Le massacre de Peuls à Ogossabou est un drame d’une gravité exceptionnelle. Le Mali n’est pas le seul pays menacé de troubles graves. Plusieurs États sahéliens sont aussi touchés.
La communauté Peule, soit environ 40 millions de personnes, est répartie sur une dizaine d’États sahéliens qui vont des rives du fleuve Sénégal au Darfour soudanais. On les retrouve principalement au Nigeria (17 millions), en Guinée (4,6 millions), au Mali (3,5 millions), au Sénégal (3,5 millions), au Cameroun (3 millions), en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso, en Guinée Bissau, au Tchad et en Centrafrique.
Une communauté homogène et combative
Où qu’ils se trouvent, les Peuls et leurs cousins sédentarisés également répartis des deux côtés du fleuve Sénégal, les Toucouleurs, ont en commun une langue internationale homogène, le Puulaar, des héros mythiques comme El Hadj Oumar Tall, une littérature foisonnante avec des écrivains célèbres comme le Malien Amadou Hampâté Bâ, un culte de la beauté, comme la magnifique cérémonie rituelle de Gerewol des Woodabe au Niger, des hommes politiques ayant marqué l’Histoire comme le Guinéen Diallo Telli ou le père fondateur du Cameroun Ahmadou Ahidjo, des artistes de renom comme le Sénégalais Baaba Maal ou le Franco-Sénégalais Omar Sy. Les Peuls se regroupent dans des associations de défense de leur culture et promouvant le développement économique et social, comme l’association internationale Tabital Pulaaku.
Les Peuls ignorent les frontières des États pour suivre leur troupeau sacré. Rien de plus important est la transhumance de leurs zébus. On devine évidemment leurs conflits traditionnels avec les peuples sédentaires de cultivateurs. La violence peut être alors sans limites. Les événements dramatiques de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie eurent pour origine cette opposition ancestrale, à Diawara dans le Guidimakha. La crise centrafricaine eut pour prémisses les répliques armées des Peuls Bororos, avec leur leader Baba Laade, et ses successeurs comme actuellement Ali Darassa de l’UPC. Evidemment, les événements récurrents au Mali, notamment a Ogossabou, sont en partie dûs à cette confrontation ancestrale. Il serait toutefois erroné de n’y voir que cela.
Les Peuls souvent boucs émissaires.
Sous des appellations différentes comme Haalpulaar en Mauritanie, Fulani et Woodabe au Sahel et Bororos au Cameroun et en Centrafrique, les Peuls sont souvent victimes de persécutions. Leurs territoires historiques comme par exemples le Macina au Mali, le Fouta Toro au Sénégal, le Fouta Djalon en Guinée, le Sokoto au Niger et les Lamidats au Cameroun sont plus ou moins abandonnés par le pouvoir central des États. Ils ne bénéficient que très modestement des plans de développement étatiques et de l’aide internationale. Les partenaires techniques et financiers et les institutions onusiennes ont des logiciels qui ignorent les réalités transfrontieres. De ce fait, le sentiment d’abandon est de plus en plus mal vécu par la jeunesse obligée de s’expatrier.
Les Peuls et les Toucouleurs sont de fervents musulmans, avec un islam qui passe souvent par les confréries du Sénégal. Leur islam n’est pas de rite Wahabite venant de l’Arabie saoudite. Il n’est pas emprunt de djihadisme, comme on veut bien souvent le faire croire, comme au Mali. Les événements dramatiques de Ogossabou ont probablement pour origine une assimilation fatale et erronée aux djihadisme des mouvements, comme le Mujao ou Aqmi, même si des Peuls radicalisés ont pu rejoindre ces mouvements. Au Mali, l’armée nationale a pour habitude de lutter contre les mouvements djihadistes, en s’en prenant plus facilement aux groupements Peuls, victimes expiatoires des faiblesses militaires et des tares du régime corrompu de Bamako.
La question Peule ne pourra plus être éludée
A l’heure de la mondialisation, de la disparition des frontières, les grandes puissances et l’ONU ont peine à traiter les problèmes hors des frontières étatiques. Certes la question du djihadisme au Sahel est une exception. Il serait aussi pertinent de se pencher davantage sur la question Peule qui devrait interpeller avec le risque de radicalisation d’une jeunesse qui commence à voir les limites de l’expatriation.
Déjà, dans le Fouta Toro sénégalais, les cris de vengeance montent avec une vigueur que l’on ne connaissait pas. Le Toucouleur, Macky Sall, ne peut y être insensible. Ne doit-il pas une reconnaissance envers ce Fouta Toro qui a massivement voté pour lui et permis ainsi sa réélection au premier tour ? Alpha Condé, le président guinéen en grande difficulté, ne prend pas à la légère les mouvements du Fouta Djalon et des intellectuels peuls qui prennent de plus en plus de force.
L’ONU ne peut que constater, comme la délégation du Conseil de sécurité en mission au Mali, que les événements dramatiques du village de Ogossabou ont fait plus 160 victimes et des dizaines de blessés. La politique de l’autruche actuelle envers la question peule pourrait bientôt engendrer une crise dont on ne mesure pas encore les effets dévastateurs.
C’est une bonne réflexion et des bonnes suggestions; comme vous l’avez si bien dit, la communauté internationale n’a pas des logiciels relatifs au développement des sociétés transfrontalières. A mon avis cela doit être la préoccupation majeure des Etats concernés et surtout de l’Union africaine avant d’appeler à la rescousse la communauté internationale.
Aujourd’hui, la priorité des priorités, c’est résoudre la crise malienne dans son ensemble: avec les populations touaregs, avec les Ami et Ajmo et surtout les conflits intercommunautaires enveloppés dans un faux djihadisme. Merci