Une année après son élection, le 22 juin 2019, le président Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani, en sa qualité de président en exercice du G5 Sahel, va recevoir le président français et ses homologues du G5 Sahel
En dépit d’une actualité politique nationale dense avec les conséquences des élections municipales du 28 juin 2020, l’imminent remaniement gouvernemental et la construction d’un » nouveau chemin » pour le dernier acte du quinquennat, le président Emmanuel Macron a maintenu sa participation au Sommet du G5 Sahel de Nouakchott, ce mardi 30 juin 2020.
Un précédent fâcheux
Une année après son élection, le 22 juin 2019, le président Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani, en sa qualité de président en exercice du G5 Sahel, va recevoir le président français et ses homologues du G5 Sahel que sont les chefs d’État du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad. Ils seront rejoints par le président de la Commision de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, et par Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie.
La réunion sera à huis clos avant une viséoconférence avec le président du Conseil européen, la Chancelière allemande, le premier ministre espagnol et le président du conseil italien.
Emmanuel Macron s’était déjà rendu à Nouakchott, les 1er et 2 juillet 2018, à l’invitation de l’ancien président Mohamed ould Abdelaziz, afin de participer au 31 ème Sommet de l’Union africaine. On ne peut pas dire que le président français en avait gardé un excellent souvenir, car de nombreux Etats avaient trouvé sa présence inopportune pour un tel sommet. Les dossiers relatifs au Sahel, notamment à la lutte contre le terrorisme, avaient été traités en marge et de manière expéditive. L’accueil prévenant réservé à la délégation du Polisario, avait achevé ses regrets pour ce déplacement peu productif.
La page Aziz tournée
On peut comprendre la légèreté avec laquelle le président francais avait désigné son représentant spécial à l’investiture, le 1er août 2019, du nouveau président mauritanien. Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani présenté comme le » Medvedev » de son prédécesseur, Mohamed ould Abdel Aziz Très vite, Emmanuel Macron a constaté que le nouveau chef d’Etat mauritanien avait résolument engagé son pays sur la voie de la restauration de l’Etat, de la réconciliation nationale et du retour de son pays sur la scène internationale, abandonnée depuis Moktar ould Daddah et de son architecte, son ministre des affaires étrangères, Hamdi ould Mouknass.
En une année, le chef de l’Etat mauritanien peut afficher un bilan que beaucoup de chefs d’Etat aimeraient présenter. Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani est probablement le chef de l’Etat du continent africain qui donne le plus de satisfaction à l’Élysée.
Un bilan mitigé après le Sommet de Pau
C’est évidemment la situation au Sahel qui motive ce déplacement d’Emmanuel Macron, alors que l’agenda présidentiel est bien rempli et que la pandémie du Covid-19 est encore active, en particulier en Mauritanie.
Depuis Pau, la Force Barkhane a été renforcée pour atteindre désormais un peu plus de 5 000 militaires français. Les moyens logistiques et de renseignement ont été développés, comme en témoignent les récentes opérations de neutralisation de djihadistes avec le succès contre le leader d’AQMI, l’Algérien Abdelmalek Droukdel.
Cela ne doit pas cacher une détérioration des situations au Mali, au Burkina Faso et au Niger, avec des chefs d’État en très grandes difficultés et de plus en plus discrédités dans des scandales de corruption, de népotisme et de clientélisme. L’interaction entre les groupes djihadistes et les défenses communautaires accompagnent la dévitalisation de ces trois Etats. Comment convaincre des partenaires techniques et financiers dans un tel contexte. La » Coalition pour le Sahel » et l » Alliance pour le Sahel » enregistrent de faibles performances. La pandémie du Covid-19 ne peut tout expliquer.
Les menaces d’Idriss Deby Itno
Déjà à Pau, le président tchadien était de mauvaise humeur. Il avait failli boycotter cette réunion « convoquée » par Emmanuel Macron, dans la ville garnison frappée par le tragique télescopage, au Mali, de deux hélicoptères occasionnant le décès de treize militaires français, le 25 novembre 2019. Idriss Deby Itno (IDI), certes compatissant notamment en tant que pilote émérite d’hélicoptère, rétorquait que les décès dans les combats sahéliens de dizaines de militaires tchadiens n’avaient jamais suscité une émotion semblable à celle qui avait motivée la réunion de Pau.
Depuis janvier 2020, IDI ne décolère toujours pas devant les faibles soutiens des Etats du G5 Sahel, de la France et de ses partenaires. La catastrophe de Bohoma, le 23 mars 2020, avec la centaine de militaires assassinés par Boko Haram avait conduit IDI à prendre la tête de l’opération punitive » Colère de Bohoma », fin mars- début avril 2020. Où se trouvaient les soutiens militaires étrangers ? Le 10 avril, le chef de guerre IDI voulait retirer ses troupes des opérations extérieures. Ce moyen de pression, habituel chez IDI, pourrait bien un jour devenir effectif avec le soutien d’une nouvelle puissance étrangère dans la région et en particulier en Libye. Le renfort tchadien de 500 militaires pour la région dite des » trois-frontières », qui était acté à Pau, se fait donc toujours attendre.
IDI ne veut d’autant plus être le « dindon de la farce » que maintenant son régime est menacé, au Nord, à la frontière sud du Fezzan et de la Cyrénaïque. Plusieurs milliers de combattants tchadiens, opposés historiquement à IDI, appartenant surtout au Front pour l’alternance et la Concorde au Tchad ( FACT) et au Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR) pourraient prochainement rejoindre les groupes armés hostiles à IDI. Ces combattants tchadiens, vétérans des conflits de la région, avaient été enrôlés de longue date en Libye. Avec l’évolution russo-turque du conflit libyen, ces combattants ont été supplantés et se trouvent aujourd’hui l’arme au pied.
Plus que jamais, IDI se trouve dans une situation délicate, ce qui devrait l’amener à freiner les sollicitations venant du G5 Sahel et de la France. Depuis Pau, la position du Tchad paraît beaucoup moins accommodante. Nul doute, que son ancien ministre des affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, sera à l’écoute de son ancien président.
La réunion de Nouakchott devrait apporter un nouvel élan dans la lutte contre les djihadistes et la restauration de l’Etat. On peut toutefois se demander, à l’instar de généraux français à la grande expérience africaine, si un autre paradigme ne devrait pas être adopté, face à l’incurie et à la mauvaise gouvernance régnant à tous les niveaux au Burkina Faso, au Mali et au Niger.