Le Forum économique mondial de Davos, qui se tient du 15 au 19 janvier en Suisse, pollue comme 350 000 voitures. Mais est-il possible de ne pas s’y rendre ? 11 chefs d’État ou de gouvernement africains sont du voyage.
Par Ian Hamel, à Genève
Le Neue Zürcher Zeitung, le grand quotidien libéral de Zurich, n’est pas tendre avec le World Economic Forum (WEF). Selon lui, « Davos est de plus en plus un rituel vide de sens, une sorte d’émission de variétés ». De quoi va-t-on parler lors de cette 57ème édition ? De « Restaurer la confiance »… En fait, hommes politiques et chefs d’entreprises se moquent éperdument des thèmes abordés. Ils sont 2 800 venant de 120 pays. Parmi eux 60 chefs d’État dont 11 Africains. Citons Cyril Ramaphosa, pour l’Afrique du Sud, Alassane Ouattara, de Côte d’Ivoire, Abdel Fattah al-Sissi d’Égypte, ou encore Abdelmadjid Tebboune d’Algérie.
Dans son édition datée de mercredi, Le Monde évoque l’impact carbone de cette grand-messe. Plus de 1 000 jets privés vont transiter par la Suisse. Soit « des émissions de CO multipliées par quatre la semaine du congrès, l’équivalent de 350 000 voitures ». Sans oublier qu’en arrivant à l’aéroport de Zurich, dirigeants politiques et patrons de multinationales ne prennent pas le train ou la voiture pour rejoindre la station de Davos, dans le canton des Grisons, mais l’hélicoptère. Ce qui ne les empêchera pas ensuite d’évoquer le « défi climatique » qui serait une menace pour la croissance.
Croiser des patrons de multinationales
Alors pourquoi aller si loin, polluer, et finalement bouder de laborieux exposés qui n’intéressent personne ? L’auteur de l’article se souvient d’une conférence qui faisait intervenir à la tribune huit ou dix personnes. Il n’y avait dans la salle qu’un unique auditeur à moitié assoupi… En fait, Davos n’a qu’une seule utilité, celle de réunir à 1 500 mètres d’altitude, dans un bled de 10 000 âmes, les grands de ce monde. Pour un décideur, c’est l’occasion, en un seul déplacement, de s’entretenir avec le Premier ministre chinois, le président ukrainien, Emmanuel Macron, le patron de Nestlé ou de Renault, le pape de ChatGPT. Et même certaines années, avec une actrice américaine…
Pour les chefs d’État africains, ils ont sous la main dix, quinze, vingt interlocuteurs de tout premier plan pour pouvoir discuter à la fois de l’impact de la guerre en Ukraine, notamment sur les pays importateurs de céréales et d’énergie. Mais aussi de la crise de la dette, de la transition énergétique et de l’opportunité pour le Continent de développer des énergies propres et durables. Dans les salles de restaurants, dans les bars et même dans les couloirs des palaces, ils croisent des patrons de multinationales. A eux de les convaincre d’investir dans leurs pays. Ils peuvent aussi plaider pour une augmentation de l’aide humanitaire, pour la mise en place de mécanismes de compensation pour les pays les plus vulnérables.
Il faut finalement louer le génie de l’Allemand Klaus Schwab, aujourd’hui âgé de 85 ans. Il a réussi, d’abord avec son Symposium européen de management en 1971, puis avec le Forum économique mondial à partir de 1987, à attirer dans un bled perdu les plus grands décideurs de la planète, en leur proposant un programme, la plupart du temps totalement insipide. Bravo l’artiste.
Forum de Davos, la présence d’innovateurs sociaux africains