Libye (3), les ex forces du colonel Kadhafi au coeur de l’armée nouvelle

La géographie des armes de 2011 se retrouve encore aujourd’hui, mais avec une fragmentation accrue, du fait même déjà du grand clivage entre le camp du Gouvernement d’Union Nationale (GUN) et celui de la dissidence de Benghazi qui finalement a plus de poids financier, militaire et diplomatique que Tripoli.

Un des objectifs de l’agression de l’intervention l’OTAN en 2011 adossée aux troupes françaises et anglaises  était la destruction des forces de défense et de sécurité du colonel Kadhafi qui aura été à la tète de la Libye pendant quarante deux ans. Celles-ci comptaient un effectif théorique de 100000 hommes dont une réserve de 40000 supplétifs peu formés. Sur les 6 000 soldats en principe destinés au combat, une large partie n’avait pas accès aux munitions et à l’équipement moderne.

Les brigades spécialisées et opérationnelles restaient sous les ordres de parents ou de proches de Kadhafi. Ainsi, la brigade Omar el-Megarief, commandée par Mohamed Barrani Ichkal, cousin du Guide, ou la 32e brigade dirigée par Khamis Kadhafi (supposément mort en 2011), étaient les éléments clés de la protection du régime.

Les forces anti-aériennes ont d’abord été équipées par la France, l’ex-URSS et la Grande-Bretagne et ont montré leur capacité lors des bombardements américains de 1986 (Opération Eldorado Canyon) ciblant la personne même du Guide. Elles étaient d’ailleurs principalement destinées à la protection personnelle de Kadhafi et peu mobiles à cette époque car articulées à des radars statiques fournis par la France. Cependant, le système de défense Air-Sol de Kadhafi, doté de nouveaux protocoles de communication performants, après la levée de l’embargo sur les armes de 2004, lui a permis de prolonger la résistance à la tornade de l’OTAN de 2011 (Les forces américaines ont tiré 192 Tomahawk sur des objectifs libyens pendant dix jours contre 7 seulement pour le reste de la coalition). Certain observateurs anglo-saxons noteront qu’un despote africain a tenu tête à la plus puissante des coalitions militaires du monde. Les avions français,  en 2011, n’ont pu approcher de Tripoli et assuraient très loin la « No Fly » zone au-dessus de Benghazi.

Après la mort de Kadhafi, les nouvelles autorités, les Nations-Unies et l’OTAN démantèlent les troupes terrestres dont 25 000 conscrits qui sont lâchés dans la nature. Sur les 2200 chars de bataille, une bonne partie a été détruite et le reste part à la casse. L’artillerie qui comptait plus de 2500 pièces, dont 424 lance-missiles air-sol, est anéantie, à l’exception de 500 mortiers que les forces insurgées vont se disputer. 

La légion africaine de Kadhafi bénéficiait de l’entrainement et de l’épreuve de ses combats au Niger et au Tchad et a reçue, pendant la résistance à l’insurrection libyenne entretenue par l’OTAN, le concours de mercenaires soudanais, nigériens (nombreux Touaregs) et tchadiens.

Le maelstrom de l’armée « nationale »

Le commandement officiel de l’armée obéissant aux autorités de Tripoli, reconnues par les Nations-Unies, repose sur trois hommes : le vice-président du conseil présidentiel, le commandant en chef Musa Al-Kony,  son chef d’État-major,  le général Mohammed Al-Haddad, et le directeur général des affaires de sécurité, le général Mohammed Aboubakar. 

Mais l’engagement d’Haftar dans la lutte contre les groupes armés islamiques, qualifiés de terroristes, vont faire du médiocre officier de Kadhafi, formé en Union soviétique, prisonnier des Tchadiens, puis ensuite «agent » de la CIA , le maréchal de ligne des Libyan Arab Armed Forces (LAAF), instituées armée nationale. Ses membres d’ailleurs la nomment tout simplement al-jaysh, c’est-à-dire « l’armée ». Ce n’est en réalité qu’un amalgame de forces disparates et d’auxiliaires indisciplinés et parfois rebelles. 

