Le 15 octobre 1987, le capitaine Sankara, alors chef de l’Etat, était tué par ses frères d’armes devant la villa du Conseil de l’entente, siège du Conseil national de la révolution (CNR).
Circulez, il n’y a rien à voir
Trente ans après, son meurtrier n’était toujours pas identifié. Le régime burkinabé a en effet toujours refusé d’ouvrir une enquête sur les conditions tragiques de l’assassinat d’une des grandes figures révolutionnaires des Indépendances africaines.
La donne a radicalement changé depuis le renversement du président Blaise Caparoé et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de transition. Son corps a été exhumé par la justice militaire burkinabè qui a ouvert une enquête à la demande des autorités de transition. Le jour de sa mort, Thomas Sankara portait un survêtement rouge avec des rayures noires. Telles sont les découvertes faites par l’équipe chargée de procéder à l’exhumation du corps de l’ancien président.« Les opérations sont aussi minutieuses qu’une fouille archéologique, explique Me Bénéwendé Sankara, avocat de la famille de l’ex-chef de l’Etat. Son corps avait été posé à même le sol dans la tombe. Il n’y a plus que des morceaux de tissus et des ossements ».
Depuis, un juge d’instruction, François Yaméogo, a été chargé de l’enquête sur les conditions de cet assassinat. La magistrat a lancé une commission rogatoire en France pour demander la levée des documents classés secret défense par les services français et qui concernent cet événement dramatique. La France en effet a traditionnelement maintenu une présence militaire forte au Burkina, y compris par la présence d’une antenne de la DGSE (services extérieurs français). De forts soupçons existent sur sa participation directe ou indirecte dans cet assassinat d’un Président qui affichait son indépendance face à la Françafrique.
Lettre de Pouria Amirshahi à Hollande
Après une nouvelle rencontre avec les avocats et la famille de Thomas Sankara à Ouagadougou, le député des français de l’étranger Afrique de l’Ouest-Maghreb, Pouria Amirshahi, a transmis, dimanche 19 mars, une demande officielle au président de la République François Hollande de levée des archives pour aider à « l’établissement de la vérité » sur l’assassinat de l’ancien chef d’Etat burkinabé. De tels documents bénéficient d’une absence totale de publicité s’ils concernent « les intérèts fondamentaux de l’Etat », touchant à la politique extérieure, la sûreté de l’Etat et la sécurité publique. » L’articulation entre la sûreté de l’Etat, le droit au respect de la vie privée et la possibilité pour la société de se saisir des enjeux historiques, écrit le député à François Hollande, est une question majeure dans un pays démocratique ». Et d’insister sur la nécessité de trouver « un équilibre » qui permette aux historiens de faire leur travail: « L’écriture de l’histoire ne doit pas être instrumentalisée par les enjeux politiciens »
Le président Hollande qui aura montré, durant son quinquennat, une indulgence coupable pour les chefs d’Etat du « pré carré français » – les Bongo, Sassou ou Issoufou – saura-t-il saisir l’opportunité de cette levée du secret défense pour se refaire une image plus favorable aux droits humains?