Le turc Erdogan et le congolais Sassou prêts à accueillir Alpha Condé 

Les tractations pour laisser partir de Guinée le président Alpha Condé renversé le 5 septembre n’ont pas encore abouti. Mais la Turquie où l’ex président guinéen se fait déja soigner ces dernières années lui a déjà offert l’hospitalité. Sans parler des bons offices du président congolais Sassou

« C’est dans les moments les plus difficiles que l’on reconnaît ses vrais amis » : S’il devait les juger à l’aune de cette sagesse populaire, le président guinéen Alpha Condé renversé le 5 septembre par un coup d’Etat militaire dira du Turc Racep Tayyip Erdogan et du Congolais Denis Sassou Nguesso qu’ils sont restés ses vrais amis. Les deux chefs d’Etat se sont dit prêts à accueillir le président renversé dès que le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, nouvel homme fort de Conakry et ses camarades du Comité national de rassemblement et du développement (CNRD), le laisseront prendre le chemin de l’exil. 

Diatribes anti-occidentales 

Brazzaville, la capitale congolaise, offre à Alpha Condé l’avantage de rester en Afrique et donc de ne pas trop souffrir de l’éloignement géographique et du sevrage de la « bonne cuisine africaine » qu’il aime tant. Alpha Condé, 83 ans, a toujours entretenu une relation d’estime et d’amitié avec Sassou Nguesso, son cadet de 6 ans, qu’il appelle affectueusement « l’Empereur ». Entre ces deux dinosaures de la vie politique africaine, l’estime et la considération semblent réciproques : Sassou Nguesso était présent en décembre 2020 à l’investiture d’Alpha Condé élu dans pour un troisième mandat controversé ; le Guinéen était venu en avril dernier à Brazzaville pour l’investiture de Sassou réélu dans des conditions calamiteuses pour un quatrième mandat avec 88% des voix. Sassou Nguesso, qui a connu et aidé Alpha Condé opposant historique avant Alpha Condé président de Guinée, a publiquement condamné le putsch des militaires des forces spéciales guinéennes. A défaut de le voir rétabli dans ses fonctions, le président congolais offre gîte et couvert à Alpha Condé. 

 Avec le Turc Erdogan, l’amitié est beaucoup plus récente. Trois années seulement après son élection, Alpha Condé a obtenu en 2013 des Turcs l’ouverture d’une ambassade à Conakry ainsi qu’une desserte aérienne de la Guinée par Turkish Airlines.  En 2016, pour sa toute première grande visite en Afrique, Erdogan avait choisi Conakry comme dernière étape. Il y était venu avec environ 150 opérateurs économiques pour promouvoir les intérêts de son pays dans les BTP, l’hôtellerie, les mines et la cimenterie. Mais surtout pour soigner ses relations avec son homologue guinéen qui force son estime et son admiration avec ses diatribes anti-occidentales, particulièrement ses sorties outrées contre l’arrogance de l’ancienne puissance coloniale. Bien qu’il soit un pur produit de l’école française, Alpha Condé, qui a eu Bernard Kouchner comme condisciple au lycée Turgot à Paris, n’hésite pas parfois à faire quelques sorties enflammées contre la France, appelant même en avril 2017 à Meknès, au Maroc, « les Africains à couper le cordon ombilical avec l’ancienne puissance coloniale ».  

En choisissant Ankara, l’ex-président guinéen sera plus près de ses médecins turcs. Depuis plusieurs années, Alpha Condé a choisi la Turquie comme destination pour ses soins et ses contrôles médicaux. 

Fâché avec toute la sous-région 

Le départ en exil d’Alpha Condé vers le Congo ou la Turquie arrange tout le monde. Ces deux destinations conviennent d’abord aux militaires putschistes qui ne veulent pas de la présence d’Alpha Condé, qui n’a pas renoncé à son pouvoir, dans le voisinage immédiat de la Guinée. L’exil d’Alpha Condé à Brazzaville ou Ankara arrange également ses homologues de la sous-région, à commencer par le Sénégalais Macky Sall et le Bissau-guinéen Umaru Cissoko Embalo, avec lesquels il était en très mauvais termes. Emporté par son élan du troisième mandat, Alpha Condé avait fini par se fâcher avec l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou avait qui il avait, pourtant, milité dans les années 1960 les rangs de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), aux côtés Malien Ibrahim Boubacar Keita. Seul l’Ivoirien Alassane Ouattara peut revendiquer en Afrique de l’Ouest des relations cordiales et chaleureuses avec Alpha Condé. Ce n’est donc pas surprenant qu’Alassane Ouattara soit le chef d’Etat qui négocie au nom de la CEDEAO avec la junte guinéenne pour obtenir le départ d’Alpha Condé de Conakry. Après les premiers rounds des discussions, tout porte à croire que le lieutenant-colonel Doumbouya, qui doit son ascension fulgurante à Alpha Condé, n’est finalement pas opposé à son départ en exil. L’ex-caporal de la légion étrangère français attend seulement de consolider son pouvoir avant de laisser filer son ancien mentor. Ankara ou Brazzaville, le choix n’est donc plus qu’une question de jours.