Après les attentats contre Charlie Hebdo, deux places seulement séparaient la France et l’Algérie sur le classement des pays sur l’indice global de terrorisme publié par l' »Institute for economics and peace ». Les deux pays occupaient respectivement la 36ème et la 34ème place, séparés par les USA à la 35ème. En prenant en compte les attentats de novembre 2015 à Paris, la France dépassera l’Algérie dans le prochain rapport. Une première pour les frères ennemis.
Rallonges dans les budgets de défense
Sauf nouveaux attentats en Algérie, Bouteflika aura donc mieux fait que Hollande en ces temps incertains de guerres asymétriques globales, passant de la 21ème place en 2013 à la 34ème pour 2014, les bilans étant calculés sur l’année précédente. Après 200.000 victimes recensées entre 1992 et 2002, le nombre de morts dans des attaques terroristes en Algérie a chuté à une trentaine par an en moyenne. Mais en 2015, le chiffre a à nouveau augmenté avec 102 terroristes abattus durant le premier semestre 2015.
Ces scores s’expliquent notamment par une meilleure efficacité des services de sécurité mais aussi une politique de récupération des jeunes éléments pris dans la spirale des organisations terroristes. Et ce, malgré la fin de l’état d’urgence, levé en 2011 en Algérie.
Par ailleurs, lundi dernier, le budget de l’Etat voté à l’Assemblée dans une bagarre générale, a consacré l’attribution à l’armée algérienne, premier poste de dépense, plus de 10 milliards d’euros. Au même moment, le Sénat français ordonnait, de son côté, une rallonge de 220 millions d’euros pour la sécurité, après les 270 millions votés suite aux attaques du 13 novembre, et surtout, après les 3.8 milliards d’euros votés en juillet dernier pour le budget de l’armée qui s’élevait l’na dernier à 31 milliards d’euros. Mais est-ce uniquement une question d’argent ?
Grandes manoeuvres au DRS
Côté algérien, le démantèlement du DRS, les services secrets militaires, illustré par la mise à la retraite du général Toufik et la condamnation à 5 ans de prison du général Hassan, chef de la lutte antiterroriste, risque de peser dans la balance, soulignant toute l’ambiguité du président Bouteflika.
Le général à la retraite Khaled Nezzar, a affirmé après le verdict que le général Toufik, alors en poste, avait adressé une correspondance au président pour expliquer le cas du général Hassan, condamné pour « non-respect des consignes hiérarchiques et destruction de documents ». En tant que chef hiérarchique direct du général Hassan, Toufik était responsable de tout ce qui pouvait lui être reproché.
Il n’y a pas eu de réponse à ce jour, a résumé le général Nezzar. Par ailleurs l’opposante trotskyste Louisa Hanoune vient de révéler des confidences sur une discussion privée qu’elle a eue avec le président en 2014 alors que le général Hassan tombait en disgrâce. « Le Président m’a dit que ce général est propre, honnête et patriote. Il a assuré que le dossier était définitivement classé. » Enfin, au niveau international, Bouteflika confiait en 2014 à ambassadeur européen : « faites quelque chose, vous les Européens, tout le monde le sait, c’est l’Arabie Saoudite et le Qatar qui financent le terrorisme et qui en sont les moteurs idéologiques. »
Malgré ces errements et une collaboration étroite entre les services français et algériens, ce qui n’était pas vraiment le cas dans les années 1990 et 2000, de nouveaux attentats son à craindre pour 2016, avec un risque plus grand en France qu’en Algérie. Dans cette course macabre au plus petit nombre de morts, tout est question d’efficacité, de méthode et d’organigramme, mais aussi de politique et de médias.
Les leçons de l’Histoire
Avant novembre 2015, la France n’avait connu qu’une seule période d’état d’urgence, pendant la guerre d’Algérie. Celle-ci fut déclarée en 1955, sous le pouvoir de la gauche socialiste et donnait les pleins pouvoirs aux militaires pour mater la révolte des indépendantistes algériens. 400.000 soldats français débarquaient alors en Algérie, des centaines de milliers de morts ont suivi, une guerre sauvage pour finalement une accession à l’indépendance.
