieutenant dans le pays, l’homme d’affaire Laurent Stefanini, réussit à convaincre les médias algériens et les principaux décideurs d’applaudir l’étape algérienne de Juppé. Il négocie comme il se doit un appui politique pour sa campagne électorale.
Alger exécute rapidement ses promesses. A Paris et dans les autres grandes villes françaises, les diverses associations algériennes soutenues, financées par le régime de Bouteflika passent à l’action et défendent la candidature de Juppé contre Sarkozy. La stratégie semble bien fonctionner sauf qu’au premier tour, François Fillon surprend tout le monde et menace le plan d’Alger.
Il faut sauver le soldat Juppé
Pris de panique, les décideurs algériens jettent toutes leurs forces dans ce second tour afin de secourir leur allié. Le Mouvement Citoyen Algérien de France, l’une des associations algériennes les plus influentes dans le pays, s’apprête à lancer publiquement un appel à voter Pour Alain Juppé dimanche 27 novembre. « Sarko = Fillon. Les deux compères ne sont qu’une copie de Marine Le pen » explique dans son appel ce mouvement connecté avec plusieurs décideurs algériens et qui a joué un rôle important dans la campagne pour le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika en France. « Votez et faites voter Alain Juppé » insiste l’appel de ce mouvement avec pour slogan « Algériennes et algériens de France, cette primaire vous concerne ! »
D’autres appels ont circulé un peu partout dans d’autres collectifs franco-algériens. Il faut sauver le soldat Juppé, telle est l’opération qu’Alger a lancé à Paris. Il faudra attendre ce dimanche pour savoir si elle va atteindre son objectif.