Le président français Macron, qui tente de renvoyer la responsabilité des échecs du G5 Sahel sur les partenaires de la France, a été mal briefé sur les accords qui dès maintenant et à l’exception du Burkina, encadrent la présence française.
En marge du Sommet sur le 70 ème anniversaire de l’OTAN, le président français Emmanuel Macron a laissé entendre le mercredi 4 décembre à Londres qu’il attendait que les pays du G 5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) clarifient leurs demandes à l’égard de la présence militaire française. En réalité, le Mali, le Niger et le Tchad ont passé des accords militaires bilatéraux qui justifient les opérations de la force Barkhane sur leur territoire.
En revanche, le Burkina Faso et la Mauritanie n’ont pas signé d’accord pour permettre à Barkhane d’intervenir de façon permanente.
Tchad, le bon élève
Aucun accord militaire global entre le G 5 Sahel pris comme entité et la France n’est possible. Le G 5 Sahel est né en décembre 2014, soit cinq mois après le début de l’opération Barkhane lancée en aout 2014 par la France, à la suite de l’opération Serval engagée en janvier 2013 au Mali pour stopper l’avancée des djihadistes, partis du Nord Mali vers Bamako.
La France maintient une présence militaire permanente au Tchad depuis 1986 d’abord dans le cadre de l’opération Epervier déclenchée à la demande du président Hissène Habré pour faire face à l’arrivée sur son territoire des troupes libyennes. Après avoir évolué au gré de très nombreux accords entre Paris et N’Djamena, Epervier est devenu Barkhane en aout 2014. C’est d’ailleurs au Tchad que se trouve le quartier général de Barkhane.
Niger et Mali, la France chez elle
Avec le Niger, l’accord bilatéral qui régit l’intervention de Barkhane date de 2013. Il définit les conditions de stationnement sur le sol nigérien (précisément sur l’aéroport de Niamey) de la composante « Air » de Barkhane. En vertu de l’accord entre entre Niamey et Paris, le Niger accorde, entre autres, une liberté totale de stationnement aux mirages ainsi qu’aux drones et au personnel de l’opération Barkhane.
Avec le Mali, Barkhane hérite des accords passés lors de l’opération Serval. Une smiple demande était alors adressée en janvier 2013 par le président de transition Diancounda Traoré à son homologue français François Hollande. L’accord d’intervention a ensuite été formalisé sous forme d’un accord bilatéral franco-malien qui précise, notamment, le statut du personnel militaire de Barkhane, les conditions d’atterrissages et de décollage des aéronefs de Barkhane ainsi que les exonérations sur le matériel et équipement introduit par l’opération militaire française.
Mauritanie, des échanges encadrés
Pour des raisons différentes, le Burkina Faso et la Mauritanie n’ont pas avec la France des accords qui encadrent les opérations de Barkhane sur leur territoire.
Depuis près de dix ans, la Mauritanie n’a pas connu d’attaque djihadiste d’envergure sur son territoire. Le pouvoir mauritanien estime donc qu’il n’a pas besoin de forces étrangères pour lutter contre la menace terroriste. Ici, la coopération militaire bilatérale avec la France concerne non pas des opérations de Barkhane, mais la formation d’officiers mauritaniens dans les écoles françaises. La France envoie également des instructeurs en Mauritanie. Les deux pays échangent du renseignement et partagent des expériences dans la lutte contre le terrorisme grace à l’antenne que la DGSE possède en Mauritanie.
Burkina, le grain de sable
Si elles paraissent claires avec quatre pays du G 5 Sahel, les relations militaires entre la France et le Burkina Faso sont, en revanche, beaucoup plus complexes. La demande de clarification d’Emmanuel Macron concerne surtout ce pays. En dépit de la dégradation de la situation sécuritaire intérieure, le Burkina Faso a choisi comme doctrine de refuser toute installation d’une base de Barkhane sur son territoire.
Mieux, dans une lettre au ton ferme adressée à l’attaché militaire auprès de l’ambassade de France à Ouagadougou, le pouvoir burkinabé a exigé qu’il soit avisé de toute opération de survol de son territoire par tout aéronef étranger. A la veille d’une élection présidentielle incertaine, le pouvoir burkinabé ne souhaite pas s’aliéner une bonne partie de l’opinion publique hostile à l’installation d’une force étrangère.
Dans ces conditions où chaque pays du G 5 Sahel a fait son choix en tenant compte de ses réalités nationales, on ne voit pas à quoi pourrait bien servir le Sommet auquel le président Macron a convié le 16 décembre à Pau, dans le sud-ouest de la France, ses pairs du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.
Un sommet franco-africain pour rien? L’hypothèse est plus que probable.