Fait marquant de cette année 1955, le détournement le 22 octobre par les autorités françaises d’un DC-3 de la compagnie Royal Air Maroc qui transportait plusieurs dirigeants du FLN de Rabat à Tunis. L’année d’après en 1956 dans la Casbah d’Alger, un attentat à l’explosif commis par des Ultras de la communauté Pied-noir faisait 75 morts algériens, déclenchant la guerre à la bombe contre les civils.
A cette époque, les victimes françaises condamnaient évidemment ces attentats sans faire de lien avec la situation politique, à savoir l’entêtement de la France à vouloir garder ses colonies coûte que coûte. L’histoire se répète aujourd’hui. Ce n’est que très tard qu’un lien a été établi entre les attentats à Paris et l’entêtement à vouloir destituer Bachar Al Assad comme le Libyen Kaddhafi ou l’Ukrainien Ianoukovitch avant lui. Le tout sur fond d’une déstabilisation durable du Moyen-Orient.
80% d’attentats en plus
Toujours selon le rapport 2015 de l’ »Institute for economics and peace » qui prend en compte les faits survenus en 2014, il est noté une hausse de 80% des attentats dans le monde, avec un coût économique multiplié par 10, soit 52,9 milliards de dollars de dépenses, le plus haut niveau jamais atteint.
Dans ce triste palmarès, ce sont les organisations Boko Haram et Daesh qui ont fait 51% des morts, avec en tête des pays touchés, l’Irak, l’Afghanistan et le Nigéria, suivis de la Syrie, nouvellement entrée en compétition. Pour l’Europe, on trouve l’Ukraine à la 12ème place, la Russie à la 23ème, la Grèce à la 29ème et la France à la 36ème place. Le rapport note par ailleurs qu’en Occident, si le nombre de morts du terrorisme représentait 0,5% du total mondial jusqu’à 2000, il est passé à 2,6% depuis 2001 et l’attaque du 11 septembre à New York. Le rapport souligne par ailleurs que c’est l’extrémisme politique et non pas le fondamentalisme islamique, qui est le principal moteur du terrorisme dans les pays occidentaux.
Enfin, et bien c’est tout le paradoxe, il n’y a jamais eu autant de guerres contre le terrorisme et autant de terrorisme. Selon le dernier rapport de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, 1,3 millions de personnes sont mortes suite aux guerres antiterroristes lancées par les Américains en Afghanistan, au Pakistan et en Irak depuis 14 ans, estimation qui pourrait être revue à 2 millions, soit 10 fois plus que le nombre de victimes tuées par des terroristes.
Paris dégringole
Ce n’est évidemment qu’un rapport et il y a en a d’autres. Suite à l’attaque du complexe gazier de Tiguentourine dans le Sahara en 2013, l’Algérie avait été classée 11ème pays le plus touché par le terrorisme en 2013 par la société britannique de conseil en sécurité, Maplecroft. La Somalie, le Pakistan, l’Irak, l’Afghanistan et le Soudan du Sud arrivent en tête selon cet organisme. Le Koweït occupe quant à lui la dernière place de la liste.
Il y a bien sûr d’autres classements comme ceux du Foreign Commonwealth Office, de l’assureur international AON et bien d’autres. Un autre classement de Maplecroft place d’ailleurs Paris à la 97ème place des villes les plus dangereuses du monde en 2015, perdant ainsi 105 places par rapport à l’année précédente. La capitale française se place cependant toujours assez loin de Baghdad, ville la plus mortelle de la planète.
Un sondage pour changer et pour finir, celui diffusé il y a un an par le Worldwide Independent Network/Gallup International Association (WIN/GIA) pour déterminer quel est le pays qui représentait le plus de menaces contre la paix mondiale. L’Algérie ou la France ? L’Irak ou la Syrie ? Le Pakistan ou l’Afghanistan ? Pour les sondés, répartis sur toute la planète, les Etats-Unis arrivent largement en tête des réponses. Faut-il pour autant renverser Obama et bombarder Washington ?