La seule unité structurée de manière conventionnelle est la brigade 106, forte de 8 bataillons d’élite, le noyau dur de l’appareil militaire du maréchal. Haftar peut compter également sur Khalid ibn Al-Walid qui dirige lui-même une brigade. Enfin, l’Internal Security Agency (ISA) traque les opposants militaires et civils avec le concours des Security Units du Brigadier général Khaled Haftar, déjà patron de la brigade 106.

« L’armée » domine une large partie du territoire libyen,  à l’exception de Tripoli et de ses environs, mais sans emprise consistante, y compris dans sa supposée place forte de l’Est. Les unités tribales de « l’armée » sont sous les ordres de personnalités indépendantes d’Haftar. Il s’agit de plusieurs et influents colonels : Faraj al-Barasi, al-Mahdi al-Barghathi, Muftah Hamza, Faraj Egaim, Salah Boulaghib et Ibrahim Jadhran. Faraj Egaim pesait d’un poids certain comme représentant de la tribu Awagir de Benghazi. Il s’est illustré en 2014 lors de l’opération Dignité et cela a déplu à Haftar qui l’a mis en prison. Après l’échec de ce dernier devant Tripoli, Egaim a été libéré mais ses hommes n’ont pas d’équipement militaire lourd. A Benghazi aussi, Haftar ne peut pas vraiment compter sur les Saiqa Special Forces commandé par Mahmoud al-Werfalli, où se trouvent de nombreux anciens soldats et agents de renseignement de Kadhafi.

Supervisant ce nœud de complicités et de rivalités,  le général Abdulrazzak al-Nadhouri, chef d’État-major coordonnant terre, air et mer,  dirige officiellement les forces armées libyennes de l’Est, dite «l’armée». On le voit sur la photo ci-dessous, le deuxième à droite avec ses chefs de l’aviation et de la marine, respectivement à gauche. Il a fort à faire dans sa mission de conduite des forces de l’Est car son allié Haftar a nommé, il y a peu, son fils Saddam, chef d’état-major des Forces terrestres. 

Par ailleurs, le précédent commandant des forces terrestres et membre du Comité militaire mixte, Amraja Al a été affecté au poste de chef de l’Autorité des Affaires Techniques de l’armée personnelle d’Haftar, l’Armée de Libération Nationale (ANL). Enfin, le général Fawzi Al Mansouri, commandant de la région de Sebha, a été nommé directeur du département du renseignement militaire, mais agit en faveur d’Haftar.

Un rapprochement des deux États-majors  

 Le général Abdulrazzak al-Nadhouri est né en 1960 à Al-Marj, à une centaine de kilomètres à l’est de Benghazi, le fief où il se retire en fin de semaine. Il fait partie de la deuxième génération d’officiers libyens, celle qui suit la génération de Kadhafi et d’Haftar. Diplômé de l’académie militaire de Tripoli en 1982, il intègre la police militaire, puis, en 1985, la direction des renseignements. Un an plus tard, il retourne dans sa ville natale. Exclu de l’armée (avec rang de colonel) pour sa participation au complot des Warfalla, en 1993, il écope de la peine capitale, commuée en détention qui se termine en 2004. Certains contestent cette version et disent qu’il a été le patron tout puissant de la brigade al-Marj à l’époque du Guide. C’était le réacteur nucléaire de la puissance politique et sécuritaire de Kadhafi avec ses conseillers tchécoslovaques, eux-mêmes sous contrôle du GRU. Il aurait ainsi mené nombre d’opérations extérieures, de l’Irlande à la Palestine, et infiltré l’opposition intérieure. Quoi qu’il en soit lors de la chute de Kadhafi, il est très actif. En avril 2011, il constitue avec Bouajila el-Habchi, la Katiba al-Awfiya (la «brigade des loyaux »).Elle se distinguera dans les combats à Misrata mais Abdulrazzak al-Nadhouri veut se différencier à présent des insurgés de 2011, en particulier des milices politiques et religieuses. 

