Niger, l’ingérence française dans la crise post-électorale 

De Jean-Yves Le Drian à Emmanuel Macron, la France officielle n’a pas ménagé sa peine pour soutenir la continuité au régime du président sortant Mahamadou Issoufou, prenant le risque de se mettre à dos une bonne partie de l’opinion nigérienne.  

Bien plus qu’un acte de courtoisie diplomatique, c’est une prise de position claire et nette. Le président français Emmanuel Macron est allé bien au-delà de la simple lettre de félicitations adressée habituellement à un chef d’Etat africain élu ou réélu pour téléphoner au nouveau président nigérien, Mohamed Bazoum, alors que celui-ci n’a pas encore prêté serment et n’est donc pas encore entré en fonction officiellement.

« les élections au Niger seront une référence pour l’Afrique. » Jean Yves Le Drian, ministre français des Affaires Etrangères, novembre 2020

Dans le contexte de la crise post-électorale nigérienne marquée par la contestation par Mahamane Ousmane de l’arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant M. Bazoum vainqueur de la président, l’appel téléphonique de Macron est perçu comme une nouvelle étape de l’ingérence française dans le processus électoral au Niger. Entre les deux tours de la présidentielle, le président sortant Mahamadou Issoufou et son dauphin désigné Mohamed Bazoum s’étaient retrouvés à Paris sans agenda officiel et sans urgence déclarée au regard du contexte sanitaire au Niger comme en France.  Ce qui a alimenté chez les opposants nigériens l’idée de l’adoubement par la France de la candidature de Bazoum.   

Au final, le scrutin présidentiel nigérien a débouché sur une crise post-électorale à l’issue totalement incertaine.  

Un pari risqué 

La France officielle s’est refusée à tout commentaire sur les irrégularités dans l’organisation de la présidentielle alléguées par la coalition de l’opposition CAP 20-21 qui soutient l’ancien président Mahamane Ousame. Elle n’a rien dit non plus lorsque le pouvoir a coupé pendant une dizaine de jours l’accès à internet suite aux violences qui ont suivi la proclamation des résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Même l’arrestation du chef de file de l’opposition Hama Amadou, de l’ancien chef d’état-major de l’armée nigérienne Moumouni Boureima ainsi que plusieurs dizaines de militants de l’opposition n’ont pas convaincu la France de réagir à la dégradation du climat sociopolitique au Niger, alors que le pays est confronté à la pire menace terroriste de son histoire. Ce profil bas de la France, si prompte à réagir à pareille situation ailleurs en Afrique, a été perçu dans les rangs de l’opposition nigérienne comme la confirmation du parti pris des dirigeants français en faveur de la continuité au régime du président Issoufou, réputé être un des meilleurs alliés de Paris en Afrique francophone.  

Déjà très présents pendant les deux mandats de Mahamadou Issoufou (2011-2021), des lobbies de communicants français se sont joints aux efforts de la France officielle pour asseoir la victoire du candidat du pouvoir, en minimisant dans les rédactions des médias internationaux et auprès des journalistes ciblés les accusations de fraudes portées par l’opposition.  

Présenté comme « candidat malheureux » ou « mauvais perdant », Mahamane Ousmane est donc sommé par les médias démarchés et des journalistes acquis à la cause d’apporter toujours plus de preuves pour rendre crédible sa contestation des résultats.  

En choisissant de se ranger derrière un camp dans le bras de fer actuel au Niger, dont nul ne peut prévoir l’issue, la France fait un pari i risqué où elle s’est mise à dos une partie de l’opinion nigérienne/ es partisans de Mahamane Ousmane représentent malgré tout, selon les chiffres officiels, 44,34 % des électeurs nigériens.