Jamais les tensions militaires internationales n’ont été aussi fortes (Ukraine, Taiwan, Israel), mais jamais, le principal carburant des guerres, – les armes et les munitions – n’ont autant manqué. En Occident.
La guerre a fait irruption en Europe avec l’invasion de l’Ukraine. Mais après un an de conflit, curieusement, ce sont les armes et les munitions. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, les Ukrainiens ont tiré jusqu’à 3 000 obus d’artillerie par jour. Et ce rythme fait que les stocks sont, aux États-Unis comme dans les pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, en voie d’épuisement. Notamment, les obus d’artillerie de 155 mm.
Un double front
Le Pentagone et l’industrie de la défense des Etats Unis sont d’autant plus inquiets de leur capacité à fournir sereinement l’Ukraine en armes et en munitions, qu’au même moment, ils doivent jouer du muscle pour dissuader la Chine d’ouvrir un conflit sur le front de Taiwan. La dissuasion ne peut marcher que si l’on est capable de bomber ses armes et ses munitions sur tous les fronts, aussi bien en Ukraine que dans les silos des bases américaines asiatiques. Or ce n’est pas le cas.
Aux Etats Unis, les principaux fabricants d’armes et de munitions prévoient de multiplier la production par six… d’ici 2028. Ce qui implique un effort industriel démesuré : les munitions sont principalement fabriquées dans des usines vieillissantes qui appartiennent au gouvernement mais sont gérées par des entreprises privées, dont General Dynamics et American Ordnance, une unité de Day & Zimmermann.
L’armée américaine a budgété 18 milliards de dollars au cours des prochaines années, ajoutant 3 milliards de dollars au cours de la dernière année, pour réorganiser les usines de fabrication de bombes et de matériel militaire, usines que la secrétaire de l’armée, Christine Wormuth, a qualifié de « vintage » lors d’une audience au Congrès le 19 avril.
L’Union Européenne piétin
Face au conflit ukrainien, les États membres de l’UE sont dans la même situation que les Etats Unis, notamment pour fournir l’Ukraine. Un plan d’approvisionnement en munitions en trois volets, a été signé en mars. La première partie de ce plan proposé par l’UE met un milliard d’euros sur la table pour inciter les États membres à puiser dans leurs stocks pour se procurer des munitions à envoyer rapidement à Kiev.
Mais ces stocks sont déjà utilisés et commencent à s’appauvrir. Le deuxième volet du plan prévoit un financement européen d’un milliard d’euros supplémentaires pour commander des obus de 155 millimètres pour l’Ukraine. Ce financement intervient dans le cadre d’une vaste campagne d’achats communs visant à inciter les entreprises européennes à augmenter la production au niveau national. Mais des détails juridiques ralentissent l’affaire : faut-il attribuer les contrats d’achat de munitions exclusivement à des entreprises de l’UE ou de les ouvrir à des fabricants de pays tiers (la Turquie par exemple).
L’Union Européenne (UE) n’a pas une idée claire des capacités de production des différents Etats membres. L’UE est désigné comme le chef d’Etat major, mais ignore de combien d’armes, de troupes et de munitions elle dispose.
Le spectre de Taiwan
Outre l’Ukraine, les Occidentaux sont confrontés à deux autres risques de guerre. Le premier est celui d’une éventuelle invasion de Taiwan par la Chine avec pour effet collatéral une guerre entre la Chine et les Etats Unis. Le second risque de guerre est moyen-oriental. Le retrait américain du Moyen Orient a incité l’Iran a accélérer ses préparatifs d’une guerre multi-fronts contre Israël. La stratégie est simple, il s’agit pour l’Iran de mobiliser ses milices proche orientales (Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza, différentes milices en Syrie, Houthis au Yemen, autres milices en Irak) et de leur demander d’expédier toutes en même temps autant de missiles qu’il est possible sur Israël Le Hezbollah a lui seul en aurait 150 000 dans ses silos souterains.
L’Iran passait jusqu’à présent pour une puissance militaire low cost, mais il apparait que ce pays est en mesure de fournir à l’armée russe les obus et missiles qui lui manquent. Les drones kamikazes iraniens et les missiles iraniens se révèlent bougrement efficaces contre les infrastructures ukrainiennes.
Non seulement, l’Iran fournit la Russie en drones kamikazes et en missiles, mais elle fournit également, sans risque de pénurie apparent, ses milices en Syrie, au Yémen et en Irak. Le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza, les milices pro-iraniennes en Syrie, les Houthis au Yemen, les milices pro-iraniennes en Irak sont toutes équipées en missiles et en drones par l’Iran avec pour consigne de se préparer à les envoyer tous ensemble en quelques jours sur l’Etat d’Israël.
Israël, cible de tout ce dispositif multi front, commence à se demander s’il disposera d’assez d’armes et de munitions pour alimenter ses différents dispositifs de missiles anti-missile ? Or toutes ses munitions proviennent des Etats Unis. . Les Etats Unis qui disposaient de stocks d’armes et de munitions importants en Israël, ont commencé à les vider pour les envoyer en Ukraine. « Les États-Unis viennent de prendre une énorme partie des munitions d’Israël pour les transmettre à l’Ukraine », a reconnu le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
Les Etats Unis montrent clairement que leur solidarité avec l’Ukraine prime sur leur solidarité de principe avec Israël.
Apres l’Ukraine, qui va tirer le premier ? La Chine ou l’Iran ? Telle est la question !