Abdul Razzaq al-Nadhouri est ensuite désigné, dans le sillage d’Haftar,  chef d’État-major de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) par la chambre des représentants de Tobrouk, celle de l’Est, en 2014. Il a comme alliés : Saqr al-Jarushi, le patron jusqu’en 2013 de l’aviation militaire du pays, puis démis par le gouvernement de Tripoli. Abdul Razzaq al-Nadhouri garde aussi la main sur le bataillon 115, dirigé par un de ses fils, Abdul Fatah. En face Haftar est parvenu à débaucher la plupart des officiers de commandement de Kadhafi regardés comme dangereux à Tripoli. On peut citer Mohamed Bin Nayel,  Belgasim al-Abaj qui va prendre la tête du groupe d’opérations Sud des Forces Armées Arabes Libyennes, constitué de milices et de mercenaires d’Haftar, mais aussi Maatoug al-Zadma (Bataillon 128), Masoud Jeddi (Bataillon116) et Omar Morajea (Brigade Tariq Bin Ziyad). 

La coexistence délicate entre les éléments d’Haftar et d’Abdul Razzaq al-Nadhouri résulte d’un fragile mariage de convenance. Le déclin d’Haftar et les excès de ses fils accélèrent le processus de scission entre les deux ligues et encouragent les anciens de Kadhafi à se rapprocher, qu’ils soient à l’Est ou à l’Ouest. Mais en dépit de cette épreuve, Abdul Razzaq al-Nadhouri reste attaché à l’unité du pays et a des échanges constants avec les maitres espions de Tripoli. Il ambitionne de reconstruire l’armée avec le vice-président du conseil présidentiel, le commandant en chef Musa Al-Kony,  son chef d’État-major,  le général Mohammed Al-Haddad, et le directeur général des affaires de sécurité, le général Mohammed Aboubakar. 

En 2022, d’ailleurs, il effectue une visite officielle à Tripoli et tente de s’imposer vis-à-vis d’Haftar et comme patron de forces armées libyennes unifiées. La réunion, alors,  de Nadhouri avec Haddad, le patron de l’armée de Tripoli a lieu en présence des dix officiers, membres de la Commission militaire mixte (5+5) a eu comme résultat des arrangements extrêmement importants, s’agissant en particulier de la nécessité de nommer un seul et unique chef d’état-major de l’armée. C’est l’ambition profonde de Nadhouri. A laquelle s’oppose définitivement Haftar. 

Pourtant le maréchal n’a gagné de batailles que dans l’Est, et il s’agissait principalement de terroriser ceux supposés proches des terroriste. Dans la ville de Derna, ravagée en 2023, par la rupture d’un barrage suite à de fortes pluies, il avait défait le «Conseil de la choura des Moudjahidines de Derna» mais au prix de destructions et de massacres. Ensuite, ses relations se sont dégradées avec Aguila Saleh. Ce président du Parlement, élu en juin 2014, puis exilé à Tobrouk après les affrontements entre l’ANL et le bloc militaire de la Tripolitaine, a été marginalisé par Haftar. A présent, l’armée d’Haftar, qui se détache de plus en plus des forces sous le contrôle d’Abdulrazzak al- Nadhouri, est basée à Tobrouk tandis que l’État-major des forces armées de l’Est, demeure à Benghazi. Cette ville n’aime pas Haftar qui l’a détruite et y a laissé les salafistes imposer leur ordre à la société tandis que son fils s’appropriait terrains et immeubles sous le prétexte de reconstruction.

Cependant, soutenu par l’Égypte et les Émirats arabes unis, le patron de l’ANL contrôle la majeure partie des champs pétroliers libyens et les quatre terminaux d’exportation du brut. C’est sa véritable force de frappe et cela lui permet de moderniser à un rythme accéléré son arsenal.  Les Russes le soutiennent sans réserve et assurent maintenant sa sécurité rapprochée en exportant le pétrole brut comme paiement. 

