Les ambassadrices de France et des Etats-Unis à Beyrouth se rendent ce jeudi, 8 juillet, en Arabie Saoudite pour discuter du Liban avec les dirigeants du royaume wahabite, dans le prolongement de la réunion tripartite tenue le 29 juin à Rome.
Un article de Michel Touma
Le sombre tableau, à bien des égards apocalyptiques, qui marque le quotidien des Libanais a été marqué mercredi 7 juillet par un développement majeur qui a apporté une petite note positive susceptible de donner une lueur d’espoir face au climat de déliquescence généralisée que vit le Liban depuis plusieurs mois : l’annonce de la visite impromptue que les ambassadrices de France Anne Grillo et des Etats-Unis Dorothy Shea à Beyrouth effectueront conjointement jeudi 8 juillet en Arabie Saoudite afin de discuter avec les dirigeants saoudiens des moyens de faciliter un déblocage de la crise politique, socio-économique et financière dans laquelle se débat le Liban depuis plus d’un an et demi.
Des ambassadeurs itinérants
Il s’agit là d’un précédent diplomatique qui illustre bien l’extrême gravité de la situation au Liban et l’urgence de la recherche d’une sortie de crise dans le pays. C’est sans doute la première fois, en effet, que des ambassadeurs – de grandes puissances, de surcroît – accrédités dans un pays effectuent un déplacement conjoint dans une capitale tierce pour débattre de la situation dans le pays où ils sont en poste.
Cette mission conjointe des ambassadrices Grillo et Shea à Ryad confirme ce que Mondafrique avait rapporté il y a quelques jours concernant un regain d’intérêt des instances internationales et une coordination américano-franco-saoudienne au sujet de la situation au Liban, Paris et Washington ayant convenu semble-t-il d’entreprendre une action conjointe afin de tenter de sortir le pays du Cèdre de l’impasse. Les concertations tripartites qui auront lieu aujourd’hui dans la capitale du royaume wahabite s’inscrivent dans le prolongement de la réunion que les ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis, Antony Blinken, de France, Jean-Yves Le Drian, et d’Arabie Saoudite, le prince Fayçal ben Ferhan, avaient tenue le 29 juin à Rome, en marge du sommet du G 20. Au cours de cette rencontre, les chefs de la diplomatie américaine et française auraient pressé les Saoudiens de mettre fin à leur repli de la scène libanaise.
L’Arabie Saoudite, qui est traditionnellement l’un des principaux soutiens du Liban en période de crise, marque depuis plusieurs années un désintérêt à l’égard de l’évolution de la situation politique sur l’échiquier libanais en raison de la mainmise opérée par le Hezbollah libanais pro-iranien à tous les échelons du pouvoir à Beyrouth. Ce repli saoudien a toutefois laissé le champ libre au Hezbollah et a de ce fait renforcé l’emprise de l’Iran – ennemi régional de Ryad – au Liban. Paris et Washington chercheraient donc à amener l’Arabie Saoudite à peser de tout son poids dans la balance et à mettre à profit ses amitiés à Beyrouth afin de faciliter un déblocage en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. La mission des ambassadrices Grillo et Shea vient ainsi compléter les entretiens que les trois ministres avaient eus à Rome.
Nouvelle réunion franco-US à Washington
La réunion tripartite du 29 juin dans la capitale italienne avait été précédée le 25 juin d’un entretien que MM. Le Drian et Blinken avait eu à Paris et qui avait porté également, entre autres, sur la situation au Liban. Dans un tweet qu’il avait posté à l’issue de cette entrevue, le Secrétaire d’Etat avait mis l’accent sur la nécessité de former dans les plus brefs délais une équipe ministérielle capable de mettre en chantier les réformes structurelles réclamées par les instances internationales afin de débloquer l’aide économique promise.
Selon certaines informations, cette coordination accrue entre la France et l’administration Biden au sujet du Liban sera à nouveau discutée au cours d’une nouvelle réunion que le chef du Quai d’Orsay aurait dans quelques jours à Washington avec son homologue américain.
L’ensemble de ces démarches illustre en outre le regain d’intérêt des Etats-Unis pour la situation au Liban. C’est dans ce cadre qu’Antony Blinken avait discuté fin juin du dossier libanais avec le pape François, quelques jours avant la « journée sur le Liban » que le Souverain Pontife a organisée le 1er juillet au Vatican pour se concerter avec les patriarches et chefs spirituels des communautés chrétiennes libanaises, catholiques, orthodoxes et évangéliques. Ces assises ont mis en évidence l’intérêt particulier que le pape manifeste au sujet de la situation dramatique du Liban, de même qu’elles ont marqué dans ce cadre le point départ d’une action soutenue que le Saint Siège est déterminé à mener auprès des instances internationales afin de sauvegarder « l’identité » libanaise et sa vocation de pays porteur d’un message de paix et de dialogue interculturel et interreligieux dans cette partie du monde.
Pour l’heure, la grande question que se posent les Libanais est de savoir si la nouvelle coordination américano-franco-saoudienne réussira à faciliter la naissance du nouveau gouvernement, passage obligé pour l’octroi d’une aide économique et financière internationale susceptible de mettre un terme au véritable calvaire que subit la population dans sa vie quotidienne du fait de la déliquescence de l’ensemble des services publics et de la pénurie de tous les produits de première nécessité.