Sébastien Lecornu reconnaît l’envoi de pièces de munitions en Israël afin d’être réexportées. Mais une ONG rapporte qu’aucun contrôle français n’est réalisé sur place, avec un risque de détournement pour l’armée israélienne.
Par Ümit Dönmez, Agence Anadolu
Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a admis, cette semaine, l’envoi de composants de munitions à Israël, tout en insistant sur leur destination de réexportation [1].
Ce point a été précisé à Anadolu alors que le Gouvernement français avait auparavant affirmé n’envoyer que des équipements défensifs. Malgré les affirmations de transparence du ministre, des interrogations demeurent quant au contrôle effectif de ces équipements et leur possible utilisation par l’armée israélienne.
Selon les informations recueillies par l’ONG Disclose [2], la société IMI Systems en Israël, réputée fournisseuse de l’armée, a acheté des maillons de munitions fabriqués en France. Ces maillons sont conçus pour assembler des cartouches de 5,56 mm en bandes, ce qui pose la question de leur utilisation finale. Malgré les assurances de Sébastien Lecornu et du PDG d’Eurolinks, fabricant des maillons, sur les restrictions d’usage, le manque de surveillance et de contrôle soulève des inquiétudes quant à l’usage réel de ces composants en situation de conflit, rapporte l’ONG.
L’article détaille également les commentaires d’anciens militaires israéliens sur les besoins urgents en munitions d’Israël et la possibilité que ces équipements français soient utilisés par l’armée israélienne, malgré les restrictions imposées par Paris.
– Question d’une journaliste
La journaliste indépendante Meriem Laribi a interrogé, ce jeudi, le porte-parole adjoint du Quai d’Orsay, Christophe Lemoine, sur un détournement éventuel du matériel militaire français exporté en Israël pour un usage de l’armée israélienne, notamment dans la bande de Gaza. Laribi a notamment rappelé les révélations de Disclose et MarsActu à propos des composants militaires français qui auraient été utilisés dans la fabrication des mitrailleuses employées lors du « Massacre de la farine », le 29 février [3].
En réponse à la question de la journaliste, Christophe Lemoine a indiqué que « La France n’exporte aucune arme, aucune munition vers Israël susceptible d’être utilisée dans l’offensive à Gaza, pas plus que dans les autres territoires palestiniens ».
« On a un dispositif […] de contrôles des exportations en matière de matériel de guerre et de biens à double usage, parmi les plus approfondis et les plus stricts qui existent », a-t-il déclaré avant d’ajouter que « l’essentiel des matériels qui sont exportés vers Israël consiste en des composants élémentaires, car Israël est une puissance industrielle qui intègre des composants destinés à la réexportation ».
« Notre vigilance sur cette question est toujours pleine », a-t-il assuré, avant de renvoyer Meriem Laribi vers « le ministère des Armées, qui pourra vous donner plus d’informations ».
Dans son article daté du 28 mars, Disclose rappelle que sous la pression de plusieurs ONG après la décision de la Cour internationale de Justice du 26 janvier, « le gouvernement de Wallonie, en Belgique, a pris ses responsabilités en interdisant les livraisons de poudres d’explosif vers Israël ».
« Aujourd’hui suspendues, les licences belges d’exportation de poudres vers Israël étaient, comme en France, officiellement destinées à la réexportation », lit-on dans la conclusion de l’article.
– Situation humanitaire à Gaza
Depuis octobre 2023, l’armée israélienne pilonne la bande de Gaza. La guerre menée par Tel Aviv a tué plus de 32.600 Palestiniens, dont la majorité sont des enfants et des femmes, et en a blessé plus de 75.000 autres, selon les derniers bilans communiqués par le ministère de la Santé de Gaza.
Pour la première fois depuis sa fondation en 1948, l’État d’Israël est poursuivi pour crime de génocide devant la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, pour son offensive meurtrière contre la bande de Gaza. Un arrêt rendu en janvier par la CIJ a ordonné à Tel-Aviv de prévenir la réalisation d’actes susceptibles d’être considérés comme génocidaires et de prendre des mesures pour garantir l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils de Gaza.
Cette offensive a provoqué une catastrophe humanitaire, d’énormes destructions des infrastructures, dont les hôpitaux et les écoles, une famine qui ravage désormais de nombreuses régions de l’enclave palestinienne, ainsi qu’une catastrophe sanitaire majeure, selon les organisations onusiennes.
Les bombardements israéliens indiscriminés ont également causé des destructions massives et des pénuries de produits de première nécessité. Ces attaques ont poussé 85 % de la population de l’enclave palestinienne à se déplacer à l’intérieur du pays, notamment vers la ville de Rafah, au sud du territoire, elle-même menacée d’une attaque d’ampleur par le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.
*Source : Anadolu