A l’Ouest, rien de nouveau

Les forces régulières libyennes se divisent en deux nébuleuses assez rapidement lors du soulèvement de 2011.  À l’Ouest et au Sud, la plupart des unités militaires restèrent fidèles au régime. Elles combattront jusqu’à la fin contre les attaques de l’OTAN et de leurs alliés locaux. Certains officiers vont toutefois rejoindre des groupes armés dits « révolutionnaires », parfois en nombres importants, notamment à Misrata et dans les montagnes de Nafusa. 

Le gros des unités de l’Est, qui incluent les forces spéciales Al-Saiqa, l’armée de l’Air et les renseignements militaires, désertent en 2011 et se soumettent à l’autorité du Conseil National de Transition (CNT), formant dans la foulée « l’Armée».

L’Opération Karama (Dignité) d’Haftar a permis aux brigades Zintan de s’emparer des bâtiments du Congrès Général National (CGN), organe héritier du CNT, à Tripoli, et de déclarer dans la foulée leur allégeance à Haftar. C’est le début de la seconde guerre civile libyenne. Le CGN affronte le Parlement de Tobrouk en mobilisant les milices de Misrata et de Tripoli contre Haftar et ses partenaires. Il s’agit de part et d’autre de coalitions hybrides, mêlant des unités de l’armée régulière, des groupes armés enregistrés auprès des ministères de la Défense ou de l’Intérieur (donc payés par ceux-ci), des milices tribales, ou des civils se battant pour des raisons idéologiques. L’opération Karama contre les djihadistes s’est d’abord structurée autour d’unités militaires régulières: les forces spéciales Al-Saiqa basées à Benghazi, les unités aériennes de la base aérienne Gamal Abdel Nasser près de Tobrouk et de l’aéroport de Benina. Des milices tribales comme les formations Baraghitha du commandant Ibrahim Wakwak, les Toubous de Koufra et les Touaregs d’Oubari, et des milices d’autodéfense régionales de Cyrénaïque se sont ensuite agrégées à ce noyau dur. À l’ouest, les brigades Zintan et quelques milices tribales de la région de Warshefana se sont aussi ralliées à Haftar. Certaines de ces milices sont composées de salafistes madkhalistes farouchement opposées au projet djihadiste de conquête du pouvoir par les armes

La configuration martiale actuelle à Tripoli semble encore plus instable avec la Deterrence Apparatus for Combating Organized Crime and Terrorism (DACOT , aussi connue comme Rada), la Stability Support Authority (SSA), et la Brigade 444. Ces unités de stabilité et de maintien de l’ordre s’affrontent en plein Tripoli et, sous le regard impuissant de la MINUL, pillent les entreprises et les habitants. Pourtant la Banque centrale libyenne, jusqu’à il y a peu, assurait le paiement de leurs salaires à la différence des autres milices hors de Tripoli qui pour salaires rançonnent les migrants, trafiquent le carburant, les armes, la drogue et l’alcool.

Tripoli subsiste cependant et a pu refouler les offensives d’Haftar car sa défense est turque. Le ministre de la défense de Turquie, Yaşar Güler, établissait en 2023 que son pays avait formé 15 000 militaires turcs et organisait sa marine. L’unité qui en a le plus profité reste la brigade 444 où se trouvent nombre de frères musulmans, mais aussi des bandits qui terrorisent la population. Ankara boucle le système aérien et naval de défense de l’Ouest en possédant la base aérienne d’al-Watiya et la base navale de Misrata.

Moscou tient Haftar

Le ministre adjoint de la défense russe, Yunus-bek Yevkurov a visité plusieurs fois depuis 2023 l’est de la Libye tandis que Poutine a reçu Haftar à Moscou. Dans les ports de Tobrouk et de Ras Lanuf,  les Russes ont trouvé le débouché de leur base de Tartus en Syrie. Un véritable pont naval s’instaure afin de transporter troupes russes et matériel létal vers Tobrouk. Les navires sont connus : l’Alexander Otrakovsky et l’Ivan Gren. Ces vaisseaux font des rotations avec Tartus et transportent des centaines de mortiers et de munitions, les armes décisives d’une guerre urbaine. Haftar a pu avec cette aide compléter l’équipement de ses véhicules Toyota Land Cruiser avec des mitrailleuses lourdes russes. Les blindés sont aussi renforcés par des chars russes. Certaines des unités d’Haftar sont à présent fournies en matériel récent, y compris des véhicules de transport de troupes, certains achetés par les Émirats arabes unis. 

