Lors d’un discours sur la nouvelle politique de la France, à la veille de sa nouvelle tournée africaine qui débute le mercredi 1er mars par le Gabon, Emmanuel Macron a prôné, le 27 février, » l’humilité » et la » responsabilité » de l’action de la France, refusant la » compétition » stratégique et pronant « l’humilité ». Par ailleurs, le Président français a annoncé une réduction des effectifs militaires en Afrique qui est déja amorcée.
Comment la diplomatie françaisepourrait-elle en effet ignorer que de nombreux régimes du pré carré africain de la France, confrontés à une opinion publique hostile à Paris, exigent la fin de l’arrogance française et le retrait des troupes tricolores?Les « annonces » d’Emmanuel Macron reviennent à prendre acte d’évolutions inéluctables, sans proposer une politique alternative.
Notons que ce virage diplomatique bien tardif (voir notre article ci dessous sur « la stratégie française au Sahel totalement floue ») est pris sans aucun débat au Parlement français, ainsi privé plus que jamais de toute force de proposition dans ce que le Président français considère comme son domaine réservé.
Emmanuel Macron a prôné lundi » l’humilité » et la » responsabilité » de l’action de la France en Afrique, refusant la » compétition » stratégique imposée selon lui par ceux qui s’ y installent avec » leurs armées, leurs mercenaires « , dans un discours sur la nouvelle politique africaine de l’Hexagone. Sans nommer la Russie dont la diplomatie française a fait le principal responsable de ses échecs africains, le Président français accuse clairement Vladimir Poutine de conclure des accords militaires avec les pays du pré carré français et d’envoyer des mercenaires sur le sol africain, via la société Wagner.
Notons que jamais il ne cite la Chine qui reste pourtant, et de moin, le premier concurrent commercial des Français en Afrique. Il faut avouer que les industriels français passent des accords avec leurs homologues chinois pour conquérir certains marchés, comme récemment pour un piepe line en Tanzanie.
Une compétition « anachronique »
» Beaucoup voudraient nous inciter à entrer dans une compétition, que je considère pour ma part comme anachronique (…). « , a-t-il déclaré dans une autre allusion à peine voilée à la Russie. » C’est le confort des grilles de lecture du passé : mesurant notre influence aux nombres de nos opérations militaires, ou nous satisfaire de liens privilégiés exclusifs avec des dirigeants, ou considérer que des marchés économiques nous reviennent de droit parce que nous étions là avant « , a-t-il ajouté. » Ce temps-là a vécu « .
Pourquoi alors la France d’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Driana-t-elle mené, pendant dix ans, une guerre au Mali qui s’ajoutait à la cinquantaine d’interventions françaises qui ont eu lieu depuis les Indépendances africaines? Comment la France en pronant la fin de l’esprit de compétition maintient des bases militaires permanentes au Sénégal, en Cote d’Ivoire, au Tchad ou au Niger si ce n’est au nom d’un passé révolu? Emmanuel Macron n’a jamais péché par un excès d’auto-critique !
En Afrique, l’age précède la fonction
» Il faut bâtir une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » avec les pays du continent africain, a martelé le président français. C’est avec une dose d’amnésie remarquable qu’Emmanuel Macron parle ainsi de la fin d’une certaine arrogancefrançaise dont il est la plus parfaite illustration
A l’heure du bilan, on aura compris que les quelques mois passés en 2002 à Abuja, au Nigeria, comme stagiaire de l’ENA n’auront pas suffi au président français Emmanuel Macron pour comprendre les subtilités, voire les ambiguïtés, des relations de « l’ancienne puissance coloniale » avec l’Afrique.
Souvenons nous. Pour sa première visite en Afrique, Macron fraîchement élu avait choisi de rendre visite en mai 2017 aux troupes françaises déployées au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Ce sera le premier couac de ses relations de président français avec l’Afrique.
Plutôt que de passer par Bamako rendre la courtoisie à son homologue malien, à l’époque Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, et poursuivre avec lui le voyage à Gao, le jeune président français choisit de se rendre directement de Paris dans la grande ville du nord Mali. Ce qui obligea le président malien, son aîné de 30 ans, à se déplacer à Gao pour l’accueillir. Sur un continent où l’âge précède la fonction, le geste a été pris pour un affront fait à IBK, aujourd’hui décédé, un homme politique particulièrement courtois et convivial qui méritait mieux..
Plaisanterie de mauvais goût
Le nouveau français avait choisi en nombre 2017, Ouagadougou, la capitale burkinabé, pour débattre sans tabou avec la jeunesse africaine et annoncer les nouvelles orientations de son quinquennat en matière des relations franco-africaines. Parlant de son homologue burkinabé qui sortait de l’amphithéâtre pendant son discours, Macron avait osé cette plaisanterie : « il s’en va réparer le climatiseur ».
Dans un pays où l’image du « Chef » est sacrée, la blague n’est pas passée pas dans l’opinion. Elle avait même provoqué un certain embarras dans l’entourage du président Roch Marc Christian Kaboré. D’autres couacs traduisant certaine inculture de l’Afrique vont traverser de bout en bout le quinquennat. Ce fut le cas lorsqu’en février 2020, répondant à un activiste camerounais qui l’interpellait sur la situation dans le Cameroun anglophone en proie à la guerre, Macron promet
L’Afrique centrale enfin valorisée
Le président français doit enchaîner mercredi avec une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale: le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo (RDC). Lors de la première étape, à Libreville, il participera à un sommet sur la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo.
Le discours intervient aussi après la fin de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel et le retrait forcé des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso. Ces deux pays sont désormais contrôlés par des juntes militaires et un sentiment d’hostilité à l’égard de la France y est vivace. Ce qui peut expliquer qu’Emmanuel Macron, adepte du « story telling », préfère ouvrir une page blanche en se rendant en Afrique centrale plutôt que de tirer la leçon de ses échecs dans le SaheL
Sur le plan militaire, le président a fait état d’une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique et un » nouveau modèle de partenariat » impliquant une » montée en puissance » des Africains. » Longtemps lors de l’opération Barkhane, Emmanuel Macon avait préconisé au Sahel, avec le peu de succès que l’on sait, l’association des partenaires européens.
La diplomatie franaçaise évoque désormais la montée en puissance des partenaires africains. Avec quelle formation pour les unités africaines? Quelles livraisons d’armes? Quelle implication des alliés occidentaux de la France, qu’ils soient européens ou américains? On n’en saura rien. Entre un passage au salon de l’Agriculture et un sommet européen, le président français aura sans doute un peu bâclé sa copie sur l’Afrique.
L’indispensable restitution du patrimoine
Seule constante dans la vision incertaine et changeant que l’Élysée peut avoir de l’Afrique, une loi sur la restitution d’œuvres d’arts aux pays africains, a-t-il annoncé, devrait être votée Mais avec quel retard. Emmanuel Macron avait affiché en effet une réelle volonté en ce domaine, mais c’était lors du discours prononcé au Burkina Faso le 28 novembre 2017, dans l’université de Ouagadougou. Le Président français annonçait qu’il voulait « que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».
Il est temps pour Emmanuel Macron de joindre les actes à la parole
Série Barkhane (volet 5), la future stratégie française au Sahel totalement floue