Après le leader islamiste tunisien Rached Ghanouchi, Alger s’apprête à accueillir l’ex président du conseil militaire libyen et ancien responsable d’Al-Qaeda Abdelhakim Belhadj. Tout en réprimant les anciens militants du FIS sur son territoire, le régime algérien tend la main aux leaders islamistes de la région pour trouver, à tout prix, les moyens d’enrayer la crise libyenne.
Selon le site eremnews relayé par le quotidien algérien Al-Khabar, le très controversé Abdelhakim Belhadj, ex-président du conseil militaire libyen, se rendra dans les prochains jours à Alger. Cette visite a pour but, selon les mêmes sources, d’étudier avec les autorités algériennes les voies et moyens de mettre un terme au chaos qui prévaut depuis quelques mois en Libye.
Alger tend la main aux islamistes
Dans un entretien accordé au même site eremnews, Abelhakim Belhadj a déclaré que sa visite n’aura pas de caractère officiel et se limitera à des rencontres avec des responsables algériens en ajoutant qu’il avait déjà effectué une visite semblable dans un passé récent au cours de laquelle il avait rencontré des responsables algériens, aux ministères des affaires étrangères et de l’intérieur.
La visite de ce vétéran de la guerre d’Afghanistan, ancien responsable du mouvement Al-Qaeda à Bagdad et compagnon d’Abou Mossab Al-Zerqaoui, marque un véritable tournant dans la stratégie algérienne en matière de traitement du dossier des islamistes. Tout en continuant de réprimer les anciens militants du FIS en les privant de leurs droits civiques et politiques, vingt-deux ans après l’arrêt du processus électoral qui allait amener le parti d’Abbassi Madani (exilé, aujourd’hui, au Qatar) au pouvoir, le régime algérien entretient de bons rapports avec le parti Ennahda du tunisien Ghannouchi. Ce dernier a été accueilli il y a quelques jours en grandes pompes par le président Bouteflika, pourtant très souffrant et mal en point physiquement. De même, l’entente est bonne avec le libyen Belhadj considéré jusqu’à une date très récente comme un dangereux terroriste que la CIA avait arrêté en 2003 à Bangkok et livré aux services secrets libyens de Kadhafi après l’avoir interrogé et torturé. Parallèlement à ces bonnes relations avec les islamistes tunisiens et libyens, Alger a été la première à accueillir le maréchal égyptien Abdelfattah Sissi après son coup d’Etat contre Omar Morsi, le premier chef d’Etat élu d’Egypte, issu du mouvement des Frères Musulmans longtemps réprimé en Egypte.
Diviser pour mieux régner
Pour nombre d’observateurs, Alger sous influence française servirait de sous-traitant pour Paris qui a besoin de garder une porte ouverte sur les mouvements islamistes en Afrique et dans le monde arabe en cette période trouble où la déferlante islamiste marque des points à travers le monde arabe mais aussi dans certaines pays occidentaux dont la France où de nombreux réseaux dormants risquent de passer à l’attaque très prochainement. Alger a déjà l’expérience dans ce domaine en faisant du mouvement Hamas (actuellement MSP) du défunt Mahfoud Nahnah, un allié utile pour contrer le FIS suite au coup d’Etat de janvier 1992. Le mouvement Hamas a même siégé à l’Assemblée Nationale et au gouvernement que ce soit sous Zeroual ou sous Bouteflika au moment où le pouvoir en place disait mener une guerre impitoyable contre les Islamistes. Pourtant des dissidents du FIS ont obtenu des postes ministériels (Omar Guechi, Sassi Lamouri et Ahmed Merani), tout comme des membres de la direction du Hamas et du mouvement ennahda après s’être débarrassé de son fondateur Abdallah Djaballah). C’était une manière pour le pouvoir algérien de récupérer une partie du mouvement islamiste et d’approfondir les divergences existantes entre ses différentes tendances.
Aujourd’hui, Alger, joue la carte de la récupération à l’échelle maghrébine en amadouant les plus modérés face aux radicaux faisant comme si le projet islamiste s’inspirait de sources différentes.
PAR HICHEM ABOUD