Selon Arnaud Delalande, expert des questions libyennes, le personnel militaire sur lequel peut compter Haftar est conséquent : de l’ordre de 15 000 hommes avec une mobilité accrue depuis le soutien russe. S’y ajoutent 12 000 membres de milices auxiliaires, dont plusieurs unités soudanaises du Darfour (des factions de l’Armée de libération du Soudan commandée par Minni Minawi et Abd el Wahid Nour) ainsi que des milices tchadiennes tels le «Rassemblement des Forces pour le Changement» (RCF).

Les brigades Zintan constituent une force bien entraînée et équipée, avec environ 2 500 soldats. Elles contrôlent l’ancienne base aérienne d’Al Watiya. Pour autant, le Conseil militaire de Zintan n’est ni un opposant actif ni un allié proche du maréchal Khalifa Haftar. Les brigades Zintan bénéficient néanmoins du réseau logistique et d’approvisionnement en armes de l’ANL. Leur basculement lors d’un affrontement entre forces de l’Est serait décisif.

Dans le sud libyen, Haftar se serait récemment allié aux Oulad Souleymane, groupe tribal qui a profité de la dégradation de la situation dans le Sud pour prendre en charge les services de sécurité de la ville de Sebha et les activités liées au trafic régional. Cela a conduit ce groupe tribal à entrer en conflit avec les Toubou et les Touareg, qui contrôlaient traditionnellement les itinéraires de contrebande transfrontaliers.

Qui tient les cieux et la mer 

La principales faiblesse de la mouvance belligérante d’Haftar pourrait être la maitrise du ciel. Les pilotes expérimentés viennent de l’époque Kadhafi. Ils n’ont pas de sympathie pour le maréchal et leurs avions sont trop vieux. Leur remplacement par une nouvelle génération est en cours avec des formations prises en charge par l’Égypte. La maintenance et la rénovation du vieil équipement reste toutefois une problématique centrale. Si l’on peut se procurer des pièces de rechange supplémentaires en cannibalisant les avions abandonnés dans les différentes bases aériennes, encore faut-il du personnel qualifié pour les réparer et les entretenir. Ainsi la composante aérienne de l’ANL manque d’acteurs nécessaires à la tenue de bombardements efficaces. Le gouvernement d’union nationale (GUN) partage le même problème ce qui fait que l’utilisation d’avions de combat est très sporadique. 

Depuis 2018, des livraisons de pièces détachées pour d’anciens MiG-23 russes ont commencé à arriver à la base aérienne d’al-Abraq. Les pilotes égyptiens, émirati et biélorusses ont soutenu les opération d’Haftar mais ont subi des pertes qui les découragent d’un engagement direct. D’ailleurs, inspirés par les guerres sahéliennes qu’il fréquentent au Niger et au Soudan, les soldats d’Haftar misent tout sur les drones militaires en particulier les drones chinois MALE Wing Loong 2 qui devraient surpasser ceux de leurs adversaires, grâce à des stations de contrôle performantes. Ils peuvent de surcroit accueillir différentes munitions comme des bombes TL-2 de 16 kg, des missiles antichars Blue Arrow-7 anti-blindage de 50 kg, des bombes AG300/M à guidage laser de 50 kg,…

Haftar a acquis des avions supplémentaires lors de la prise de la base aérienne d’al-Watiya, dans l’ouest de la Libye, en août 2014, où un certain nombre d’avions de combat Mirage et de chasseurs-bombardiers Sukhoï Su-22 étaient entreposés dans les abris.

La marine de Haftar est succincte : des pneumatiques français et un navire amiral construit en Irlande. L’Alkarama a été acheté à la marine irlandaise lors d’une vente aux enchères en 2017. La majeure partie de la flotte navale libyenne de l’époque Kadhafi a été détruite par les bombardements de l’OTAN, en soutien aux forces de l’opposition lors de la guerre civile de 2011.

Bien que défaillant en matière aérienne, l’argent permet toutefois aux forces d’Haftar de se défendre avec des drones et de bombarder leurs ennemis. Les bases aériennes échappent cependant à la chaine de commandement du maréchal Haftar et sont encore fidèles à Abdul Razzaq al-Nadhouri. Haftar attend avec impatience que la trajectoire des satellites émirati se déplace du Soudan vers la Libye afin de le renseigner sur les regroupements des protagonistes de la lutte contre le pouvoir en Libye.

 La marine reste dans l’orbite du CEMG Abdul Razzaq al-Nadhouri. Elle dispose d’un équipement qui n’était pas supposé contribuer à une guerre fratricide. En mai 2013, la marine libyenne a ainsi réceptionné 30 bateaux semi-rigides commandés au constructeur français de bateaux à usage militaire Sillinger. Ces bateaux de grande puissance sont utilisés pour les patrouilles frontalières et les tâches de garde-côtes, pour la protection des installations vitales ainsi que pour la surveillance des intrusions et des débarquements illicites en mer. Leur équipage, formé par la France, se rallie à Haftar

Le mois suivant, la marine libyenne a reçu deux navires de patrouille Raidco Marine RPB 20 en provenance de France. L’un, nommé Janzour, est basé à Benghazi tandis que l’autre, nommé est basé à la base navale de Tobrouk. Ils ont été remis à la marine libyenne en France, à la suite de quoi Raidco a passé plus d’un mois à former 32 officiers et marins libyens et six agents de maintenance. Ces patrouilleurs, y compris celui de Tobrouk, sont dans le camp du CEMG.

Le retour des Kadhafistes 

En somme le CEMG ne parait pas avoir la prééminence militaire face à l’intensité du soutien russe et à la persistance de l’appui égyptien et émirati envers Haftar. Il possède cependant une capacité d’action sur les ports et les implantations militaires et bénéficie d’une popularité sans égale dans Benghazi et les environs.  On estime son potentiel de mobilisation d’une partie de l’armée de l’Est à 8000 hommes. La force du Sud, avec d’anciens de Kadhafi, lui serait favorable avec ses 5000 soldats et une milice de 3000 combattants expérimentés. Ces hommes peuvent tenir sans difficultés les villes de Benghazi et de Sebha face à Haftar. 

Peu ont envie d’en découdre et l’issue préférée par beaucoup serait le recomposition d’une armée associant l’Est et l’Ouest pour mieux annihiler la brigade 444 et la brigade 106. Ce scénario a peu de chances de succès sans l’application intégrale de l’embargo sur les armes. On voit mal Poutine s’y soumettre.

Cependant le déploiement des réseaux kadhafistes au sein des forces de l’Est leur confère également une nouvelle visibilité, leur permettant d’être réintroduits progressivement dans les canaux de discussions politiques et diplomatiques pour la résolution du conflit. Les « kadhafistes » se montrent capables de se mobiliser au cours des actions menées sur le territoire par Khalifa Haftar, et agitent l’épouvantail du retour sur le devant de la scène de Seif el Islam. Malgré les critiques qu’elle subit, l’époque de Kadhafi signifie la mise en place d’un État. Ce n’est pas dans l’intérêt des gangs armés que symbolise malgré l’uniforme Haftar. 

Nadhouri représente le retour à l’ordre. Selon lui : « Après la libération, l’armée a été marginalisée par les « pseudo-révolutionnaires ». Je considère que les authentiques révolutionnaires sont retournés à la vie civile. Les autres, et surtout les islamistes, ont tout fait pour empêcher la constitution d’une force à même de les gêner dans leur conquête du pouvoir. » 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)